Écrivez-nous
Nom


Courriel


Message
 
Beatriz Santiago Muñoz :
Désordre poétique
Beatriz Santiago Muñoz, La cabeza mató a todos, 2014 Vidéo HD, couleur, son, 7 min 30 s
Beatriz Santiago Muñoz, Gosila, 2018. Vidéo HD, couleur, son, 10 min
Beatriz Santiago Muñoz, Marché Salomon, 2015 Vidéo HD, couleur, son, 16 min
Beatriz Santiago Muñoz, Marché Salomon, 2015. Vidéo HD, couleur, son, 16 min
Beatriz Santiago Muñoz, Binaural, 2019. Installation à six canaux, film 16mm, couleur et noir et blanc, sans son, en boucle
Ouvrir

1er septembre — 16 octobre 2021

Commissaire : Stefanie Hessler, en collaboration avec Camille Georgeson-Usher, Maude Johnson et Himali Singh Soin

Exposition présentée dans le cadre de MOMENTA Biennale de l’image et produite en partenariat avec la Galerie Leonard & Bina Ellen

 

Traduction : André Lamarre

Produit avec l’appui du Frederick and Mary Kay Lowy Art Education Fund

Pluie et nuages, vent et fracas. En 2017, le plus puissant ouragan jamais enregistré s’est abattu sur l’ile de Porto Rico pendant trois semaines. Au lendemain de ces tempêtes, donner un sens à ce qui s’est produit tout en rebâtissant les relations dans un contexte de changements climatiques, d’impérialisme et de survie est devenu synonyme de prendre soin.

Prendre soin, c’est tisser un réseau organique. Un réseau articulé autour des agentivités et des matériaux, transcendant les mondes humains et non humains, connectant le biologique et le géologique, la vie et la non-vie.

Prendre soin ne s’arrête pas à l’intention ni au souci, mais demande un engagement actif, quelle qu’en soit la nature. Si prendre soin est souvent perçu comme une activité féminine, et non rémunérée, le travail de Beatriz Santiago Muñoz met en relief les processus féministes d’être touché·e·s, qui nous permettent de coexister avec et grâce à l’autre. Ses films saisissent des moments nés de la spécificité qui s’étendent pour embrasser des réalités plus vastes.

L’œuvre de Santiago Muñoz puise à même ses racines portoricaines. Profondément engagée dans une pratique militante décoloniale et des préoccupations envers le territoire, elle met à l’épreuve le regard occidental posé sur Porto Rico, Haïti et d’autres lieux dont l’histoire est marquée par la colonisation, l’occupation militaire et la résistance. Dans ses films documentaires, spéculatifs et militants, Santiago Muñoz forme des nœuds de plus en plus serrés où s’entrecroisent relations et engagements mutuels.

— Stefanie Hessler, en collaboration avec Camille Georgeson-Usher, Maude Johnson et Himali Singh Soin

Biographie

Beatriz Santiago Muñoz

Beatriz Santiago Muñoz (née et vit San Juan, Porto Rico) s’intéresse aux tensions qui émergent du contexte postcolonial dans les Caraïbes et aux imbrications sociales et politiques qu’il sous-tend. Adoptant une posture militante engagée, sa pratique met à l’épreuve les régimes de visibilité qui, par leur mise en place d’une hiérarchie de ce qui est montré, font exister — ou taire — des évènements, des groupes sociaux ou des récits minoritaires. Avec leurs dimensions poétiques, performatives et sensorielles, ses œuvres vidéographiques brouillent la frontière entre fiction et documentaire. L’artiste y conjugue l’ethnographie expérimentale, les féminismes et le théâtre participatif d’Augusto Boal, dramaturge et activiste brésilien ayant voué sa vie au développement de stratégies pour que les personnes reléguées à l’extérieur du discours théâtral puissent s’exprimer.

Fermer

L'exposition

Texte des commissaires

Avec Désordre poétique, Santiago Muñoz met en relation quatre œuvres qui, chacune à leur manière, abordent et incarnent les complexités sous-jacentes à la notion de soin (care). Un terme ancré dans l’idée d’engagement, étant à la fois un processus ou une activité (prendre soin), et un mode de résistance. Pièce maitresse de l’exposition, l’installation Binaural comprend six projections en 16 mm qui s’entrecroisent dans la galerie. Les images, tournées à Porto Rico et aux iles Salomon, montrent un coucher de soleil vertical, une forêt ou un pêcheur. L’ensemble présente un portrait simple et sensible du territoire, les films ayant été développés avec des teintures végétales créées à partir de plantes locales. Gosila, réalisé au lendemain d’un des plus violents ouragans qu’a connus Porto Rico, porte sur la lumière qui, même devant un tel désastre, filtre dans la vie. Dévoilant le désordre laissé par la tempête, les images nous bercent avec lenteur, faisant écho au long procédé de la résilience. Avec La cabeza mató a todos, Santiago Muñoz s’inspire d’un mythe autochtone fondé sur le passage d’une étoile filante pour jeter un sort sur les industries militaires. On y voit l’activiste et botaniste portoricain·e Mapenzi Chibale Nonó qui, accompagné·e d’un chat noir incarnant l’astre céleste, s’évertue tout au long de la vidéo à activer le sort. Abordant aussi la question du surnaturel, Marché Salomon met en scène Marcelin Exiliere et Mardochelene Chevry, deux jeunes travaillant au marché de Port-au-Prince qui s’interrogent sur la possible nature divine de choses anodines — une bouteille d’eau du commerce, une rivière toxique, une chèvre morte. Ces quatre projets vidéos développent ensemble un récit de la coexistence porté par l’imagination, les affects et les décalages. La constellation cinématographique ainsi créée propose une façon non linéaire et prismatique de voir le monde, une lecture plurielle qui se substitue à la vision unique et désincarnée promulguée par le colonialisme et la pensée occidentale.

— Stefanie Hessler, en collaboration avec Camille Georgeson-Usher, Maude Johnson et Himali Singh Soin

Fermer

Oeuvres

La cabeza mató a todos

La cabeza mató a todos, 2014
Vidéo HD, couleur, son, 7 min 30 s

Avec l’aimable concours de l’artiste

La cabeza mató a todos présente une rencontre nocturne entre un chat noir et l’artiste et activiste portoricaine Mapenzi Chibale Nonó. En empruntant la voix de Nonó, le chat transmet des instructions pour jeter un sort dans le but de détruire la machine de guerre. Elles décrivent l’origine des androgynes et montrent comment le geste artistique est d’abord magique avant d’être symbolique. En train de fumer, Nonó écoute. Elles ramassent du feuillage, dansent sur une chanson punk et continuent de bouger alors que la musique laisse entendre les coassements des grenouilles coquí dans les environs.

Obscure comme la vue offerte, alors que la noirceur se referme sur Nonó, la courte vidéo de Santiago Muñoz est ancrée dans la culture portoricaine. Le titre prémonitoire de l’œuvre, qui se traduit par « La tête qui a tué tout le monde », fait écho au mythe local d’une étoile filante vue comme une tête en chute libre annonçant une période de tumultes. En mettant en scène Nonó, une artiste engagée dans la sauvegarde de la flore locale, le travail communautaire et l’éducation alternative, Santiago Muñoz jette un regard par le trou de la serrure sur la préparation clandestine et l’incarnation d’une pratique queer, anti-impérialiste et décoloniale.

EXPLOREZ

Les états altérés de la conscience. Pensez aux différentes manières de transmettre un savoir et comment l’apprentissage est mis en œuvre dans cette vidéo.

Les formes magiques. Écoutez et regardez afin de saisir l’accent mis sur la forme : la formulation magique, l’action de dessiner, de danser. Peut-elle être considérée comme un rituel magique ? Pouvez-vous identifier des éléments de nature rituelle ou magique dans d’autres œuvres de l’exposition ?

Fermer
Marché Salomon

Marché Salomon, 2015
Vidéo HD, couleur, son, 16 min

Avec l’aimable concours de l’artiste

« Je ne suis pas convaincue. »

Au cours de leur journée de travail, Marcelin Exiliere et Mardochelene Chevry échangent des vues qui divergent à propos des forces de vie qui les environnent. Derrière le billot où ils découpent la viande de chèvre, puis au cours de leurs déambulations et de leurs observations dans le marché de Port-au-Prince où ils travaillent, Exiliere et Chevry se demandent à haute voix quels objets sont habités par des esprits, si la réalité du commerce tient ces forces à distance, ce qu’il faut faire lorsqu’on est attiré par un trou noir et s’ils ont vu des zombies au marché. Prenant une pause, ils interrompent leur conversation pour joindre leur index et leur pouce, chacun portant sa main à son œil pour observer à nouveau le marché.

Ce qui importe à Santiago Muñoz, est la manière d’intégrer la caméra à un contexte : dans ce cas-ci, le marché vu comme une galaxie. Quel rôle la caméra joue-t-elle au cœur des objets, des gens et des forces qui peuplent cette galaxie? Et que faut-il pour construire une caméra? Si on la compare au geste de Exiliere et Chevry qui regardent à travers leurs doigts, on se demande comment une vue construite par la caméra de Santiago Muñoz peut atteindre les limites du visuel, de façon à suivre les instructions de Exiliere : « Si tu regardes au-delà de ces choses, il y a quelque chose d’autre. Regarde, regarde.”

EXPLOREZ

« OK écoute ici ». À quel endroit de l’exposition recevez-vous l’invitation ou êtes-vous sommé.e.s d’écouter, de modifier votre point de vue ou d’agir? À quel endroit êtes-vous plongé·e.s  dans la vision de la caméra, partageant ses observations et sentant sa présence?

La construction du monde. Parcourant les œuvres de l’exposition, remarquez comment les différentes façons de construire ou de reconstruire le monde sont documentées. S’agit-il toujours de forces surnaturelles ? D’autre part, le quotidien participe-t-il aussi à ces processus ?

Fermer
Gosila

Gosila, 2018
16 mm et vidéo HD transférés sur vidéo, couleur, son, lentille de Fresnel, 10 min

Avec l’aimable concours de l’artiste

Au moyen d’une avancée lente et fragmentée, Gosila parcourt Porto Rico dans le contrecoup des ouragans Irma et Maria. Ayant successivement touché terre en septembre 2017, les tempêtes ont éventré les maisons, inondé les communautés et dévasté les infrastructures de l’île qui avaient été longtemps négligées. Maria a plongé Porto Rico dans un blackout de trois jours, coupant toutes les communications, invalidant les secours et l’aide médicale, et privant une part de la population d’électricité pour une année complète. Les tempêtes ont frappé l’île alors qu’elle était sous l’emprise d’une désastreuse crise de la dette, étant donné que son autonomie politique et économique est depuis longtemps minée par son statut de territoire non incorporé aux États-Unis d’Amérique. Cette situation fait de Porto Rico ni un État, ni une nation souveraine. Après le passage des vents et des pluies, les conséquences de la soumission de l’île au capitalisme raciste, colonial et extractif, de même que sa vulnérabilité aux changements climatiques, furent d’autant plus dures et apparentes.

Frayant son chemin à travers l’île bouleversée, Gosila s’attarde sur la lenteur, la quiétude et la complexité de l’activité et de la vie qui reprennent après le désastre. Suivant la montée des eaux, observant le dégagement du territoire, à l’écoute des rêves, se balançant doucement sur les planchers de danse, Gosila montre chaque geste d’autonomie, explorant la part de reconstruction sociale et politique qui reste aux mains du peuple.

Explorez

Représenter l’aide. De quelles façons Santiago Muñoz représente-t-elle l’« aide »? Est-ce une action, comme dans les opérations de secours, ou peut-on aussi le sentir et le voir d’autres façons?

Les films de monstres. Comment Godzilla (Gosila) peut-il être relié au travail de Santiago Muñoz? Qui sont les protagonistes monstrueux du film de Santiago Muñoz ? Quelles sont leurs sources et leurs causes ?

Fermer
Binaural

Binaural, 2019
Installation à six canaux, film 16 mm, couleur et noir et blanc, en boucle: Horizonte Vertical 2 min 25 s, Duerme 59 s, Geometria 1 min 20 s, La luz del tunel 46 s, Vaeno Wayne 2 min 43 s, Jengibres 1 min 26 s

Avec l’aimable concours de l’artiste

Parmi les œuvres de l’exposition, Binaural est peut-être celle qui vous cantonne le plus dans une position de visiteur, de visiteuse. Ce qui confirme la déclaration de Santiago Muñoz selon laquelle « il existe plus de postures possibles pour le créateur que pour le spectateur ou la spectatrice qui déambule avec distraction et indifférence dans les espaces d’exposition. Ici, le spectateur, la spectatrice, la personne qui regarde, est un fantôme. »

Dans son essai “I Am Going to Describe a Ritual ” (Je vais décrire un rituel), Santiago Muñoz se demande comment on accorde à la consommation de l’art une valeur supérieure aux processus auxquels l’artiste se soumet dans sa création. Pour Santiago Muñoz, la caméra constitue un appendice ou un organe qui change l’artiste, ce qui signifie que la caméra les met en mouvement et les guide, elle les intègre et modifie leur perspective et leur point de vue. Puisque l’artiste est consommé par la caméra, alors Santiago Muñoz se demande comment les personnes qui regardent peuvent renoncer à leur désir d’une simple image représentative et commencer à réaliser comment relier l’extériorité de leur perspective aux autres expériences en jeu dans l’œuvre. Remarquez que Binaural, une œuvre silencieuse, porte un titre acoustique, ce qui constitue une invitation à faire usage de vos sens par-delà le visuel.

Binaural a été tourné à Porto Rico et aux îles Salomon. Que peut-on voir dans ce film? La cueillette de plantes, le bercement dans un hamac, un panoramique sur l’horizon, la mise en récit d’un relief sculpté et un néon clignotant dans l’obscurité. On constate aussi, bien qu’à un niveau moléculaire, la présence de la flore de l’île dont Santiago Muñoz a extrait les substances chimiques utilisées pour le développement des films. Conformément à sa vision qui attribue conjointement à l’artiste et au spectateur ou à la spectatrice la responsabilité de remodeler ses sens, Santiago Muñoz transforme le processus filmique en une sorte de photosynthèse, modifiant sa sensibilité et par la suite la fusionnant à l’environnement saisi par l’objectif de la caméra.

EXPLOREZ

La caméra de tourisme. Comment Santiago Muñoz arrive-t-elle à contourner, à fragmenter ou à rejeter le regard touristique et ses fantasmes tropicaux ?

Les conditions environnantes. Quelle forme d’environnement Binaural construit-elle dans l’espace d’exposition? Comment vous y situez-vous ? Comment le parcourez-vous ? Enfin, comment mettez-vous en relation chacun de ses éléments avec les autres ?

Fermer

Textes de l'artiste

I am going to describe a ritual

« I am going to describe a ritual ». Dans A Universe of Fragile Mirrors. Miami : Pérez Art Museum, 2016. PDF [En anglais]

Fermer
Radical Form

« Radical Form ». Dans Beatriz Santiago Muñoz: Capp Street Project. San Francisco: CCA Wattis Institute, 2008. PDF [En anglais]

Fermer

Concepts

Le jeu comme action

Les jeux de rôles et l’improvisation occupent une place importante dans la pratique de Santiago Muñoz. Loin de constituer des occasions de rêverie ou de fuite, ces pratiques théâtrales sont au contraire conçues comme des processus par lesquels une pensée et une action politiques nouvelles et radicales peuvent prendre forme.

Cette conception s’inspire du travail de l’activiste politique et dramaturge brésilien Augusto Boal, auteur du Théâtre de l’opprimé, essai dans lequel il a développé la théorie et la méthode issues de ses expériences de théâtre participatif au Brésil sous la dictature militaire au cours des années 1960 et plus tard au Pérou dans les années 1970.

Selon Boal, le théâtre sous le régime capitaliste a été trop longtemps présenté au public comme un divertissement. À son niveau le plus schématique, le théâtre conventionnel maintient des frontières entre les spectateurs·trices et les acteurs·trices, leur assignant respectivement des rôles passifs et actifs, contribuant ainsi à renforcer la hiérarchie sociale. Par opposition, le théâtre de libération de Boal ouvrait un espace de partage pour l’analyse des relations sociales. À travers ses exercices, le spectateur-participant ou la spectatrice-participante, le « spect-acteur » ou la « spect-actrice », commençait à découvrir comment transformer son image de soi, ses relations et les conditions de son environnement. De même, là où le théâtre conventionnel se bornait à relayer les œuvres classiques sans aucune approche critique, Boal a adapté ses productions pour faire écho à l’urgence politique du moment. Le théâtre est devenu une arme d’émancipation et un espace d’autodétermination : « Peu importe que l’action soit fictive, c’est l’action qui importe ! »

Fermer
La caméra comme façon de voir

Il existe une référence majeure pour Santiago Muñoz : c’est le cinéma ethnographique expérimental, en particulier les films et les écrits de l’anthropologue français Jean Rouch, qui a travaillé au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Niger et au Mali, du milieu des années 1940 jusqu’à sa mort en 2004.

Influencé par le cinéma soviétique d’avant-garde, Rouch a développé une pensée du cinéma dans le but de décrire les façons de sentir et de comprendre rendues possibles par la caméra. Ayant subi aussi l’influence du surréalisme, il voyait le redoublement du monde réel effectué par le cinéma comme une ouverture sur des mondes imaginaires. Ce monde parallèle constituait pour Rouch un équivalent des pratiques rituelles ainsi que l’espace des esprits et des rêves qui faisait l’objet de ses études, alors qu’il décrivait la caméra comme un lieu de passage qui le plongeait dans une ciné-transe. Finalement, Rouch soutenait que son cinéma proposait à la réflexion le compte-rendu d’une « anthropologie partagée », documentant un dialogue équivoque et empreint de contradictions, où toutes les parties en jeu se transforment à la faveur de la situation et sont changées par elle.

Fermer
L’archipel comme site et comme pensée

À partir de Porto Rico, Santiago Muñoz sillonne avec ses œuvres le croissant des îles caraïbes et elle fait le saut depuis l’Atlantique jusqu’à l’archipel des Chagos dans l’océan Indien. Selon le philosophe martiniquais Édouard Glissant, l’interconnection géographique, historique et la composition sociale des îles caraïbes rend possible une forme de pensée archipélagique. En tant que région géographique, l’archipel peut être considéré comme l’antithèse du continent, si on compare la dispersion des îles dominées par les eaux environnantes à l’expansion massive du territoire que forme le continent. La pensée archipélagique privilégie le réseautage de positions intermédiaires plutôt que la fixité et la centralité d’un point unique. La multiplicité, les variations et la vision locale sont les notions clés de cette forme de pensée qui émerge des échanges transculturels.

Dans le même ordre d’idées, le poète barbadien Kamau Brathwaite propose le terme tidelectic pour remplacer le mot dialecte, dans le but d’englober la vitalité complexe des langues parlées dans les Caraïbes. Souvent utilisé péjorativement, le mot dialecte force à la comparaison ainsi qu’à un asservissement à la langue coloniale officielle et obligatoire. Au lieu d’une extinction, Brathwaite suggère que, dans ce contexte, le langage et les langues maternelles peuvent être pensées et vécues dans une expérience de la submersion. Le terme tidelectics (que l’on pourrait tenter de traduire par un « langage des marées » ou une « marée de langues ») rend alors compte de la présence rythmique, circulatoire, et de l’expansion d’une multitude langues « non officielles » dans la foulée du colonialisme.

Fermer

Pour de plus amples renseignements

Bibliographie

Bibliographie

Boal, Augusto. Théâtre de l’opprimé. Traduit par Dominique Lemann. Paris : La Découverte, 2014. 

Bonilla, Yarimar. « The Coloniality of Disaster: Race, Empire and the Temporal Logics of Emergency in Puerto Rico, USA ». Political Geography 78 (2020).

Brathwaite, Edward Kamau. The History of Voice. London : New Beacon, 1984.

Ferdinand, Malcolm. Une écologie decolonial : Penser l’écologie depuis le monde caribéen. Paris : Éditions de Seuil, 2019.

Glissant, Édouard. Traité du Tout-Monde. Paris : Gallimard, 2014.

Neyra, Ren Ellis. The Cry of the Senses: Listening to Latinx and Caribbean Poetics. Durham, NC : Duke University Press, 2020.

Puerto Rico Syllabus. https://puertoricosyllabus.com/

Rouch, Jean. Cinéma et anthropologie. Sur la direction de Jean-Paul Colleyn. Paris : Cahiers du Cinéma, 2009.

Sheller, Mimi. Island Futures: Caribbean Survival in the Anthropocene. Durham, NC : Duke University Press, 2020.

Vergès, Françoise. Un feminism decolonial. Paris : La Fabrique, 2019.

Fermer