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Pistes de réflexion s’adresse à tout public qui désire explorer l’art contemporain et sa mise en exposition.

Cette section propose une mise en contexte des expositions et des activités programmées par la Galerie, ainsi que des informations générales sur les artistes, les collaborateur·trice·s, les projets et les œuvres qui y sont présentés. Ces informations sont complémentées par une sélection de ressources documentaires (liens Internet, références bibliographiques, images, textes, etc.) qui visent à approfondir la compréhension de la pratique des artistes, des œuvres et des approches de commissariat qui les rassemblent. Pistes de réflexion se veut également une plateforme de discussion et d’échange dynamique qui permet de rendre visibles diverses connexions au sein de la programmation de la Galerie, ainsi qu’entre les artistes, commissaires et autres acteur·trice·s culturel·le·s, incluant le public. Se présentant sous différentes formes physiques et virtuelles, le matériel collecté sur cette plateforme constitue une base de données informative et un fonds de recherche accessible aux étudiant·e·s, aux professeur·e·s et à toute personne intéressée par la programmation de la Galerie.

Produit avec l’appui du Frederick and Mary Kay Lowy Art Education Fund

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Pistes de réflexion s’adresse à tout public qui désire explorer l’art contemporain et sa mise en exposition. Cette section propose une mise en contexte des expositions et des activités programmées par la Galerie, ainsi que des informations générales sur les artistes, les collaborateur·trice·s, les projets et les œuvres qui y sont présentés. Ces informations sont complémentées par une sélection de ressources documentaires (liens Internet, références bibliographiques, images, textes, etc.) qui visent à approfondir la compréhension de la pratique des artistes, des œuvres et des approches de commissariat qui les rassemblent. Pistes de réflexion se veut également une plateforme de discussion et d’échange dynamique qui permet de rendre visibles diverses connexions au sein de la programmation de la Galerie, ainsi qu’entre les artistes, commissaires et autres acteur·trice·s culturel·le·s, incluant le public. Se présentant sous différentes formes physiques et virtuelles, le matériel collecté sur cette plateforme constitue une base de données informative et un fonds de recherche accessible aux étudiant·e·s, aux professeur·e·s et à toute personne intéressée par la programmation de la Galerie.

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ÉSERY MONDÉSIR : CHOUBLAK
Ésery Mondésir, Choublak #3 (détail), 2024. Avec l’aimable concours de l’artiste
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17 septembre 2024 – 18 janvier 2025

Choublak

Ésery Mondésir

Commissaire : Julia Eilers Smith

Artiste

Ésery Mondésir

Ésery Mondésir se atis, vidéyas ak sineyas. Li fèt an Ayiti, li baze Towonto nan peyi Kanada. Li te pwofesè lekòl segondè epi òganizatè sendika nan peyi Etazini ak Kanada, anvan l te fini yon metriz nan pwodiksyon sinema nan Inivèsite York an 2017. Zèv li yo pran sous yo nan memwa pèsonel oswa kolektif, nan achiv ofisyèl ak achiv popilè, nan lavi toulèjou pou l ofri yon lekti ki soti nan maj sosyete nou yo.

Li reyalize dènye pwojè li yo, nan kolaborasyon avèk manm dyaspora ayisyen an nan vil La Havana, Kiba ak Tijuana, Meksik. Travay sa yo pase toupatou, tankou nan Musée d’art contemporain de Montréal, Art Gallery of Ontario, George Eastman Museum (Rochester, NY), Norton Museum of Art (West Palm Beach), Third Horizon Film Festival (Miami) epi nan Open City Festival (Londres). An 2021, li vin pwofesè adjwen Fakilte Atizay nan inivèsite OCAD. Kounye a, li ap rapousib rechéch sou mannyè yo fè fim, sou imaj an mouvman, imaj yo fè alamen ak mouvman migrasyon nan yon kontèks postmigrasyon.

Ésery Mondésir est un artiste vidéaste et cinéaste né en Haïti et basé à Toronto. Avant d’obtenir une maîtrise en production cinématographique de l’Université York en 2017, il a travaillé comme enseignant au secondaire et organisateur syndical aux États-Unis et au Canada. Son travail s’inspire de la mémoire personnelle et collective, des archives officielles et vernaculaires, ainsi que du quotidien pour offrir une lecture de nos sociétés depuis les marges.

Ses projets récents, en collaboration avec des membres de la diaspora haïtienne à La Havane et à Tijuana, ont été exposés à l’international, notamment au Musée d’art contemporain de Montréal, à l’Art Gallery of Ontario (Toronto), au George Eastman Museum (Rochester), au Norton Museum of Art (West Palm Beach), au Third Horizon Film Festival (Miami) ainsi qu’à l’Open City Festival (Londres). En 2021, il a rejoint la faculté des arts de l’Université OCAD en tant que professeur adjoint, où il poursuit ses recherches sur le « cinéma du processus », les images en mouvement artisanales/faites à la main et les mouvements migratoires dans un contexte de « post-migration ».

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Essai

La plante comme document d’existence

La plante comme document d’existence

Julia Eilers Smith

« Toute image n’est-elle pas le produit d’un transfert, d’une migration ?»
— Ésery Mondésir

« Je prends le parti des hommes et des femmes qu’on empêche de circuler. »
— Jean-Claude Charles

« Bay kou bliye, pote mak sonje (celui qui porte le coup l’oublie, celui qui porte la cicatrice s’en souvient). »
— Proverbe haïtien

Ésery Mondésir découvre pour la première fois la fleur de mimosa lors d’une visite à l’église San Donnino à Pise, en Italie. Il est venu visiter la chapelle où repose Marie-Louise Christophe, unique reine d’Haïti et veuve du roi autoproclamé Henri Christophe. Sur les lieux, une plaque commémorative mentionne qu’elle fut « reine consort d’Haïti (1811-1820) et première femme afro-descendante à être chef d’État sur le continent américain ». Exilée en Europe avec ses deux filles, Françoise-Améthyste et Anne-Athénaïre Christophe, et leur domestique, Sabine Zéphyrin, après la mort tragique de son époux, elle a trouvé refuge à Londres puis à Pise où elle meurt en 1851. Dans la chapelle ce jour-là, une femme assistant au service offre à l’artiste une branche de mimosas, lui expliquant que la fleur symbolise les femmes. Il la dépose près de la tombe de la reine.

Ayant grandi en Haïti, Mondésir partage une relation intime avec les plantes. Chez lui, un jardin fleurissait toujours sous les soins de sa grand-mère, qui cultivait plantes et légumes, et préparait des infusions de toutes sortes pour apaiser divers maux. Le jour où l’artiste prit conscience que les plantes pouvaient aussi servir à développer ses images et ses films, remplaçant ainsi les solutions chimiques, sa pratique s’ouvrit à un large champ d’expérimentations mêlant l’image et le végétal. L’exposition solo de Mondésir à la Galerie Leonard & Bina Ellen tire son titre du choublak, hibiscus en créole haïtien. Originaire de l’Asie ou d’Afrique selon les sources, cette plante – ornementale, comestible et médicinale – est aujourd’hui profondément enracinée dans les Caraïbes. En Haïti, elle est un symbole culturel à part entière et l’emblème floral national. Pour l’artiste canado-haïtien, le choublak incarne également des thèmes fondamentaux de sa pratique : l’entre-deux, les origines hybrides, l’arrachement à la terre, les routes migratoires, ainsi que la créolité et les communautés diasporiques.

Choublak présente un corpus récent de Mondésir réalisé en collaboration avec des membres de la diaspora haïtienne à Montréal, Toronto, Tijuana et La Havane. S’inscrivant dans un registre abstrait, une série de films-portraits et d’images captées au sténopé lors de déplacements au Chili et à Trinité-et-Tobago font appel à des procédés variés de révélation d’images, notamment à partir de résidus de plantes. Ces interventions sur la pellicule font émerger des formes latentes et des histoires en devenir enfouies dans le celluloïd.

[…]

L’intégralité de l’essai peut être lue sur la page de l’exposition et téléchargée dans la section Textes et documents de ce site. Une version imprimée est également disponible en galerie.

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Haïti, la première république noire indépendante

La Révolution haïtienne, qui a duré de 1791 à 1804, est considérée comme un des événements les plus marquants et transformateurs de l’histoire récente. Portée par les aspirations pour la liberté et l’égalité de la population africaine asservie dans la colonie française de Saint-Domingue, la révolution a atteint son aboutissement lors de la création d’Haïti, la première république noire indépendante, mais aussi la seule nation de l’histoire née du succès d’une révolte d’esclaves africains.

Une des réalisations les plus significatives de la Révolution haïtienne fut l’abolition de l’esclavage en Haïti, ce qui provoqua des ondes de choc à travers le monde, ébranlant les fondations mêmes du système mondial de l’esclavage à une époque où la traite des esclaves à travers l’Atlantique était à son apogée. Agissant comme puissant symbole de résistance et d’espoir pour les populations soumises à l’esclavage partout dans le monde, ce tournant décisif de l’histoire a démontré que la liberté peut être acquise par la lutte et la détermination collectives. Cette révolution inspira par la suite plusieurs mouvements de libération en Amérique latine et dans les Caraïbes et devint une pierre de touche pour les abolitionnistes en Europe et aux États-Unis d’Amérique.

À l’échelle mondiale, la Révolution haïtienne porta un dur coup aux puissances coloniales européennes, particulièrement la France. La perte de Saint-Domingue, une des plus riches colonies des Amériques, paralysa l’économie française et força la France à vendre ses territoires nord-américains aux États-Unis. Connue sous le nom de « Louisiana Purchase » (achat de la Louisiane), cette transaction remodela le paysage géopolitique de l’hémisphère occidental. L’indépendance d’Haïti mit au défi les hiérarchies raciales profondément ancrées, faisant la preuve que les populations noires antérieurement asservies étaient capables de se gouverner elles-mêmes et de construire une nation. Elle envoya un message clair que les principes de liberté et d’égalité ne sont limités ni par la race ni par la classe, et devint un jalon important du combat mondial pour les droits humains et la justice sociale.

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Plus d’un siècle de discrimination

Au cours du dernier siècle, les Haïtiens ont dû affronter diverses formes de discrimination déterminées par des facteurs historiques, sociaux et politiques. Une telle injustice, qui s’est manifestée par les préjugés raciaux, la xénophobie et les inégalités systémiques, met au jour la complexité de l’expérience haïtienne à la fois en Haïti et dans la diaspora. Les contrecoups de la Révolution haïtienne ont pavé la voie à une hostilité considérable ainsi qu’à des sanctions économiques imposées à Haïti par les puissances coloniales et les nations esclavagistes qui considéraient l’indépendance d’Haïti comme une menace. L’exploitation économique et l’ingérence politique auxquelles Haïti dut faire face durant l’occupation étatsunienne de 1915 à 1934 – un mépris flagrant de la souveraineté haïtienne – signifiaient que les besoins locaux n’étaient pas satisfaits, aggravant ainsi l’intolérance et laissant un héritage de ressentiment et de marginalisation.

Au milieu du vingtième siècle, les préjudices raciaux et nationaux contre la population haïtienne migrante se sont reproduits, particulièrement dans les pays voisins comme la République dominicaine et Cuba. Les conflits historiques, les différences raciales et le nationalisme ont alimenté un sentiment anti-haïtien, se traduisant en pratiques discriminatoires telles que l’exclusion de la citoyenneté et l’accès limité aux services. Cette période fut aussi marquée aux États-Unis par de sévères politiques d’immigration, au moment où la chute de la dictature de Duvalier en 1986 entraînait une instabilité politique et des difficultés économiques, poussant plusieurs personnes à l’exode. Les personnes haïtiennes migrantes ont souvent subi de cruelles injustices dans leur pays hôte, particulièrement Cuba, la République dominicaine, les Bahamas et les États-Unis d’Amérique.

L’hostilité rencontrée au cours du dernier siècle est le reflet de plus vastes enjeux de discrimination raciale, nationale et économique. Encore aujourd’hui, la population haïtienne migrante, tout comme celles des autres pays du Sud, continue à être confrontée à des défis exacerbés par le changement incessant des politiques d’immigration et des conjonctures politiques. Les crises migratoires actuelles affectent les populations en migration partout dans le monde, les soumettant à des injustices extrêmes qui entravent leur capacité à chercher asile et à légaliser leur situation. Le racisme systémique et la stigmatisation sociale persistent, et exercent leur influence sur le statut social, l’accès aux services et le traitement par les autorités d’accueil.

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Dans Una Sola Sangre (que l’on peut traduire par « Un seul sang »), Ésery Mondésir a recours au genre du documentaire pour explorer les relations complexes établies entre Haïtiens et Cubains. En situant les tensions dans leur contexte historique, l’artiste relie ces enjeux au colonialisme, à l’esclavage et à l’expérience post-migratoire. Alors que les traumas historiques continuent à peser sur les conditions actuelles de la diaspora, comment l’artiste s’attaque-t-il aux divisions causées par la race, la nationalité et la politique? Observez comment la vie de cette famille est toujours reléguée aux marges de la société cubaine. Comment ces gens peuvent-ils maintenir en vie l’héritage de leurs traditions?

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Lutter contre la stigmatisation

En plein cœur de la crise du VIH et du sida au cours des années 1980 et 1990, les États-Unis ont imposé une interdiction des dons de sang provenant des personnes haïtiennes, et plusieurs d’entre elles en quête d’un asile ont affronté l’accroissement des contrôles et des refus. Une couverture médiatique négative a relié les personnes haïtiennes à la crise du VIH et du sida , ce qui a contribué à une stigmatisation généralisée. Le U.S. Center for Disease Control and Prevention ou CDC (Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, agence fédérale états-unienne) a catégorisé les personnes haïtiennes comme un des quatre groupes présentant le risque le plus élevé pour le sida, à côté des hommes homosexuels, des personnes faisant usage de drogues intraveineuses et des hémophiles. Cette catégorisation erronée fut rapidement amplifiée par le sensationnalisme des médias. Les comptes-rendus des journaux, des magazines et de la télévision ont souvent relié directement les personnes haïtiennes à la maladie, alimentant à large échelle la peur et la discrimination. Cette interprétation ignorait le fait qu’il n’y avait aucune preuve scientifique à l’appui de l’idée que les personnes haïtiennes en tant que groupe étaient davantage exposées au VIH et au sida. De plus, on mettait de côté l’étude des facteurs socioéconomiques favorisant la vulnérabilité à la maladie.

Cette représentation médiatique des personnes haïtiennes dépassa largement le contexte du sida, elle amplifia largement les comportements racistes et xénophobes, provoquant l’accroissement de l’ostracisme social, des problèmes de logement et d’accès à l’emploi, et même la violence physique contre les personnes haïtiennes. Cette stigmatisation augmenta pour les personnes haïtiennes la difficulté d’accéder aux soins de santé et aux autres services, ce qui accentua leur marginalisation.

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Of What Death We Die agit à la fois comme un portrait intime et une analyse rétrospective des circonstances entourant la mort du père de Mondésir durant les années 1980. Réfléchissez à l’usage que l’artiste fait des archives, qu’elles soient personnelles ou publiques. Comment les transforme-t-il pour mettre en relief le discours personnel contre celui de la stigmatisation? Comment l’artiste réfute-t-il la responsabilité de l’épidémie mondiale de VIH qui est attribuée aux personnes haïtiennes?

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L’entre-deux, la fierté et la résilience

En réaction à la stigmatisation et à la marginalisation découlant de la désinformation sur le VIH et le sida, les communautés haïtiennes, aux États-Unis d’Amérique et ailleurs dans le monde, soutenues par les organismes de défense des droits civiques, se sont engagées dans des manifestations, des actions en justice et des campagnes publiques d’éducation pour combattre les préjugés et pour mettre en lumière leur contribution à la société. Leurs efforts ont contribué à modifier la perception du public et ont conduit au renversement de certaines politiques discriminatoires, telles que l’interdiction de la FDA (Food and Drug Administration, agence fédérale étatsunienne) imposée aux dons de sang haïtien.

L’identité haïtienne est profondément reliée à une histoire de résilience, de migration et d’exil, qui a créé un sentiment de soi complexe et multidimensionnel chez celles et ceux qui vivent à l’extérieur de leur pays d’origine. Les personnes haïtiennes ont migré depuis leur terre d’origine pendant plus d’un siècle, partout sur la planète, particulièrement en Amérique du Nord, en Europe et dans les Caraïbes, poussées l’instabilité politique, les difficultés économiques et les désastres naturels, entre autres. L’exil, qu’il soit volontaire ou forcé, constitue un choix douloureux mais nécessaire, justifié par le besoin de sécurité, les occasions économiques ou la liberté politique.

Marqués par un sentiment de perte causé par la séparation des paysages familiers, des langues et des traditions qui définissent la vie dans la terre d’origine, les écrivains, écrivaines et poètes d’Haïti ont pensé l’expérience de la diaspora, celle de l’exil et de la migration, en faisant s’entrecroiser les récits personnels et les thèmes culturels et historiques. Exprimant une dualité — un attachement aux racines haïtiennes et le défi d’une adaptation à un nouvel environnement —, leurs œuvres explorent les conflits du déplacement, la nostalgie d’un pays perdu et la complexité de l’identité en terre étrangère. Comment peut-on vivre séparé physiquement de son pays d’origine tout en gardant culturellement un ancrage dans ses paysages, ses langages et ses traditions? Plusieurs écrivains et écrivaines d’origine haïtienne se battent avec cette question de l’identité, éprouvant le sentiment d’être pris entre deux mondes. Le concept d’« enracinerrance » (composé des mots français « enraciner » et « errance »), proposé par Jean-Claude Charles, encapsule cette dualité, selon laquelle les personnes se sentent à la fois enracinées dans leur héritage haïtien et perpétuellement en mouvement à cause de leur existence diasporique. Cette séparation entraîne souvent la nostalgie du foyer, même si le retour s’avère de plus en plus difficile ou impossible. La diaspora haïtienne vit ainsi dans un état de « ni ici ni là », la condition simultanée d’un enracinement dans sa culture et d’une mise en mouvement constante, à la fois physiquement et métaphoriquement.

Puisque la préservation de la langue, de la religion et des pratiques culturelles est devenue une nécessité afin de maintenir les liens avec Haïti tout en vivant en exil, un groupe d’écrivains et d’écrivaines se rassemble à Montréal afin de poursuivre les activités de l’Haïti Littéraire, un cercle culturel créé en Haïti et qui a poursuivi ses activités au Québec, car la majorité de ses membres sont venus vivre ici. Lors des soirées de poésie tenues au Perchoir d’Haïti, au centre-ville de Montréal, le thème de l’exil croise souvent la tourmente politique et l’injustice sociale au pays d’origine, et leurs écrits font écho aux combats plus larges du peuple haïtien, constituant une forme de résistance contre les forces qui perpétuent leur déplacement. Malgré les difficultés associées à la migration et à l’exil, ces rencontres sont souterrainement portées par un fort courant d’espoir, car l’écriture intensifie les forces présentes dans la communauté, la capacité d’adaptation et la créativité qui émergent du fait de vivre entre les mondes, même en affrontant une terrible adversité.

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Le CIDIHCA (le Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne) de Montréal remplit la fonction vitale de centre de ressources, offrant une documentation substantielle sur Haïti, les diasporas caribéennes et les communautés afro-canadiennes. Par un travail méticuleux de recherche et de mise à jour continuelle de ses collections, le CIDIHCA a gagné le statut de point de référence essentiel, étant accessible à un vaste public pour la consultation et l’étude. Explorez la collection de livres et d’archives présentée dans l’espace de la galerie. Comment cet effort contribue-t-il à questionner les préjugés à propos des diasporas immigrantes, et à remettre à l’avant-plan l’expérience de résilience de ces communautés? Connaissez-vous d’autres lieux qui procurent une expérience similaire à Montréal?

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Sur les images et les processus

Le travail d’Ésery Mondésir se définit par une implication profonde dans ses sujets et un engagement pour la justice sociale. Sa pratique, bien que souvent personnelle et intime, s’enracine dans l’essai filmique documentaire (docuessay filmmaking). L’approche de Mondésir associe la narration d’une histoire à une étude critique de la réalité, fondant les récits personnels à des contextes historiques et sociaux plus vastes. Son style nuancé et réflexif invite le public à observer les relations étroites entre identité, mémoire et justice sociale, ouvrant une perspective approfondie et intime sur les défis affrontés par les personnes qui les afffrontent.

Ces thèmes sont explorés en profondeur dans Pariah, My Brother, I Follow You, Show Me the Route to the Springs lorsque Mondésir suit un homme et son beau-père, tous deux des migrants haïtiens, en train de monter un étal temporaire dans le but de vendre des chaussures de course de seconde main dans un marché de Tijuana. Mondésir examine de près comment les protagonistes vivent leur expérience de l’aliénation, documentant méticuleusement chaque étape de ce rituel quotidien qui commence avant l’aube et qui se caractérise par des mouvements et des changements constants. Les brefs dialogues qu’ils échangent donnent un aperçu de leur expérience migratoire et de la discrimination qu’ils subissent au cours de leur voyage.

Dans sa série d’anthotypes, Mondésir réalise des images de villes et de paysages, captées par un sténopé lors de voyages à Santiago et Talca, au Chili, de même qu’à Belmont, à Trinidad et Tobago. Il a recours à l’anthotype, une technique de fabrication d’images qui repousse les frontières de la photographie traditionnelle. Il s’agit d’un procédé photographique ancien qui consiste à utiliser les pigments naturels trouvés dans des plantes pour créer des images, en ayant uniquement recours à des matériaux naturels et à la lumière solaire. Le terme « anthotype » vient des mots grecs « anthos », qui veut dire fleur, et « typos », qui signifie impression. Cette méthode permet une approche pratique et tactile, elle favorise aussi une relation plus profonde avec la matérialité de l’image. Pour créer un anthotype, une émulsion est faite en extrayant des pigments de diverses plantes, comme des fleurs, des feuilles ou des fruits, en les écrasant ou en les faisant tremper dans un solvant tel que l’eau ou l’alcool. Cette émulsion est ensuite appliquée sur une surface, habituellement du papier ou du tissu, qui sert de médium photographique. Une fois que la surface imbibée est sèche, on la place en contact avec un négatif photographique et on l’expose à la lumière du jour pour une longue période, parfois plusieurs jours ou même des semaines. Les zones de la surface qui sont les plus exposées au soleil se mettront à pâlir, alors que les zones couvertes retiennent le pigment, le tout résultant en une image avec diverses tonalités de couleur.

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Observez les images finales produites par le procédé de l’anthotype privilégié par l’artiste. Que suggèrent ces formes délicates et subtiles?

Prenez conscience des couleurs qui varient du pastel doux à des tonalités plus vives dont le rendu dépend de la matière de la plante choisie par l’artiste. Puisque le procédé est entièrement naturel, les images ne sont pas permanentes et peuvent pâlir à travers le temps. Que pensez-vous que l’artiste désire faire comprendre? Qu’est-ce que cette condition éphémère ajoute à la conception de l’œuvre?

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Œuvres

Liste

1. Choublak 1, 2024
Impression numérique tirée d’un phytogramme réalisé sur pellicule 35 mm.

Avec l’aimable concours de l’artiste

2. The Mother was Feeding it Alright, 2019
Vidéo à deux canaux, couleur, son, 2 min 20 s.

Avec l’aimable concours de l’artiste

3. What Happens to a Dream Deferred, 2020
Vidéo monobande, vidéo HD transférée sur film 16 mm et numérisée
en 2 k, couleur, son, 25 min 2 s.

Avec l’aimable concours de l’artiste

4. Pariah, My Brother, I Follow You, Show Me the Route to the Springs, 2019
Vidéo monobande, couleur, son, 19 min 50 s.

Avec l’aimable concours de l’artiste

5. Choublak 2, 2024
Impression numérique tirée d’un phytogramme réalisé sur pellicule 35 mm.

Avec l’aimable concours de l’artiste

6. Archives du Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro- canadienne ; vidéo : émission Champ libre, Société Radio-Canada, 26 mai 1965 ; livre accordéon : University of Illinois Urbana-Champaign

7. The Marks Remember, 2023
Vidéo monobande, son, film traité à la main et colorisé numériquement, papier kozo, 5 min 13 s.

Avec l’aimable concours de l’artiste

8. Nocturne, 2018
Vidéo monobande, son, film traité à la main et colorisé numériquement, papier kozo, 3 min 17 s.

Avec l’aimable concours de l’artiste

9. Kale Kann Kale, 2023
Vidéo monobande, film traité à la main et
colorisé numériquement, papier kozo, 1 min 38 s Avec l’aimable concours de l’artiste

10. Katherine, 2020
Vidéo monobande, son, film traité à la main et colorisé numériquement, papier kozo, 3 min 11 s.

Avec l’aimable concours de l’artiste

11. Joséphine, 2023
Vidéo monobande, son, film traité à la main et colorisé numériquement, papier kozo, 1 min 53 s.

Avec l’aimable concours de l’artiste

12. Building Santiago, 2024
Talca, 2024
Street Santiago, 2024
Belmont, Trinidad 1, 2024
Belmont, Trinidad 2, 2024
Belmont, Trinidad 3, 2024
Belmont, Trinidad 4, 2024
Belmont, Trinidad 5, 2024
Belmont, Trinidad 6, 2024 Anthotypes sur textile.

Avec l’aimable concours de l’artiste

13. Of What Death We Die, 2022
Vidéo monobande, couleur, son, 9 min 36 s.

Avec l’aimable concours de l’artiste

14. Una Sola Sangre, 2018-2024
Vidéo à deux canaux, couleur, son, 37 min 42 s.

Avec l’aimable concours de l’artiste

15. Choublak 3, 2024
Impression numérique tirée d’un phytogramme réalisé sur pellicule 35 mm.

Avec l’aimable concours de l’artiste

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Ressources complémentaires

Les lundis littéraires

Chaque semaine, durant l’exposition Choublak, la Galerie vous propose des extraits de textes d’écrivain·e·s haïtien·ne·s lus à voix haute. Le titre « Les lundis littéraires » rend hommage aux soirées de poésie qui se tenaient dans les années 1960 au resto-bar Le Perchoir d’Haïti, au centre-ville de Montréal, auxquelles participaient Anthony Phelps et les membres du mouvement Haïti Littéraire.

Épisode 1 – 21 octobre 2024
Lecteur : Anthony Phelps
Titre : Mon pays que voici
Auteur : Anthony Phelps
Au piano: Ernest Lamy

© Éditions Bruno Doucey, collection Sacoche, 2023

Épisode 2 – 28 octobre 2024
Lecteur : Edmond Wilson
Titre : Dialogue avec mon ombre
Auteur : Gérard Étienne

Épisode 3 – 4 novembre 2024
Lecteur : Ketsia Vaïnadine Alphonse
Titre : Balafres
Auteur : Marie-Célie Agnant

Épisode 4 – 11 novembre 2024
Lecteur : Staloff Tropfort
Titre : « Black Soul » (1947)
Auteur : Jean-Fernand Brierre

Épisode 5 – 18 novembre 2024
Lecteur : Coutechève Lavoie Aupont
Titre : Anthologie secrète (1998)
Auteur : Davertige

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Bibliographie

Baridon, S. F., & Philoctète, R. (1986). Poésie vivante d’Haïti. M. Nadeau.

Bernabé, J., Chamoiseau, P., & Confiant, R. (1993). Éloge de la créolité. Gallimard.

Blaetz, R. (2007). Women’s experimental cinema: Critical frameworks. Duke University Press.

Brakhage, S., & McPherson, B. R. (2001). Essential Brakhage: Selected writings on filmmaking. Documentext.

Brennan, M., Foighel Brutmann, S., Efrat, E., Wahdat, K., Askari, L., Litvintseva, S., Maamoun, M., Attlee, E., Brooks, N., & Arkomanis, E. (2020). Migrations in new cinema. Cours de poétique.

Charles, J.-C. (2001). L’enracinerrance. Boutures, Vol. 1.

Charles, J.-C. (2017). Le corps noir. Mémoire d’encrier.

Crosley, B. C. (2003). Davertige: Poète haïtien, poète universel. L’Harmattan.

Davertige. (2003). Anthologie secrète. Mémoire d’encrier.

Della Noce, E., & Murari, L. (2022). Expanded nature: Écologies du cinéma expérimental. Light Cone Editions.

Dominique, M. (1999). Esquisses critiques. Éditions Mémoire ; Éditions du CIDIHCA.

Fisher, J. (2006). Technologies of intuition. YYZ Books.

Fouchard, J. (1988). Les Marrons de la liberté. H. Deschamps.

Gonzalez, J. (2019). Maroon nation: A history of revolutionary Haiti. Yale University Press.

Gouraige, G., Laroche, M., Lubin, M., et al. (1987). Littérature et société en Haïti: Davertige, Philoctète, Phelps. CIDIHCA.

Hooks, B. (1989). Choosing the margin as – a space of radical openness. Framework: The Journal of Cinema and Media, 36, 15–23.

Hughes, L., & Hoffman, D. (2011). I wonder as I wander: An autobiographical journey. Books on Tape.

Hughes, L., & Mullen, E. J. (1977). Langston Hughes in the Hispanic world and Haiti. Archon Books.

Knowles, K., & Walley, J. (2024). The Palgrave handbook of experimental cinema. Palgrave Macmillan.

Philoctète, R. (1969). Ces Îles qui marchent. Éditions Fardin.

Philoctète, R. (1970). Margha. Kraus.

Phelps, A. (1968). Mon pays que voici: Suivi de: Les Dits du Fou-aux-Cailloux. P.J. Oswald.

Schneemann, C., & Stiles, K. (2010). Correspondence course: An epistolary history of Carolee Schneemann and her circle. Duke University Press.

Shah, S. (2021). The next great migration: The beauty and terror of life on the move. Bloomsbury Publishing.

Toussaint Louverture, & Nesbitt, N. (2019). The Haitian revolution. Verso.

Trouillot, M.-R., & Carby, H. V. (2015). Silencing the past: Power and the production of history. Beacon Press.

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