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Inauguré en 2012 à l’occasion du 50e anniversaire de la collection permanente de la Galerie Leonard & Bina Ellen, le programme d’expositions satellites SIGHTINGS a été conçu comme une plateforme d’expérimentation et de réflexion critique afin de questionner les possibilités et les limites de l’espace du « cube blanc » moderniste.

En 2015, la Galerie a mis en place une nouvelle programmation thématique annuelle pour SIGHTINGS. Après un premier cycle de projets axés sur la question du travail, l’édition 2016-2017 traite de la pédagogie, considérée comme une interface critique entre l’institution universitaire, les lieux artistiques et l’espace social. Dans cette optique, des artistes et des commissaires sont invités à utiliser le dispositif spatial et conceptuel du cube SIGHTINGS afin d’interroger la construction des savoirs à l’intérieur et à l’extérieur de la « boite » académique.

Coordination : Katrie Chagnon

SIGHTINGS est situé au rez-de-chaussée du Pavillon Hall au 1455 boul. De Maisonneuve Ouest.

SIGHTINGS 20
Souvenirs du Jasmine Café
Karen Tam, Souvenirs du Jasmine Café, 2017. Vue de l'installation
Karen Tam, Souvenirs du Jasmine Café, 2017. Vue de l'installation
Karen Tam, Souvenirs du Jasmine Café, 2017. Vue de l'installation
Karen Tam, Souvenirs du Jasmine Café, 2017. Photo : Karen Tam
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20 mars au 17 juin 2017

Un projet de Karen Tam

Tournée de restaurants chinois

Jeudi 15 juin 2017, 14 h à 17 h

Pour marquer la fin du projet Souvenir du Jasmine Café de Karen Tam, nous animons un circuit de dégustation de mets chinois dans quelques restaurants du quartier où se trouve l’Université Concordia. L’artiste, dont le travail se développe en dialogue avec les communautés chinoises locales, a visité de nombreux restaurants chinois du secteur et a élaboré un itinéraire gastronomique composé de cinq adresses qui feront goûter quelques-unes de leurs spécialités.

Cette activité est gratuite.

Point de rencontre : Cube SIGHTINGS
Pavillon Hall, Rez-de-chaussée
1455 boul. De Maisonneuve O.

Dans Souvenirs du Jasmine Café, je revisite mon intérêt de longue date pour les restaurants chinois. J’y propose une installation d’objets et de documents provenant de ma collection d’objets-souvenirs de restaurants chinois datant des années 1920 aux années 2000, combinés avec des « artefacts » et des souvenirs plus récents que j’ai créés. Le restaurant chinois nord-américain est un terrain fertile pour réfléchir aux enjeux relatifs à la race, à la politique de l’exposition et à la représentation. C’est une archive et une collection vivantes de nourriture, de concepts, d’images, et d’objets produits et consommés par ceux et celles qui y travaillent et/ou qui y mangent. L’évolution de ces établissements peut être tracée au moyen d’objets éphémères connexes qui s’adaptent aux goûts changeants au fil des décennies.

…Livres de recettes, livrets, assiettes, verres, tasses, théières, baguettes, cendriers, bâtonnets à cocktail, bols. Menus de salle à manger. Menus pour emporter. Menus souvenirs. Photos souvenirs. Négatifs 4×5”. Pochettes d’allumettes, cartes postales, éventails souvenirs, chromos publicitaires, cartes d’affaires, cartes de souhaits, boîtes, sacs, serviettes, petits billets que l’on retrouve dans les biscuits chinois. Disques vinyle, partitions. Jeux Chop Suey rétro, enseignes en néon. Chaises en vinyle rouge, caisses enregistreuses, uniformes en polyester, chandails et baguettes, lanternes. Cafetière, hachoir. Coupures de presse, affiches, coupons, billets de tombola…

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Trouvés dans des maisons, des sous-sols, des fonds d’armoires, des greniers, même dans des boîtes poussiéreuses empilées dans des garages, le matériel d’archive provenant de restaurants chinois constitue les traces de vies passées à l’arrière dans la cuisine, à l’avant dans les salles à manger, des nuits à « s’encanailler » dans Chinatown tout en avalant rouleaux impériaux et chop suey, d’occasions festives ou spéciales, de conflits insignifiants, d’avis légaux, de cambriolages, de braquages, et même de meurtres. Ma collection d’objets-souvenirs de restaurants chinois a pris forme à peu près à la même époque où j’ai créé mes premières œuvres prenant pour sujet le restaurant chinois, provoquées par la décision prise par mes parents de vendre leur restaurant. Tentant de trouver une façon de conserver un endroit et un environnement dans lequel j’avais grandi, j’ai commencé à documenter notre restaurant au moyen de photos, de vidéos, de dessins, etc. J’ai produit des œuvres d’art basées sur les restaurants chinois, et partout où j’ai présenté ces œuvres, je suis entrée en contact avec la communauté chinoise locale et j’ai recueilli les histoires, mémoires, photos de famille et souvenirs de leurs années de restauration. Au fil des années, j’ai agrandi ma collection en demandant à des restaurants, à des retraités, à mes amis et à ma famille de me faire parvenir tout menu inutilisé ou objet-souvenirs de restaurants, en achetant des pochettes d’allumettes, des cartes postales, des photos de fils de presse et des livres de recettes sur eBay. De façon modeste, je voulais contribuer et capturer l’histoire et les expériences des communautés de restaurateurs que j’ai croisées.

Peut-être qu’en collectionnant et en créant une archive de ce matériel, qui n’est pas encore considéré comme étant assez important pour être inclus dans une version officielle de l’histoire, celui-ci peut être vu comme une contre-archive et un acte de résistance envers ce qui a été effacé, omis et interprété dans les histoires publiques. En tant que souvenirs d’endroits « exotiques » et de la façon dont ces endroits sont vécus, ces objets provenant de restaurants prennent la place des corps et communautés racialisés et absents, racés par leur emplacement et leur rôle. Dans les vitrines des restaurants chinois, le regard sur ce qui est exposé est simultanément tourné vers l’intérieur et vers l’extérieur. En re-présentant ces objets éphémères dans le cube SIGHTINGS — un site qui n’est pas si différent des vitrines d’exposition et des expositions d’art dans les aéroports internationaux où des individus transitent entre deux lieux —, une nouvelle vie leur est donnée, permettant de construire de nouvelles significations et de nouvelles histoires. Qu’elles soient publiques ou personnelles, les collections et les archives de ces souvenirs peuvent s’avérer des aides efficaces pour comprendre les espaces historiques des restaurants chinois.

En choisissant d’examiner des lieux de commerce où l’exotique a été apprivoisé et sert à satisfaire les désirs et les besoins du visiteur-touriste, je pose un geste orienté vers la reconceptualisation du discours dominant (ou son absence) sur ces endroits chinois hybrides, et la correction de la sous-représentation du Canada asiatique dans la recherche historique et les archives. Comment une collection comme celle-ci peut-elle être mise en relation avec l’environnement autour de l’Université Concordia, qui a une forte présence asiatique ? Quelles transformations les menus et autres objets imprimés ont-ils subies afin de répondre aux attentes de leur époque ? Que peut-on glaner à partir de matériel comme des menus et des cartes postales à propos de restaurants et de boîtes de nuit ? Que peut-on lire dans le texte, le langage et l’imagerie utilisés ? Comment l’acte de collectionner des souvenirs, photographies et documents éphémères de restaurant élargit-il la notion d’« archives de chinoiseté » (« archives of Chineseness ») avancée par Lily Cho ? Comment cet acte opère-t-il en tant que vestige et témoignage de la culture de restauration chinoise d’outre-mer, et comment contribue-t-il à construire une identité diasporique ? Si la plupart des établissements plus grands et plus affluents sont en mesure de se promouvoir au moyen de publicités dans des journaux ou à la télévision, de cartes postales, de pochettes d’allumettes, etc. – qui sont tous des témoins physiques de leur existence dans les paysages alimentaires canadiens et états-uniens – les plus petits restaurants ne peuvent peut-être pas concurrencer au même niveau. Menus, cartes d’affaires et une entrée dans un bottin téléphonique ou un annuaire de la ville peuvent être les seules traces de leur existence. Qu’est-ce qui a de la valeur et qu’est-ce qui devrait être préservé ? Prendre en compte ce qui est mis à l’écart, ce qui reste non vu ou non entendu est aussi important politiquement que de savoir qui peut produire, créer et distribuer du contenu d’archives.

Karen Tam

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Karen Tam est une artiste dont la recherche met l’accent sur différentes formes de construction et de représentation des cultures au moyen d’installations dans lesquelles elle recrée des espaces de restaurants chinois, de bars à karaoké, de fumeries d’opium, de magasins de curiosités et d’autres sites de rencontres culturelles. Depuis 2000, elle a exposé et participé à des résidences au Canada, en Irlande, au Royaume-Uni, en Autriche, en Allemagne, aux États-Unis et en Chine, dans des endroits tels que The Drawing Center (New York), le Victoria & Albert Museum (Londres), le Musée d’art contemporain de Montréal et le Irish Museum of Modern Art. Elle a été finaliste pour le Prix en art actuel du Musée des beaux-arts du Québec en 2016, ainsi que pour le prix Sobey pour les Arts en 2010, puis de nouveau en 2016. Ses prochaines expositions auront lieu à la Art Gallery of Greater Victoria (Colombie-Britannique), à Expression, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe (Québec), et au Musée régional de Rimouski (Québec).

Tam détient une maîtrise en arts visuels en sculpture du School of the Art Institute of Chicago et un doctorat en Cultural Studies de Goldsmiths (University of London). Ses œuvres font partie des collections du Irish Museum of Modern Art, de la collection Prêt d’œuvres d’art du Musée national des beaux-arts du Québec, de la Caisse de dépôt et placement du Québec, d’Hydro-Québec, de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada, et du Groupe financier RBC, et sont collectionnées par des particuliers au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Elle est représentée par la Galerie Hugues Charbonneau.