Le Projet Yeoseong Gukgeuk. Dévoyer le genre
5 septembre – 28 octobre 2023
Le Projet Yeoseong Gukgeuk. Dévoyer le genre
siren eun young jung
Commissaire : Ji-Yoon Han
Exposition présentée dans le cadre de MOMENTA Biennale de l’image et produite en partenariat avec la Galerie Leonard & Bina Ellen.
L’œuvre de siren eun young jung (정은영) explore le potentiel subversif des pratiques culturelles populaires et met en lumière l’existence de communautés qui, aujourd’hui comme hier, maintiennent des espaces de dissemblance et de non-conformité au sein d’une société donnée. Depuis 2008, l’artiste est engagée dans un projet de longue haleine sur le Yeoseong Gukgeuk (여성국극), « théâtre traditionnel des femmes » constitué en Corée au lendemain de la colonisation japonaise et ayant connu un grand succès dans les années 1950 et 1960.
Loin de chercher à restaurer ou à légitimer une « tradition » longtemps oubliée de l’histoire culturelle nationale, la démarche activiste de jung explore les manières vécues et senties de s’écarter des normes sociales et artistiques. De la recherche documentaire à la réalisation d’entrevues avec les protagonistes et les témoins de l’époque, de la constitution d’archives « anomales » à l’exploration performative de l’espace d’exposition et de la scène, de la collaboration à la cocréation avec des communautés LGBTQ+, l’artiste invente un art en constante métamorphose, dont les formes ne sont jamais fixées une fois pour toutes. Elle invite ainsi à embrasser la théâtralité des mascarades identitaires, à se laisser dérouter, habiter – et finalement transporter – par le foisonnement et la dissonance.
Alors que les individus sont sans cesse fichés, formatés, figés dans du même et de l’identique, comment pouvons-nous mettre en mouvement nos manières de comprendre les identités et les différences ? Sous le titre Mascarades. L’attrait de la métamorphose, la 18e édition de MOMENTA Biennale de l’image réunit 23 artistes dont les œuvres activent des processus de transformation, de mimétisme et de mutation à travers le vivant.
– Ji-Yoon Han, commissaire
Pistes de réflexion est réalisé par Lynn Kodeih.
Biographies
L’artiste siren eun young jung a étudié les arts visuels et la théorie féministe à l’Université Ewha Womans en Corée du Sud et à l’Université de Leeds au Royaume-Uni. Ses intérêts portent sur les désirs bouillonnants d’individus anonymes lorsqu’ils font l’expérience d’événements à travers le monde et comment ils se développent dans la résistance, l’histoire et la politique. Elle croit qu’en réinterrogeant sans cesse la méthodologie féministe-queer, une pratique artistique à la fois esthétique et politique est possible. Travaillant dans divers domaines tels que les arts visuels, le cinéma et le théâtre, ses œuvres les plus représentatives incluent le Dongducheon Project (2007-2009) et le Yeoseong Gukgeuk Project (2008-en cours). Sa pratique s’est développée principalement à travers des expositions majeures en Asie telles que Tradition (Un)Realized au Arko Art Center, Séoul (2014), Ghosts, Spies, Grandmothers: SeMA Biennale Mediacity Seoul au Seoul City Museum of Art (2014), Discordant Harmony au Kuandu Museum of Fine Art, Taipei et au Hiroshima City Museum of Contemporary Art (2015, 2016), à la 8ème Asia Pacific Triennial of Contemporary Art à la Queensland Art Gallery | Gallery of Modern Art, Brisbane (2015-16), à la 11e Gwangju Biennale (2016), à la 13ème Taipei Biennale (2016-2017), à la 11ème Shanghai Biennale (2018), au Tokyo Performing Arts Meeting à Yokohama (2014, 2018) et au Serendipity Festival d’art à Panaji (2018). Elle est récipiendaire du Hermes Foundation Art Award (2013), du Sindoh Art Prize (2015) et du Korea Artist Prize (2018), et a participé à l’exposition du pavillon coréen à la Biennale de Venise en 2019. siren eun young jung est née en 1974 en Corée du Sud, et vit et travaille actuellement à Séoul.
FermerJi-Yoon Han élabore des projets d’exposition et de recherche qui aspirent à rendre sensible la force d’orientation des images dans des contextes sociaux, culturels et psychiques mouvants. Elle a soutenu une thèse de doctorat intitulée La métaphore vacante. Concurrence des images entre 1929 et 1936 : photographie, surréalisme, revues, publicité (2021) et est chargée de recherches pour la mission Photographie et commande (2022-2023) au Cabinet de la photographie, avec le soutien des amis du Centre Pompidou.
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Le Yeoseong Gukgeuk est une forme de théâtre musical coréen. Il se rapproche de l’opéra coréen ou changgeuk, qui est interprété par une troupe mixte dans le style vocal du pansori. Le pansori est un genre de récit musical coréen traditionnellement interprété par un chanteur soliste et un batteur jouant du buk (instrument de musique similaire au tambour peu profond, de forme cylindrique). Le Yeoseong Gukgeuk et le changgeuk utilisent tous deux l’interaction entre le spectacle visuel et le paysage sonore du pansori, en combinant le chant, la danse et la musique. Y sont interprétés des contes populaires et des mythes du répertoire pansori.
Le Yeoseong Gukgeuk diffère des autres genres de théâtre par le fait qu’il est entièrement féminin. Pratiqué au milieu du XXème siècle, les femmes y jouent aussi bien des rôles masculins que féminins. Les rôles masculins principaux du Yeoseong Gukgeuk sont nimai (le héros qui incarne à la fois la galanterie et la masculinité romantique), sanmai (le second rôle masculin qui agit comme un bouffon) et kadaki (le méchant).
Le Yeoseong Gukgeuk débute à Séoul en 1948, trois ans après l’indépendance de la Corée de l’occupation japonaise. Cette période fut marquée par une forte augmentation du nombre de femmes artistes, qui avaient auparavant été formées au chant, à la danse et à la musique en tant que gisaeng. Les gisaeng – souvent appelées kisaeng – étaient des femmes artistes de l’ancienne Corée, hautement qualifiées, qui avaient comme occupation de divertir les hommes avec la musique, la conversation et la poésie. Cette profession était estimée inappropriée, car les gisaeng divertissaient les hommes de la classe supérieure lors de fêtes ou de réunions au cours desquelles l’alcool était consommé.
L’histoire du Yeoseong Gukgeuk est intrinsèquement liée à l’histoire coloniale de la Corée, et associée à la guerre. La fermeture des gwonbeon (les institutions coloniales chargées de la formation et de la gestion des gisaeng) a eu pour effet d’augmenter le nombre de femmes qui ont transité vers le gugak (musique nationale coréenne, incluant la musique folklorique et la musique de cour). Cette transition fut marquée par une discrimination fondée sur le sexe de la part d’interprètes et d’administrateurs majoritairement masculins.
À partir de la fin des années 1960, la popularité du Yeoseong Gukgeuk décline rapidement, à une époque où le gouvernement militaire en Corée commence à soutenir la mise en place d’une infrastructure physique pour la formation des changgeuk et la production de ses performances qui devaient contribuer à consolider l’identité culturelle et nationale de la Corée moderne, à l’échelle nationale et internationale. Certain·e·s historien·ne·s attribuent le déclin du Yeoseong Gukgeuk et du théâtre en général à l’essor des industries télévisuelles et cinématographiques coréennes, qui remplacent progressivement la popularité des arts de la scène auprès de la classe moyenne émergente.
FermerLe Yeoseong Gukgeuk est né d’une volonté de résister à la société patriarcale. Le corps porte une place primordiale dans ce genre théâtral. Il est présenté comme étant à la fois féminin et masculin – voire comme n’étant ni l’un ni l’autre. Cela offre des possibilités pour un type d’androgynie qui dépasse complètement la binarité du genre.
Le fait qu’une femme incarne un rôle masculin rend l’interprétation du personnage plus complexe, puisqu’elle consiste à combiner un personnage masculin avec des qualités féminines. Ainsi, nous parlons de la performativité de genre dans le Yeoseong Gukgeuk. La performance transgenre ne se contente pas de dépasser la présentation binaire des genres sur scène, elle permet également à l’interprète d’expérimenter les différentes manières d’être dans son corps.
Les relations hétérogènes et complexes entre les corps sexués des artistes femmes et leurs interprétations du genre masculin sur scène s’étalent en dehors de la scène et au niveau social. Selon Judith Butler[1] (sur les théories de laquelle se base l’artiste dans son travail) la performativité du genre s’avère être une série de mises en scène performatives qui sont ensuite progressivement assimilées dans le tissu de la réalité sociale.
L’impact sociopolitique de ce projet artistique réside précisément dans son potentiel de générer des représentations androgynes.
EXPLOREZ
– la manière dont le projet Yeoseong Gukgeuk remet en question la standardisation d’un système binaire masculin/féminin et ses effets normatifs sur le corps.
– jung octroie une grande importance à la dimension sensorielle de ses œuvres. Observez les manières dont l’exposition affecte votre propre corps à travers vos sens durant votre visite.
[1] Butler, Judith. Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité. Traduit de l’anglais par Cynthia Kraus. Paris, La Découverte, 2005.
Fermerjung s’identifie comme artiste asiatique queer à travers ses activités créatives et intellectuelles. Sa pratique est interdisciplinaire, et elle se situe à l’intersection de la performance théâtrale, de l’art de la performance et de l’ethnographie. jung développe ce projet en repositionnant l’histoire de la performance de Yeoseong Gukgeuk et en restituant le genre, à travers des formes contemporaines de résistance et d’autoidentification queer.
Le projet Yeoseong Gukgeuk allie, à la fois, la documentation archivistique et la recherche ethnographique sur l’histoire de la performance du Yeoseong Gukgeuk et de ses communautés intergénérationnelles de praticiennes. Ainsi, jung tente de perturber les formes de représentation patriarcales et hétéronormatives en établissant des alliances entre les personnes d’origines diverses non-binaires et androgynes de Yeoseong Gukgeuk et les communautés queer contemporaines, tant en Corée du Sud qu’ailleurs.
Il est important de noter que, tandis que le déclin du Yeoseong Gukgeuk et de ses représentations scéniques est attribué à l’avènement de l’écran, jung utilise l’écran-même comme un moyen de reconcevoir l’histoire de ce genre théâtral. L’artiste non seulement recompose l’histoire de ce genre artistique, mais le recontextualise aussi par le biais du support de l’écran qu’elle utilise majoritairement. Elle ne travaille pas pour combler une lacune ou un vide dans l’histoire de la Corée moderne, elle interroge plutôt l’approche hétéronormative de l’identité nationale coréenne.
Par ailleurs, l’artiste reconstitue des mises en scène corporelles des interprètes, qui se déroulent non seulement sur la scène d’une salle de spectacle devant des publics enthousiastes, mais qui sont également visionnées sur des écrans dans des galeries d’art par des visiteur·se·s qui ne connaissent pas forcément ce type de performance.
Explorez
– comment, par cette stratégie, jung démocratise l’accès à cette forme d’art, en étendant l’espace de sa réception à une audience contemporaine.
– Réfléchissez à la manière dont le travail de siren eun young jung exploite l’espace de la galerie et le transforme.
jung a longtemps exploré l’histoire du Yeoseong Gukgeuk, tantôt en invitant les protagonistes/performeur·euses à raconter leurs histoires personnelles, tantôt pour rejouer des scènes du genre. Son approche contraste avec les pratiques conventionnelles d’archivage et de conservation, souvent réductrices dans leur approche puisqu’elles visent à déterminer de façon concluante les significations d’œuvres déjà produites. Bien que jung recherche et utilise des matériaux historiques collectés au cours de ses recherches sur le Yeoseong Gukgeuk, elle reconstitue ces documents de manière à contester une historiographie formelle et officielle de cette forme théâtrale. En effet, jung ne présente pas ces documents de manière linéaire ou chronologique, et ne prétend pas constituer une archive englobante de la matière de sa recherche. Son travail ne préconise donc pas une évolution historique d’émergence, d’apogée et de déclin du Yeoseong Gukgeuk. En revanche, l’artiste présente une manière alternative de traiter l’archive, en rassemblant des histoires non-officielles, des récits personnels, et en mettant en évidence des communautés intergénérationnelles de praticiennes femmes aux corps non-genrés dans l’espace de la galerie.
L’artiste refuse ainsi de promouvoir un récit homogène et unique de l’histoire de cette forme de théâtre. Le projet Yeoseong Gukgeuk : dévoyer le genre réfléchit donc aux limites et aux capacités des pratiques archivistiques à contenir et à reconstituer la mémoire, suggérant l’impossibilité d’une récupération complète de l’histoire. Son archive est performative dans le sens où elle est vivante, toujours « in flux », en changement continuel. jung ne cherche pas à récupérer l’histoire de la forme de performance qu’est le Yeoseong Gukgeuk. Elle explore plutôt la fluidité de genre potentielle offerte par cette forme de théâtre, et la relie au contexte politique du genre en Corée et en Asie de l’Est.
L’artiste utilise et resitue cette forme de performance dans un projet de pratique contemporaine avec des œuvres à configurations multiples et fragmentées. Les mêmes personnages circulent souvent dans ses œuvres, témoignant des liens qu’elle tisse avec la communauté queer, ainsi que de son engagement en faveur des minorités sexuelles et du genre. Le projet de siren eun young jung est politiquement subversif, menaçant l’ordre préétabli et hétéronormatif, à la fois des codes sociaux et des pratiques artistiques.
FermerPar le biais de la vidéo, jung s’approche des protagonistes, observant attentivement leur sensibilité, scrutant l’éventail de leu affectivité, en allant de leur assurance à leur impulsivité et leur fragilité.
Dans A Performing by Flash, Afterimage, Velocity, and Noise (2019), jung montre des protagonistes qui s’expriment de leur propre voix, avec leurs propres mots, souvent défaillants. Ces témoignages oscillent entre une expression de soi et une ambiguïté ou un malaise à exprimer leur affect. L’œuvre de jung pourrait être interprétée comme une véritable archive alternative de l’affect, non hiérarchique et non-linéaire, réunissant des histoires subalternes minoritaires et des corps scéniques et filmés. L’œuvre tend à œuvrer pour une solidarité régionale qui transcende les frontières grâce à une reconnaissance partagée des subjectivités. La forte présence de ces protagonistes transmet la recherche intensive de l’artiste, et sa volonté de trouver des formes queer de s’exprimer, d’aimer, de vivre, d’exister et co-exister dans des rapports humains alternatifs, non-basés sur une hétéronormativité patriarcale. Il y a ainsi, dans le travail de jung, une solidarité qui émerge entre les performeur.es et le public.
Explorez
– comment, à partir du partage passionné des protagonistes, se crée un sentiment de communion qui nous affecte en tant que public.
Liste des œuvres commentées par la commissaire
웨딩
The Wedding, 2011–2023
Impression pigmentaire, 118,9 × 84,1 cm
Avec l’aimable concours de l’artiste
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지연된 아카이브
Deferral Archive, 2018–2023
Techniques mixtes (photographies, articles, publicités, vidéos, etc.), dimensions variables
Impressions pigmentaires
120,4 × 85,6 cm (x 2)
145,5 × 112 cm (x 4)
Broderies sur tissue
31 × 23 cm (x 16)
노래는 부르지 않을 것입니다
I am not going to sing, 2016
Vidéo monobande, couleur, son stéréo, 15 min 40 s
(오프)스테이지/마스터클래스
(Off)Stage/Masterclass, 2013
Vidéo monobande HD, couleur, son stéréo, 85 min
무영탑
Mu-young-tab [The Shadowless Pagoda], 1987
Vidéo monobande, couleur, son, enregistrement de performance, 118 min 25 s
여성국극의 짧은 역사
A Brief History of Yeoseong Gukgeuk, 2017
Vidéo monobande, couleur, son, 4 min 25 s (boucle)
Avec l’aimable concours de l’artiste
À travers les archives du projet Yeoseong Gukgeuk, siren eun young jung nous introduit au genre du théâtre traditionnel des femmes coréen. Elle nous invite aussi – et même surtout – à réfléchir à la manière dont le récit historique est construit. Depuis quinze ans, jung développe des approches volontairement « anormales » voire « déviantes » du document. Elle recadre et assemble des photographies, des coupures de journaux et des vidéos (entrevues, classes de maitre, performances) qu’elle reconfigure d’une exposition à l’autre en une archive rigoureusement sans ordre. L’histoire est nécessairement fragmentaire, faite de souvenirs, de fantasme, de fulgurance et d’aveuglement. Les cloisons murales tapissées de couvertures d’urgence réfléchissantes jouent sur les seuils de lisibilité et d’illisibilité : elles ouvrent un espace de la métamorphose, entre préservation thermique et mémorielle et dissolution hallucinée de la forme.
정은영은 여성국극 (女性國劇) 아카이브를 통해 전통적인 한국여성무대의 한 장르를 소개하며, 특히 역사적 서술이 만들어진 방식에 대해 숙고하도록 제안한다. 그녀는 15년 전부터 여성국극과 관련된 사료에 대하여 의도적으로 “변칙적”이고 “일탈적”인 접근을 시도해왔다. 신문기사나 사진을 비롯하여 인터뷰, 마스터클래스, 공연 비디오 등을 수집, 편집하여 전시마다 새롭게 구성하면서 의도적으로 헝클어진 아카이브를 구축했다. 역사란 기억, 환상, 섬광과 눈멈으로 이뤄진 파편들일 수 밖에 없기 때문이다. 구급용 호일보온담요로 도배된 전시실 내벽은 가독성과 불가독성의 경계를 넘나든다. 열기와 기억의 보존, 형태의 환각적인 와해 사이에서 변신의 공간을 여는 것이다.
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유예극장
Deferral Theatre, 2018
Vidéo monobande 4K, couleur, son, 35 min 5 s, tapis
Avec l’aimable concours de l’artiste
La vidéo Deferral Theatre explore la mise en scène du genre, depuis la forme traditionnelle du Yeoseong Gukgeuk jusqu’à la performance drag contemporaine. L’œuvre entrelace les voix et les corps en mouvement de quatre artistes aux pratiques distinctes, qui toutes interrogent la tradition et l’identité de genre : Nam Eunjin, de la dernière génération d’actrices ayant reçu une formation de Yeoseong Gukgeuk ; l’artiste de chant traditionnel Gagok, Park Minhee ; Kim Dawon, alias le drag king Azangman ; ainsi que l’actrice historique de Yeoseong Gukgeuk Cho Youngsook. Les témoignages abordent la question complexe de la persistance de formes archaïques dans le présent et la pertinence collective de leur transmission. Le montage disruptif traduit la temporalité fantomatique d’un théâtre sans cesse « différé » : contre toute tentative de reconstituer un Yeoseong Gukgeuk « original », jung imagine plutôt les formes de sa survivance.
비디오 작품 <유예극장>은 전통적인 여성국극에서부터 현대의 드래그 퍼포먼스에 이르기까지 젠더에 관한 연출들을 탐구한다. 여성국극 교육을 받은 마지막 세대의 배우인 남은진, 전통가곡 가수인 박민희, 드래그킹 아장맨 (김다원), 여성국극의 역사적 인물인 조영숙 등, “전통”과 “젠더”를 고민해야 하는 서로 다른 장르에 속한 배우들의 몸짓과 목소리를 엮어낸 작품이다. 이들의 증언은 현재까지 유지되고 있는 원형과 그 계승의 당위성에 대한 복합적인 질문을 다룬다. 불연속적인 편집은 끊임없이 “유예”되는 무대의 유령적 시간성을 보여준다. 정은영은 여성국극의 원형을 재생하려는 시도 대신, 그 잔존의 방식을 생각한다.
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먼지
Dust, 2023
Vidéo monobande 4K, couleur, son stéréo, 14 min 45 s
Avec l’aimable concours de l’artiste
깃발
Flag, 2023
Techniques mixtes (mât, cadres numériques, tissu imprimé, couverture d’urgence, pinces), dimensions variables
Avec l’aimable concours de l’artiste
Les nouvelles œuvres créées par siren eun young jung pour cette exposition rendent hommage aux actrices de Yeoseong Gukgeuk Cho Youngsook et Lee Soja. Toutes deux sont présentes dans les œuvres de jung depuis les débuts du projet Yeoseong Gukgeuk, à l’instar de douzaines d’autres actrices aujourd’hui décédées. Dans le contexte actuel de récupération de ce genre théâtral par la culture populaire coréenne, dans des webtoons et autres K-dramas à l’eau de rose, le savoir incarné des grands-mères semble être derechef menacé d’oubli collectif. La vidéo Dust explore les archives personnelles de Cho Youngsook, présentées pêle-mêle telles des particules de poussière dans les intervalles d’une conversation elle-même décousue avec jung, tandis que l’installation Flag, entre voile et étendard, brandit la présence de Lee Soja, corps palimpseste, archive vivante et impermanente.
이번 전시에서 처음 선보이는 신작에서 정은영은 여성국극 배우인 조영숙과 이소자에게 경의를 표한다. 이 두 인물은 현재는 작고한 십여명의 다른 여성 배우들처럼 정은영의 여성국극 프로젝트 초반부터 함께 했다. 여성국극을 다시-재현하는 오늘날 한국 대중문화나 신파적이고 감상적인 웹툰과 K드라마는 할머니 연기자들이 대변하는 기억을 집단적 망각으로 위협하고 있을지도 모르겠다. 비디오 <먼지>는 조영숙 배우와의 대화와 배우의 개인적 아카이브를 허공을 부유하는 먼지 속에 띄운다. 설치작업 <깃발>은 베일과 상징 사이에 위치한 이소자 배우, 반복해서 쓰고 지우고
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섬광, 잔상, 속도와 소음의 공연
A Performing by Flash, Afterimage, Velocity, and Noise, 2019
Installation audiovisuelle, HD intégrale, son stéréo, 27 min 36 s
섬광, 잔상, 속도와 소음의 공연
A Performing by Flash, Afterimage, Velocity, and Noise (Part 1), 2019
Vidéo monobande 4,5K, couleur, sans son, 10 min 22 s (boucle)
섬광, 잔상, 속도와 소음의 공연
A Performing by Flash, Afterimage, Velocity, and Noise (Part 2), 2019
Vidéo monobande HD, couleur, son stéréo, 5 min 7 s (boucle)
섬광, 잔상, 속도와 소음의 공연
A Performing by Flash, Afterimage, Velocity, and Noise (Part 3), 2019
Vidéo monobande 4K à un canal, couleur, son stéréo, 2 min 55 s
Avec l’aimable concours de l’artiste
Production soutenue par le Korea Artist Prize Promotion Fund de la la SBS Foundation et le National Museum of Modern and Contemporary Art, Korea.
L’œuvre vidéo A Performing by Flash, Afterimage, Velocity and Noise est composée de quatre parties interreliées et disséminées à travers les espaces de la Galerie Leonard & Bina Ellen. L’installation met en pièces toute apparence d’unité historique, conceptuelle, esthétique et même sensorielle. Parmi les protagonistes de la vidéo immersive, déployée en une bande de projection monumentale, on retrouve le drag king Azangman, déjà rencontré·e dans Deferral Theatre, mais également des actrices queers du théâtre coréen telles que Lee Yii, Seo Jiwon du groupe d’actrices ayant un handicap Les tailles dansantes, ainsi que la musicienne électronique transgenre Kirara. L’éclair, l’image rémanente, la vitesse, le bruit : autant de propositions foisonnantes pour transgresser les normes sociales et esthétiques, pour dévoyer le genre.
비디오 작품 <섬광, 잔상, 속도와 소음의 공연>은 상호 연관된 4개의 파트로 구성되어 있으며, 레오나르와 비나엘런 갤러리 여기저기에 흩어져 설치됨으로써, 역사적, 개념적, 미학적 그리고 감각적으로 단일한 외관을 조각낸다. 대규모 프로젝션으로 펼쳐지는 이머시브 비디오의 주인공들은 <유예 극장>에서 이미 만난 드래그킹 아장맨을 위시하여 한국 공연계의 퀴어공연자들인 연극배우 이리, 장애여성극단 <춤추는 허리>의 서지원 배우, 트랜스젠더 전자음악가 키라라가 등장한다. “섬광, 잔상, 속도와 소음” 은 사회적이고 미학적인 기준을 위협하고, 젠더를 탈취하기 위한 풍요로운 제안이다.
FermerRessources complémentaires
Plana, Muriel. Fictions Queer : Esthétique et politique de l’imagination dans la littérature et les arts du spectacle. Dijon: Éditions universitaires de Dijon. 2018
Alfonsi, Isabelle et Fraisse, Geneviève. Pour une esthétique de l’émancipation : construire les lignées d’un art queer. Paris: B42. 2019
Butler, Judith et Kraus, Cynthia.Trouble dans le genre = (Gender Trouble) : Le féminisme et la subversion de l’identité. Paris: La Découverte. 2019
Baril, Alexandre. Temporalité Trans : Identité de genre, temps transitoire et éthique médiatique. Enfances, familles, générations 27, no. 27. 2017. https://doi.org/10.7202/1045076ar.
Féral, Josette. De la performance à la performativité, Communications 92, no. 1. 2013.
Fermersiren eun young jung, “A Brief History of Yeoseong Gukguek: Birth and Decline,” dans Trans-Theatre, Sous la dir. de siren eun young jung. Traduit vers l’anglais par Soo Ryon Yoon et Joseph Fungsang. Seoul: Forum A Publishing, 2016.
siren eun young jung, “Wrong Indexing: The Yeoseong Gukgeuk Project and Others’ Mnemonics,” dans The Fantasy without Original: Korean Contemporary Cultural History through Feminist Perspective. Sous la dir. de Heyjin Oh. Traduit vers l’anglais par Yoo-suk Kim. Seoul: Humanias Press, 2020.
Sughee Lee, “Songs of Individuals.” Dans Korea Artist Prize, National Museum of Modern and Contemporary Art, Korea: Seoul: 2018.
Hyunjin Kim, “Anomalous Tradition, Queer Enchantment: On the Work of siren eun young jung.” Afterall Journal 49 (avril, 2020).
Ashley Chang, “Acts of Affect: siren eun young jung’s Yeoseong Gukguek Project.” Afterall Journal 49 (avril, 2020).
Yeong Ran Kim, “Queer Archives, Performance, and Historiography in South Korea siren eun young jung’s Yeosung Gukgeuk Project.” TDR 67 No 3 (T259), 2023. Cambridge University Press for Tisch School of the Arts/NYU. https://doi.org/10.1017/S1054204323000254 2023
Soo Ryon Yoon, “Refusing Obliquely: in siren eun young jung’s Yeoseong Gukguek Project” dans History Has Failed Us, but No Matter, Korean Pavilion, 2019, (58thLa Biennale di Venezia). Sous la dir. de Hyunjin Kim et Mi You. Seoul: Turtle Books, 2019.
Mi You, “Feminist and Queer Desire and Care: On siren eun young jung’s Work,” dans History Has Fiiled Us, but No Matter, Korean Pavilion, 2019, (58thLa Biennale di Venezia). Sous la dir. de Hyunjin Kim et Mi You. Seoul: Turtle Books, 2019.
Tari Young-jung Na, “Genealogy of Inappropriate Beings: Nimai, Bajissi, Butch, Trans,” dans Trans-Theatre. Sous la dir. de siren eun young jung. Traduit vers l’anglais par Ji-won Yoo and Joseph Fungsang. Seoul: Forum A Publishing, 2016.
Haejin Pahng, “siren eun young jung’s “Yeoseong Gukgeuk Project”: Deferred Rehearsal How is the off-stage (re)constructed?” Dans Trans-Theatre. Sous la dir. De siren eun young jung. Traduit vers l’anglais par Ji-won Yoo et Joseph Fungsang. Seoul: Forum A Publishing, 2016.
Hyosil Yang, “A Woman Artist’s Method of Intervention and Revision Regarding Women Culture: The “affect” that flows through Yeoseong Gukgeuk Project,” dans Trans-Theatre. Sous la dir. de siren eun young jung. Traduit vers l’anglais par Ji-won Yoo et Joseph Fungsang. Seoul: Forum A Publishing, 2016.
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