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MIKE HOOLBOOM. THE INVISIBLE MAN
Mike Hoolboom, Imitations of Life, 2003. 18 min. Image tirée de la vidéo.
Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Distribution : Canadian Filmmakers Distribution Center et Vtape, Toronto.
Mike Hoolboom, The Invisible Man, 2004. 18 min. Image tirée de la vidéo.
Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Distribution : Canadian Filmmakers Distribution Center et Vtape, Toronto.
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The Invisible Man est la première exposition solo de Mike Hoolboom en galerie. Différents films récemment réalisés par le cinéaste sont rassemblés en installations. Le film Invisible Man (2004) qui donne son nom à l’exposition est présenté dans la salle principale de la Galerie. Cinq courts métrages faisant originellement partie de l’anthologie Imitations of Life (2003) sont également présentés : In the Future est projeté dans le vestibule de la Galerie en guise d’introduction; In my Car et Rain sont présentés l’un à la suite de l’autre alors que Imitations of Life (qui porte le même titre que l’anthologie de laquelle il est tiré) est projeté seul dans une autre salle. Enfin, dans une petite tour modulaire comportant trois moniteurs, Last Thoughts est diffusé avec deux autres films qui lui sont postérieurs, soit Tracks (2004) et Male Walk (2004).

COMMENTAIRE DU COMMISSAIRE

« La nuit dernière j’ai fait un rêve : les films que j’avais vus même dans le ventre de ma mère étaient une prophétie. Ils étaient mon avenir. »

– Mike Hoolboom, In the Future

Le monde d’images du cinéma est un monde que nous partageons déjà. Plus que de simples divertissements, les films sont des habitudes de vie que nous adoptons, mais des habitudes qui vont au-delà de modèles à émuler. Au même titre que l’enfant déjà trop vieux, ils annoncent notre avenir. C’est du moins une des prémisses de l’installation d’Hoolboom. Il nous faut cependant reconfigurer le film pour expliciter ce message, pour en faire ressortir la structure mythique. Les films de Mike Hoolboom consistent en un montage d’images de films d’Hollywood, de métrages trouvés et de films maison. Il pille les produits des autres pour créer des flux d’images dépouillées de leurs récits d’origine, mais lorsque les images sont reconstituées selon une logique autre elles défilent comme un rêve. (Cette logique onirique est commune à notre réception des films hollywoodiens même les plus réalistes et s’installe lorsque la salle s’assombrit.) Entre les mains d’Hoolboom, le cinéma devient un univers aqueux aux trouées de lumière, une sorte de liquide amniotique dans lequel prend naissance une forme de conscience. Par son appropriation d’images, Hoolboom ne produit pas une analyse des images, sauf peut-être au niveau d’une poétique. Il propose une forme d’être qui se veut une ontologie du cinéma. Mais nous faisons également partie du cinéma, et cette ontologie devient nôtre. Flux d’images, flux de temps et flux de vie se fondent dans les consciences individuelles – les spectateurs qui reçoivent des images et qui consomment des films. Notre réceptivité à l’image filmique ajoute foi à l’expression « une vie dans le cinéma ». À l’instar de l’enfant, nous naissons et nous mourons à travers les films à la manière que le suggère Hoolboom.

– Philip Monk, commissaire AGYU, Birth to Cinema : Mike Hoolboom’s Invisible Man

« Dans l’avenir chaque instant sera photographié, doublé. Nos corps deviendront transparents. Nous nous traverserons les uns les autres comme si nous franchissions une porte, jusqu’à ce que nous arrivions à la fin du monde d’images, un monde où nous sommes également des images. Nos films et nos photographies, nous aideront-ils à comprendre notre dernier lieu, nous apprendront-ils à mourir? »

– Mike Hoolboom, In the Future

Commissaire : Philip Monk

Exposition itinérante organisée par l’Art Gallery of York University (AGYU), Toronto

LES ŒUVRES

In the Future, 2003, 3 min 29 s
Placé en exergue à l’exposition, In the Future s’avère une excellente introduction au travail de Hoolboom puisqu’il contient en germes la plupart des thèmes, des stratégies narratives et des procédés filmiques utilisés par le cinéaste dans l’ensemble des films présentés à la Galerie. Principalement composé de séquences de films documentaires et hollywoodiens représentant des scènes de tournages et de prises d’images, In the Future questionne l’hégémonie de l’image cinématographique sur l’édification de notre passé et l’élaboration de notre futur.

Invisible Man, 2004, 18 min
Installation éponyme, Invisible Man raconte l’histoire d’un homme qui prétend rajeunir à chaque année, perdant de l’âge au lieu de vieillir. Outre la voix de cet homme (celle de Hoolboom), la narration est également assurée par un autre homme cette fois beaucoup plus jeune qui déclare avoir écrit le scénario de la vie du premier. Invisible Man s’intéresse à la façon dont le cinéma façonne notre histoire personnelle, à la manière dont il conditionne nos valeurs, notre mémoire, nos rêves. À l’instar de l’homme rajeunissant qui finira irrémédiablement par disparaître, par devenir invisible, nous sommes complètement submergés et annihilés par la prégnance des images qui dictent le scénario de nos propres vies.

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Male Walk, 2004, 2 min 10 s
Placé dans le moniteur au haut de la tour, Male Walk nous montre trois hommes d’âges différents se déplaçant contre un ciel azur. Les deux hommes plus âgés marchent alors que le jeune homme est à vélo. Aucune indication de lieu ne nous permet d’identifier l’endroit où ils se trouvent et leur destination nous est inconnue. Male Walk se veut en quelque sorte une métaphore des diverses étapes de la vie.

Last Thoughts, 2003, 6 min 30 s
Last Thoughts est un véritable collage d’images en surimpression. À travers ce flot d’images représentant principalement des éléments naturels et organiques, on découvre un homme alité, intubé, la tête couverte de bandelettes blanches. Dans son nouveau dispositif de présentation à la Galerie (le film est diffusé au centre de la tour), Last Thoughts devient un film muet. La trame sonore à l’origine composée de bruits hétéroclites ainsi que du son d’un moniteur cardiaque qui suggère la mort de l’homme au terme du film est remplacée par un silence qui laisse le récit ouvert et en suspend.

Tracks, 2004, 2 min 10 s
Dernier film présenté au bas de la tour, Tracks met en scène un ouvrier qui répare des rails de train dans une obscurité quasi totale. Le principal éclairage provient des étincelles produites par la machinerie qu’il utilise. Quelques lumières nous laissent deviner une ville un peu plus loin.

Imitations of Life, 2003, 21 min
Imitations of Life s’ouvre sur des séquences documentaires portant sur la conception humaine. La narration à trois voix (un homme, une femme et un jeune garçon) est un commentaire sur la suprématie d’Hollywood et de ses valeurs. Hoolboom cherche à démontrer en quoi Hollywood a remplacé nos rêves et comment ses films répétant perpétuellement les mêmes histoires sont venus modeler notre façon de concevoir le monde. Les extraits de textes insistent également sur la manière dont les films marquent le passage du temps, déterminent l’histoire et forgent notre mémoire.

In my Car, 2003, 5 min
In my Car est composé de séquences pillées à divers films d’auteurs tels que 8 1/2 de Fellini et Stalker de Tarkovsky. Ces images illustrent un texte élégiaque évoquant les thèmes de la foi, de la mémoire, de la solitude, de l’imagination.

Rain, 2003, 3 min 30 s
Rain est un film composé d’images au ralenti. Sur le mode de la confession, quatre protagonistes nous livrent leurs réflexions sur leurs vies, leurs espoirs, leurs souvenirs, leurs oublis, leurs pertes.

EXPLOREZ

  • Le déplacement des films de Hoolboom de la salle de projection (le cinéma) à l’espace d’exposition (la galerie). Les films sont « transformés » par leur nouvelle présentation sous forme d’installations.
  • L’utilisation par le cinéaste d’images glanées à différentes sources (films hollywoodiens, documentaires, films maisons) pour produire un sens autre, un nouveau récit.
  • La façon dont l’utilisation d’images familières met en relief de manière plus palpable le montage des films et nous fait prendre conscience du médium filmique.
  • L’impact de l’image cinématographique sur notre développement, sur notre environnement, sur la construction de notre passé et sur la projection de notre futur. Pour Hoolboom, le cinéma nous impose une certaine vision du monde; ses images deviennent nos propres archives et constituent notre mémoire.
  • La manière dont notre expérience de la mort, du corps, du désir est façonnée par le cinéma, par l’image filmique.
  • La relation entre les procédés narratifs et le discours biographique. La narration est un outil utilisé par Hoolboom (voix-off, intertitres, extraits de textes, etc.) pour construire sa propre histoire; une biographie fictive qu’il se plaît à inventer, à modifier, à morceler.

QUELQUES QUESTIONS

  • En quoi et comment le dispositif de présentation infléchit notre réception des films de Hoolboom ? En quoi leur nouvelle présentation en installations modifie notre expérience ?
  • Par leur réactualisation dans les films de Hoolboom, les images empruntées qu’il « détourne » deviennent étrangères à leur contexte d’origine. Elles changent de registre, de sens. Quels effets produit la réutilisation de ces images ?
  • En quoi notre capacité à reconnaître les séquences empruntées modifie notre réception des films de Hoolboom. Est-il nécessaire d’identifier la source des images pour comprendre ?
  • Dans notre monde saturé d’images, nous sommes constamment confronté à la répétition sans fin des mêmes histoires, des mêmes récits, des mêmes images. De quelle manière croyez-vous que ces images façonnent notre mémoire, forgent notre identité ?
  • De quelle façon les documentaires et les films de fiction modifient-ils notre rapport à la science ? À la mort? En quoi les images cinématographiques influencent-elles notre rapport au corps humain ? À notre propre corps ?
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l'artiste

Mike Hoolboom

Mike Hoolboom est un des cinéastes expérimentaux les plus prolifiques de sa génération. Né à Toronto en 1959, il a réalisé plus de 50 films et vidéos depuis 1980. Son travail a été récompensé par de nombreux prix, notamment celui du meilleur court métrage canadien du Festival International du Film de Toronto qu’il s’est mérité à deux reprises pour les films Frank’s Cock (1993) et Letters From Home (1996). D’abord orienté vers une pratique plus structuraliste questionnant les diverses spécificités du médium cinématographique, Hoolboom s’est ensuite tourné vers un travail davantage narratif, sur le mode de l’essai ou du journal personnel. Son œuvre se caractérise entre autres par l’appropriation d’images de sources diverses telles le cinéma hollywoodien, le documentaire et le film maison. Hoolboom transforme et actualise ces séquences en les insérant dans des récits à caractère intime qui s’intéressent à la prégnance de l’image cinématographique, à la mort, à l’enfance, au corps, à la mémoire. Hoolboom est également une figure majeure du milieu du cinéma expérimental canadien par sa contribution critique. Il est l’auteur de deux ouvrages et de plus d’une centaine d’articles portant sur le film expérimental. Il est également le co-fondateur du groupe Pleasure Dome, un regroupement de cinéastes dédié à la diffusion du cinéma expérimental.

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POUR DE PLUS AMPLES RENSEIGNEMENTS

Bibliographie

COLE, Janis, « From Frank’s Cock to Imitations of Life : The Years with Mike Hoolboom », Point of View, p. 22-25.  spectrumtoronto.com

DAVIES, Jon, « Mike Hoolboom and the Invisible Man. Gallery Review : The Iconic Canadian Filmmaker’s First-Ever Solo Public Gallery Show », Synoptique, n° 8, mars 2005. synoptique.ca

HOOLBOOM, Mike, Inside the Pleasure Dome : Fringe Film in Canada, Toronto, Coach House Press, 2001.

HOOLBOOM, Mike, Plague Years : A Life in Underground Movies, Toronto, YYZ Books, 1998.

MCBRIDE, Jason, « Mike Hoolboom », Canadian Film Encyclopedia, janvier 2003. filmreferencelibrary.ca

MONK, Philip, Birth to Cinema : Mike Hoolboom’s Invisible Man, texte accompagnant l’exposition.

RUSHOLME, Jack, « How to Die : The Films of Mike Hoolboom », MESH, n° 4, printemps 1995. experimenta.org

SUNSHINE, Fannie, « Darker side of invisible », The Weekender, 28 novembre 2004.

Video Data Bank, « Mike Hoolboom ».
vdb.org

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