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AS MUCH AS POSSIBLE GIVEN THE TIME AND SPACE ALLOTTED
David Ross, Louis Comtois, Department of Studio Arts, Faculty of Fine Arts. Tirée de l’ensemble de 61 photographies: Art. Work., 2009.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
David Ross, André Jasmin, Administrative Offices, Libraries. Tirée de l’ensemble de 61 photographies: Art. Work., 2009.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
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As much as possible given the time and space allotted constitue un ordre aussi bien qu’une directive d’évacuation. L’idée de systématiquement retirer le maximum d’œuvres d’art de la voûte de rangement de la Galerie Leonard & Bina Ellen pour les installer dans l’espace d’exposition est à la fois conceptuellement expansible, théoriquement ambiguë et physiquement épuisante. Toutefois, la condition subséquente – « étant donné le temps et l’espace alloués » – s’avère une restriction appréciable, une excuse respectable pour l’inefficacité et la contre-performance, une raison solide pour abandonner nos (fallacieuses) tentatives de montrer la collection dans son entier.

La combinaison de bravade et d’absurdité n’est que l’une des grandes ironies du projet. Une autre serait la collusion étrange entre une approche conceptuelle, systématique, des années 1960 et une esthétique de salon du XVIIIe siècle. Il y a également le fait qu’une conception résolument non narrative (utilisant un système de sélection d’œuvres d’art qui s’appuie uniquement sur leur emplacement dans la voûte) permet un riche déploiement de juxtapositions accidentelles, d’exemples comparatifs et de lectures associatives. La collection jouant elle-même le rôle de « commissaire », des relations paratactiques émergent organiquement dans un cadre d’interprétation basé sur les probabilités plutôt que sur la prédétermination. Cette méthodologie muséologique fait qu’une série de sélections impartiales suscite une appréciation privilégiant le processus plutôt que le pedigree. En vérité, notre rôle de commissaire a été grandement administratif dans ce projet. Nos nombreux documents de recherche sont parcourus de chiffres plutôt que de mots. La production de l’exposition a comporté la formation de plus d’une douzaine d’employés temporaires, la confirmation de centaines de numéros d’inventaire, le remaniement interminable de listes manuscrites et de dessins informatiques détaillés, de même que l’estimation des hauteurs maximales d’installation, basée sur la portée moyenne d’un humain se tenant sur un échafaudage de cinq pieds. Comme modèle de travail, la partie publique du projet confronte le travail à la chaîne du fordisme et l’esthétique relationnelle en focalisant les ressources de la galerie sur la formation et la rémunération des participants, qui deviennent des collaborateurs plongés dans une présentation performative d’eux-mêmes et de la collection.

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La contradiction la plus importante du projet provient toutefois de son ardent désir de montrer toute la collection. Ce désir, avons-nous réalisé, est également le plus grand défi posé par le projet. En effet, à chaque fois qu’une œuvre est appelée à quitter la tranquillité de la voûte pour le vacarme du monde, elle prend merveilleusement vie mais expérimente une petite mort. Une fois exposée, l’œuvre s’expose aux dangers d’une vie publique contre les éléments et parmi les masses. Pourtant n’est-ce pas ainsi que « fonctionne » toute œuvre d’art, en animant l’espace qui l’entoure et en attirant notre regard sur sa présence prismatique? Cette double entrave, cet équilibre entre préservation et présentation, est peut-être la plus intense des énigmes muséologiques. Incompatibles en termes de conservation et toujours en tension, ces deux directives – protéger et activer – sont ce qui rendent les photographies des bureaux de l’Université Concordia, prises par Ross, si étrangement émouvantes et les actions de l’équipe de montage de la Galerie Ellen si curieusement engageantes. En somme, tous ces aspects font que le projet As much as possible est aussi saugrenu que nécessaire.

–  Rebecca Duclos et David K. Ross

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  • l’« accrochage façon Salon » et ses origines; les effets de ce mode de présentation sur l’espace de la Galerie et sur les œuvres exposées ainsi ;
  • les concepts suivants en rapport avec As much as possible given the time and space allotted : l’action, le hasard, l’interprétation, la juxtaposition, le processus, le risque, le système ;
  • en quoi les activités en temps réel ayant lieu dans la Galerie durant cette exposition sont liées à l’interactivité, à la performativité et au geste, et de quelles façons laissent transparaître une tension entre présentation et représentation ;
  • les relations entre exposition et valeur ;
  • les façons dont les notions de commissaire et d’artiste se modifient, se heurtent et permutent dans cette exposition.
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QUELQUES QUESTIONS

  • Bien que Duclos et Ross n’aient pas, en tant que commissaires, imposé de cadre narratif particulier au travers duquel le visiteur pourrait interpréter cette exposition, différentes trames narratives se tissent naturellement et progressivement. Pouvez-vous en identifier quelques-unes ?
  • Qu’est-ce qu’un tel mode de présentation de la collection de la galerie communique au sujet de celle-ci ?
  • Est-ce que les notions de visibilité et d’invisibilité sont importantes pour cette exposition ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?
  • Quel est le rôle joué par le processus dans cette exposition ?
  • Comment la gestuelle utilise-t-elle et définit-elle l’espace de la galerie, du sol au plafond, que l’on nous présente dans cette exposition ?
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POUR DE PLUS AMPLES RENSEIGNEMENTS

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graphicstandards.org

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Produit avec l’appui du Frederick and Mary Kay Lowy Art Education Fund.

Commissaires : Rebecca Duclos et David K. Ross avec la collaboration d’étudiants et de l’équipe de la Galerie.

Produite par la Galerie Leonard & Bina Ellen avec l’appui du Fonds Samuel Schecter pour les expositions et du Conseil des Arts du Canada.

SYSTÈME DE RETRAIT ET DE RETOUR

As much as possible given the time and space allotted nécessite le retrait systématique du plus grand nombre d’œuvres d’art possible de la réserve de la Galerie Leonard & Bina Ellen et leur installation consécutive dans l’aire d’exposition en utilisant tout l’espace disponible. Dans le cadre du temps imparti – six semaines pour l’ensemble de l’exposition –, une équipe de quatre personnes déplace les œuvres lors des heures d’ouverture de la Galerie, et les installe de façon continue jusqu’à saturation des surfaces ou atteinte du mi-parcours de l’exposition, selon le cas de figure qui se produit en premier. La stratégie s’inverse alors, et les œuvres sont retirées une par une des salles et retournées à leur emplacement d’origine dans la réserve.

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Le système de retrait et de retour est relié à l’architecture de la réserve de la Galerie où les médiums sont rassemblés par zones. Les grilles où sont accrochées les œuvres peintes voisinent les meubles contenant les pièces ethnographiques et les petites sculptures. Il y a ensuite un espace où sont stockées les sculptures de plus grande taille, lui-même situé à proximité d’autres grilles où sont accrochées les estampes, les photographies et les dessins encadrés. Ces grilles sont attenantes à une série de grands compartiments où sont rangées les œuvres encadrées surdimensionnées, compartiments eux-mêmes contigus à une suite de tiroirs contenant les œuvres sur papier non encadrées.

As much as possible est un processus qui évolue en spirale de manière systématique autour de cet espace d’entreposage pour retirer une à une les œuvres des grilles, des tiroirs et des compartiments. Chaque cycle d’extraction s’amorce lorsqu’on tire une grille et que la première œuvre dans le coin supérieur gauche est décrochée et transportée jusqu’à la salle d’exposition. Suite à son déplacement, l’œuvre est accrochée en séquence de gauche à droite le long du haut de chaque mur. Chaque espace disponible sur la ligne horizontale de l’accrochage en cours est comblé jusqu’à ce que l’absence d’espace nécessite la suite de l’installation sur un nouveau mur. L’objet, par ailleurs, est disposé de l’arrière vers l’avant dans le mobilier de présentation ou au sol. Les œuvres sur papier non encadrées sont placées côte à côte sur des tables, puis soigneusement superposées les unes aux autres.

Les techniciens répètent ce processus d’extraction en retirant une œuvre du coin supérieur gauche de chacune des 28 grilles. Dans le cas des meubles de rangement, l’équipe retire les objets des étagères fixes ou coulissantes en les sélectionnant du haut vers le bas, à partir du côté gauche de la rangée avant. Les sculptures sont extraites de leurs espaces de rangement et de leurs supports surélevés en fonction de leur emplacement dans cette aire; certains objets sont retirés des étagères supérieures aux étagères inférieures des unités d’entreposage, tandis que les sculptures plus imposantes sont retirées de leur support surélevé en allant de la gauche vers la droite, et de la rangée avant vers la rangée arrière. Les 21 grilles où sont disposées les photographies et les estampes sont traitées selon la même technique de retrait des œuvres que celle appliquée pour les grilles où se trouvent les tableaux, soit à partir du coin supérieur gauche. Les œuvres encadrées surdimensionnées sont retirées une à une en commençant par le premier compartiment sur la gauche et en progressant dans les compartiments à chaque cycle de retrait. Enfin, les œuvres sur papier non encadrées sont manipulées avec autant de soin que les objets ethnographiques. Les estampes sont ôtées une à une de chaque tiroir en commençant par le tiroir supérieur du meuble de gauche et en continuant par le tiroir immédiatement en dessous, avant de passer aux deux meubles adjacents à droite.

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LES COMMISSAIRES

Rebecca Duclos et David K. Ross

Rebecca Duclos et David K. Ross sont engagés depuis 1998 dans une pratique in situ multidisciplinaire, orientée vers la recherche. Leur travail est en premier lieu caractérisé par l’exploration des aspects réels et métaphoriques de l’entreposage, la réalisation d’espaces sociaux et fabriqués et l’inscription/l’invention d’histoires, tant écrites qu’illustrées. Leurs intérêts collectifs et individuels les ont amenés notamment à œuvrer sur des propositions architecturales, des projets en photographie, en vidéo numérique et en écriture critique. Selon Duclos et Ross, tous les éléments de leurs projets – de la recherche pure à la remise en valeur de matériaux trouvés et d’histoires oubliées, en passant par des collaborations avec d’autres artistes, étudiants et concepteurs – sont essentiels à leur travail. Rebecca Duclos et David K. Ross sont établis à Montréal

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LES ŒUVRES

As much as possible given the time and space allotted, 2009

Pour ce projet d’exposition fondé sur les collections de la Galerie Leonard & Bina Ellen, l’expression As much as possible given the time and space allotted est à la fois un titre et un ensemble de directives, une description du projet et une consigne muséologique, un cadre d’action et un ensemble de règles. La prémisse simple du projet constitue à sortir méthodiquement autant d’œuvres que possible des réserves de la Galerie sur une période de six semaines, et de les installer dans les aires d’exposition de cette dernière. Lorsque l’espace d’exposition sera saturé, et que la moindre partie de tous les murs et sols sera occupée, l’exposition se « reposera » pendant deux jours. Après cette période, les œuvres seront successivement retournées à l’emplacement qu’elles occupent dans les réserves, laissant la Galerie revenir à son état de « nudité » initial, ce qui marquera la fin du projet.

La Galerie étant ouverte au public durant toute la période où les œuvres sont installées, As much as possible… se révèle donc une occasion de conférer aux activités d’installation d’œuvres d’art et de gestion de collection, habituellement cachées, un statut d’événement public. Le public sera invité à voir et à revoir l’exposition quotidiennement ou chaque semaine pour en mesurer l’évolution en fonction de chaque nouvel ajout — puis de chaque retrait subséquent — d’œuvres d’art.

Ainsi, As much as possible… ne se réfère pas seulement à une histoire antérieure du conceptualisme, mais également à un héritage de pratiques basées sur la performance qui bâtissent un ensemble d’« actions » à interpréter comme l’activité primordiale de la création artistique. Travaillant de concert, Duclos et Ross proposent un projet hybride qui fait appel à ces positions « anti-institutionnelles » post-années 1960 et les adapte dans un scénario résolument institutionnel, créant une critique de la pratique d’organisation d’expositions qui met l’accent sur l’importance des modèles artistiques par rapport aux modèles muséologiques, de l’action du hasard par rapport à la prise de décision que constitue la sélection, de la dynamique de la durée par rapport à l’immobilisme, du pouvoir de la juxtaposition comme forme d’interprétation, et du fait de privilégier le processus sur la provenance.

Le projet bouscule les conventions traditionnelles de l’engagement muséologique en matière de collection permanente (conventions qui tendent à élever la recherche érudite dirigée du conservateur au rang de source d’un discours distinct à travers lequel les œuvres de l’exposition doivent être comprises); As much as possible… permet en ce sens d’ouvrir de nouvelles voies d’investigation.

La première est la possibilité pour la collection de « s’auto-organiser » par un système d’exposition aléatoire et successif qui — même s’il est initié par Duclos, Ross et le personnel de la galerie — s’avère en fin de compte imprévisible en termes de juxtapositions, de confluences et de résonances créées entre et parmi des œuvres présentées dans une telle promiscuité. La seconde est la substitution à un spectacle de coulisses sans public d’un véritable « spectacle » — un projet d’essence événementielle où l’on sort lentement et quotidiennement les œuvres des réserves, œuvres qui sont manipulées par le personnel de la Galerie et installées à la vue du public.

Dans la dimension à la fois publique et performative du projet, on trouve une autre affinité, peut-être inattendue, avec l’espace architectural dans lequel la Galerie elle-même s’insère. Répondant à la dynamique qui prévaut dans le pavillon de la bibliothèque J.-W.-McConnell de Concordia, dont les passages publics et les espaces commerciaux sont situés juste aux portes de la Galerie, As much as possible… fait de l’espace d’exposition une enceinte aussi animée, avec un va-et-vient constant du personnel ajoutant de nouvelles œuvres aux murs de la Galerie (puis en retirant) chaque jour, tous les jours, tout au long des six semaines que dure l’exposition. Incapable d’imiter entièrement l’effervescence de l’atrium qui la jouxte, la Galerie Ellen met nécessairement en place sa propre « économie des échanges », alors que des objets entreposés deviennent des œuvres d’art exposées, ce qui augmente leur « valeur » visible à travers un processus actif de mise en espace.

Enfin, la trajectoire dynamique et l’intensité de certaines tâches de conservation et de préparation sont redirigées à l’intérieur du projet alors que les procédures d’exposition normales sont étendues dans le temps et l’espace (en fonction de ce qui leur est imparti). Toute l’entreprise muséologique s’expose et peut être observée comme un film en temps réel ou vécue comme un événement excessivement prolongé1. Le projet permet donc au personnel de la Galerie de remplacer la vitesse, la tension et l’invisibilité des périodes d’accrochage et de décrochage par un engagement avec la collection qui est plus « évolutif » et potentiellement réflectif tout au long de la durée de l’exposition. En adoptant le rythme ralenti des postures d’étude minutieuse et de comparaison prudente qualifiées de « savantes » et en l’adaptant aux pratiques quotidiennes qu’il vit à l’intérieur de l’espace de la Galerie au fil du temps, le personnel « imite » sans le vouloir pour les visiteurs des aspects d’une approche muséologique de l’accumulation d’une collection et de son interprétation, la plupart du temps cachés.

Rebecca Duclos and David K. Ross

1 On peut trouver certains points de comparaison avec Sleep de Warhol ou 9 Beet Stretch de Leif Inge, par exemple.

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Art. Work., 2009

La collection de la galerie Leonard & Bina Ellen de l’Université Concordia comprend environ 1 700 œuvres. Une partie de ces œuvres est exposée en tout temps dans les nombreux bâtiments de l’Université. En 2009 plus de soixante de ces pièces dispersées ont été photographiées in situ. Pour satisfaire aux visées du projet qui sont de présenter autant d’œuvres que possible, ces images jouent le rôle de mandataires pour les œuvres d’art qui n’étaient pas physiquement présentes dans la réserve au moment de l’exposition.

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