Investissement
Après s’être penché sur les notions de « vulnérabilité » et de « service », le programme discursif et artistique Termes s’intéresse pour sa troisième édition aux sens et aux emplois du mot « investissement ». Tirant ses racines du nom latin « vestis », qui signifie « vêtement », le verbe « investir » renvoie étymologiquement à l’action de se vêtir, d’endosser un habit ou un accessoire, ou encore au fait d’entourer ou d’envelopper. Au Moyen Âge, le mot acquiert le sens métaphorique de « mettre en possession », qu’il s’agisse d’un bien, d’un droit, de responsabilités ou de pouvoirs spécifiques. Le terme en vient aussi à désigner à cette époque une stratégie militaire qui consiste à encercler un territoire ou, de façon plus abstraite, l’obtention d’un avantage tactique sur un·e adversaire.
De nos jours on entend « investissement » avant tout dans le sens d’un placement de capitaux ou d’un déploiement de temps ou d’énergie en vue de tirer profit d’une situation. On investit dans des actions, une habitation, des études, une entreprise, et même dans une relation ou sa santé, en anticipant les risques et les avantages. La visée lucrative de l’investissement prédomine donc dans l’usage courant, reflétant une logique de développement axée sur le rendement, la croissance de valeur et la possession. Peut-on aujourd’hui dissocier l’investissement du capitalisme et, le cas échéant, sur quels fondements repose-t-il? Cette édition réfléchit aux principes et aux présupposés sur lesquels nous appuyons notre conception de l’investissement ainsi qu’aux méthodes par lesquelles nous pouvons élargir sa définition.
INVESTISSEMENT – VOLET 1 Automne 2022
Ce premier de deux volets propose de réfléchir au mot sous les angles du développement économique, de la propriété foncière et de l’occupation coloniale. Comment notre conception du mot « investissement » est-elle forgée sur les intérêts du capitalisme néolibéral de même que sur les processus historiques de dépossession territoriale poursuivis par l’entreprise coloniale? Cinq aquarelles de l’artiste canadien Greg Curnoe sont reproduites dans ce numéro aux côtés des textes de Clifford Gordon Atleo, professeur adjoint à l’École de gestion des ressources et de l’environnement de l’Université Simon Fraser, et de Stacy A. Ernst, candidate au doctorat en Médiations culturelles à l’Université Carleton.
INVESTISSEMENT – VOLET 2 Hiver 2023
Ce numéro propose de réfléchir à la signification de ce mot du point de vue de la psychanalyse. Dans le cadre de sa théorie des pulsions, Freud définit la notion d’« investissement » comme étant le déploiement d’une quantité d’énergie psychique visant à libérer ou réfréner les pulsions qui nous animent. Ce volet comprend un essai d’Alain Deneault, professeur de philosophie de l’Université de Moncton, une série photographique de l’artiste montréalaise Sorel Cohen datant de 1990, ainsi qu’un texte ficto-critique d’influence psychanalytique de la théoricienne de l’art, écrivaine et psychiatre Jeanne Randolph.
Programme semi-annuel
Comment un terme circule-t-il en société, et comment sa dissémination dans le discours contemporain nous renseigne-t-elle sur la manière dont cette société se pense ? De quelles façons certains mots s’installent-ils de manière récurrente dans le langage et la sphère publique au point de devenir des lieux communs ? Termes est un programme discursif et artistique en ligne qui cherche à déplier, un à la fois, des termes englobants et polysémiques couramment employés dans la société contemporaine pour aborder des problématiques sociopolitiques diverses. Si certains termes acquièrent, au fur et à mesure de leurs usages, de multiples acceptions, ils tendent souvent à se généraliser, risquant au fil de leur évolution de voir leurs sens se diluer, devenir confus ou difficile à cerner. Leur persistance dans notre vocabulaire requiert toutefois qu’on s’y s’attarde avec attention, qu’on les analyse du point de vue de leur valeur étymologique, densité sémantique ainsi que de leur circulation par-delà les frontières disciplinaires.
Dans le cadre du projet Termes, ces mots-clés sont mis en résonance avec la recherche, l’écriture et des œuvres d’art. Pour chaque terme déployé, un·e chercheur·e invité·e en dehors du champ des arts visuels entreprend, à travers la publication d’un texte, de l’examiner dans ses variantes, ses tensions et ses ambiguïtés sous l’angle précis de son domaine d’activité. Ce vocable est ensuite envisagé dans sa rencontre avec une œuvre diffusée sur le site web de la Galerie. Puis, cette œuvre sert à son tour de point de départ à l’écriture d’un second texte issu du champ culturel qui s’alimente à même le premier texte et hors de lui, afin de sonder des aspects du terme dans ses multiples occurrences.