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MARTHA WILSON
ÊTRES À L’ŒUVRE
Martha Wilson, Goddess (From A Portfolio of Models), 1974. Photographie N&B.
Avec l'aimable concours de: ICI, New York.
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La carrière de Martha Wilson, qui couvre une période de quarante années, est un condensé des contestations liées aux pratiques féministes et socialement engagées. Dans son œuvre et dans sa vie, Wilson a exploré comment l’identité et le positionnement sont non seulement définis ou projetés par soi, mais aussi socialement construits. L’ensemble complexe de ses travaux comprend ses activités d’artiste, soit la création de performances, de vidéos et de compositions photo-textuelles de nature conceptuelle depuis le début des années 1970; sa position comme fondatrice et directrice de l’espace à but non lucratif Franklin Furnace; sa collaboration avec d’autres femmes pour former le groupe DISBAND; et le rôle clé qu’elle a joué dans le lancement du collectif d’artistes féministes et activistes, les Guerrilla Girls.

À tour de rôle incluse et exclue de l’histoire de l’art dépendant des théories et des convictions de l’heure, Wilson s’est d’abord attiré l’attention par le biais de Lucy Lippard, qui a situé ses premiers travaux dans les paramètres de l’art conceptuel et des pratiques d’autres femmes artistes. Une année plus tard, soit en 1974, après une performance organisée par Womanspace à Los Angeles, Judy Chicago dénonçait la « démagogie irresponsable » de Wilson. Plusieurs ont également considéré qu’elle avait annoncé, par sa pratique, certaines idées de Judith Butler sur la performativité basée sur le genre et, plus récemment, le critique d’art Holland Cotter écrivait qu’elle comptait parmi « la demi-douzaine de personnes les plus influentes en art au centre-ville de Manhattan dans les années 1970 ».

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Explorant la porosité du genre et de l’identité, Wilson s’est consacrée à des apparitions fictives et à des doubles personnifications, tout en proclamant son propre pouvoir d’action artistique et celui d’autres artistes qu’elle a défendus. Elle a été l’une des premières artistes à explorer les effets de la « présence de l’appareil » dans l’autoportrait, utilisant la mascarade comme forme de résistance, en jouant à la fois sur son intériorité et sur son apparence. Alignés sur une trajectoire féministe axée sur l’accès à la visibilité, sa pratique artistique et son rôle social l’ont tous deux rendue à la fois visible et invisible. Dans l’une de ses premières performances, Self Portrait, à Cambridge au Massachusetts en 1973, elle a posé en sujet de son œuvre et a invité le public à donner leurs impressions à son égard ; ces impressions sont devenues partie intégrante de l’œuvre, « créant » ainsi la Martha Wilson de 1973. Dans d’autres pièces de cette époque, elle a posé en homme travesti en femme (Drag, 1972), de même qu’en artiste de vingt-cinq ans essayant d’avoir l’air d’une femme de cinquante ans tentant de passer pour vingt-cinq ans (Posturing: Age Transformation, 1973). À partir des années 1980, elle a adopté une approche différente et s’est mise à « infiltrer » les personnages publics de femmes bien en vue, comme Barbara Bush et Tipper Gore.

Martha Wilson a fondé Franklin Furnace en 1976 et l’a dirigé jusqu’en 1996. La mission de Franklin Furnace est de présenter, conserver, interpréter, et plaider au nom de l’art d’avant-garde, surtout en ce qui concerne des formes vulnérabilisées par négligence institutionnelle et en vertu de leur nature éphémère ou de leur contenu politiquement impopulaire. De 1976 à 1996, Franklin Furnace a occupé un espace avec devanture à Tribeca, dans le Lower Manhattan, où le public a pu voir des performances et des expositions historiques et contemporaines de livres d’artistes et d’installations. Depuis sa fondation, Franklin Furnace a été au service de la communauté locale, nationale et internationale d’artistes activistes qui ont abordé des sujets pressants comme la guerre, la pauvreté, la maladie, le racisme, le sexisme et l’homophobie. Dans la foulée des « guerres culturelles » des années 1980 et 1990, Franklin Furnace en est venu à être identifié aux droits des artistes en matière de liberté d’expression parce que le centre a présenté et soutenu quatre artistes qui ont fini par être connus sous le nom de « NEA 4 », des artistes dont les bourses de la National Endowment for the Arts furent révoquées en raison de la teneur de leurs œuvres. Franklin Furnace est devenu « virtuel » à son 20e anniversaire, fournissant aux artistes une plate-forme numérique où ils peuvent s’exprimer en toute liberté.

Qu’elle ait œuvré dans l’isolement en Nouvelle-Écosse ou dans l’épicentre activiste de New York, Wilson a été un véritable agent de transformation par son travail de diffusion des travaux d’artistes œuvrant dans le même sens, de même que dans sa contribution à la question identitaire. En fait, la programmation de trente-quatre ans de Franklin Furnace, de 1976 à aujourd’hui, crée en quelque sorte un autre autoportrait construit qui illustre à la fois la portée des activités de Wilson à titre de directrice et l’environnement de soutien qu’elle a créé pour les autres.

Par sa conception du travail de collaboration et par son ouverture à une redéfinition constante des identités personnelles et collectives, Martha Wilson continue d’influencer nos attitudes actuelles envers le féminisme, l’activisme et les démarches collaboratives.

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Produit avec l’appui du Frederick and Mary Kay Lowy Art Education Fund.

Commissaire : Peter Dykhuis

Organisée et mise en circulation par Independent Curators International (ICI), New York.

Martha Wilson

ÊTRES À L’ŒUVRE

Cette exposition présente trois dimensions étroitement liées de la carrière de Martha Wilson, durant laquelle elle a été un agent de transformation, à la fois dans le contexte des premières pratiques féministes et socialement engagées et par son travail de diffusion des travaux d’artistes œuvrant dans le même sens. Une sélection des premières œuvres photographiques réalisées en solo par Wilson, alors qu’elle vivait à Halifax, montre ses percées novatrices en termes d’exploration ludique de l’âge, du genre et de l’identité sociale. À New York au milieu des années 1970, elle a continué à être active comme artiste de la performance en collaboration avec d’autres performeures féministes au sein du groupe DISBAND (1978-1982), puis dans des performances en solo au cours desquelles elle a « infiltré » les figures publiques de Nancy Reagan, de Barbara Bush et d’autres personnages politiques de la droite conservatrice. Le troisième moment dans la carrière de Wilson est représenté par sa propre sélection de projets réalisés par des artistes et des commissaires, soit un projet issu de chacune des trente années de programmation à Franklin Furnace, de 1976 à 2006, ce qui constitue en quelque sorte un autoportrait. Les projets choisis par Wilson ont une portée historique puisqu’ils repoussent les limites des pratiques d’exposition et de présentation tout en perturbant nos attentes culturelles face à l’art, à la politique et aux enjeux liés au genre et à la race.

EXPLOREZ

  • en quoi la création artistique est liée à la construction de l’identité et participe de celle-ci;
  • les notions de soi sous l’angle des questions d’image, d’effet dramatique et de performance. Quand sommes-nous en représentation, ou pas, et en quoi cela influe-t-il sur ce que nous sommes et ce que nous faisons et y contribue-t-il ?
  • la question de la visibilité individuelle dans une culture. Quels types de stratégies Martha Wilson emploie-t-elle pour aborder cette thématique ?
  • le concept de militantisme et la manière dont il s’incarne dans les diverses œuvres présentées dans cette exposition. À quels contextes historiques et politiques ces œuvres font-elles référence ?
  • les façons dont on se construit et dont on forge sa propre image. À quels mécanismes ce processus fait-il appel, et comment ces cheminements sont-ils interprétés ?
  • les formes de l’art éphémère. Quelles sont-elles, pourquoi sont-elles fragiles et pourquoi leur préservation est-elle importante? Pensez au rôle et à l’importance de Franklin Furnace dans la présentation, la préservation et l’interprétation de ces types de formes artistiques.

 

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DISBAND

En parallèle avec sa présence publique à titre de directrice de Franklin Furnace, Wilson a poursuivi une pratique en performance et, tout comme pour son travail d’administratrice de galerie, elle a cherché a travaillé avec des artistes qui partageaientt ses convictions. Wilson a formé DISBAND (1978-1982), un groupe vaudevillesque punk entièrement composé de femmes, qui au tout départ réunissait Daile Kaplan, Barbara Kruger et April Gornik. Par la suite, Wilson s’est produite dans un DISBAND renouvellé avec Ilona Granet, Donna Henes, Ingrid Sischy et Diane Torr. Ces interprètes n’avaient toutefois pas de formation musicale et aucune d’entre elles ne pouvait jouer d’un instrument de musique au niveau même le plus élémentaire. Armées de leurs cordes vocales et « jouant » d’une grande gamme d’objets domestiques bruyants, les filles de DISBAND, combinant chansons, airs de corde à sauter, « défis » et battements de mains, ont inscrit une voix féminine de manière irrévérencieuse dans l’arène mâle du punk rock new-yorkais, tout en proposant un commentaire sociale à une époque de plus en plus marquée, aux États-Unis, par le conservatisme.

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Les Premières (et Secondes) Dames

Avec sa programmation à forte teneur féministe, la galerie Franklin Furnace est souvent entrée en collision avec un système politique américain de plus en plus conservateur, surtout durant les deux périodes de présidence de Ronald Reagan (de 1980 à 1988). Le combat pour la liberté d’expression de la communauté artistique new-yorkaise a entraîné des batailles rangées contre des groupes conservateurs qui tentaient de censurer la programmation de Franklin Furnace, soit en intervenant directement, soit en faisant pression sur les conseils des arts gouvernementaux pour qu’ils refusent de financer la galerie. À titre de directrice, Wilson leur a tenu tête durant toutes ses années tumultueuses.

Au cours de cette période d’instabilité, Wilson a réalisé une série de performances satiriques dans lesquelles elle a incarné des « Premières Dames », les épouses bien en vue de présidents de la droite républicaine, comme Nancy Reagan et Barbara Bush, et, pendant l’administration Clinton, Tipper Gore (épouse d’Al Gore, vice-président de l’époque) qui a mené des compagnes alarmistes, en faveur d’une censure de contenu, contre l’industrie de la musique et la communauté artistique. En se déguisant et en recourant à la parodie, à l’ironie et à l’humour dans ses prestations, Wilson « mettait à nu » celles qui étaient à l’opposé de sa pensée politique, révélant les privilèges, les préjugés et les idéologies de droite qui sous-tendent leurs visions du monde.

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30 projets issus de 30 années de Franklin Furnace Archive, Inc.

La mission de Franklin Furnace est de présenter, conserver, interpréter, persuader et plaider au nom de l’art d’avant-garde, surtout en ce qui concerne des formes vulnérabilisées para négligence institutionnelle et en vertu de leur nature éphémère ou de leur contenu politiquement impopulaire. Franklin Furnace est au service des artistes à qui elle fournit des lieux à la fois physiques et virtuels pour la présentation d’œuvres visuelles qui se déploient dans le temps (vidéo, cinéma, etc.), incluant entre autres les livres d’artistes et les périodiques, l’installation, la performance, « les arts médiatiques variables »; elle initie également d’autres activités liées à ces objectifs. Franklin Furnace s’engage à servir les artistes émergents, à prendre une position pédagogique agressive en ce qui concerne la valeur de l’art d’avant-garde dans la vie et à stimuler les artistes à diffuser avec zèle leurs idées.
– extrait du site Web actuel de Franklin Furnace Archive, Inc.

Même si Franklin Furnace a fermé les portes de son espace physique au numéro 112 de la rue Franklin à Tribeca en 1997, elle poursuit ses activités comme site d’exposition virtuel au www.franklinfurnace.org et préserve des archives courantes à Brooklyn, tout en continuant à offrir des bourses aux artistes émergents. Wilson, la directrice fondatrice, est l’un des administrateurs qui est depuis le plus longtemps à la tête de la même institution dans la communauté new-yorkaise des arts contemporains. Elle défend toujours son mandat avec autant d’ardeur : Franklin Furnace – notre mission est de construire un monde meilleur pour l’art d’avant-garde.

Cette section de l’exposition propose en quelque sorte un « autoportrait » de Martha Wilson à travers sa propre sélection de 30 projets remarquables puisés dans l’audacieuse histoire de présentation d’art contemporain chez Franklin Furnace. Chaque sélection représente ce que Wilson estime intellectuellement, politiquement, socialement et, surtout, personnellement digne d’être revu et raconté à nouveau.

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POUR DE PLUS AMPLES RENSEIGNEMENTS

Bibliographie

Martha Wilson, site internet officiel : www.marthawilson.com

Franklin Furnace Archive Inc., site internet officiel : www.franklinfurnace.org

Butler,Judith. Trouble dans le genre : pour un féminisme de la subversion. Paris : La Découverte, 2005.

Conboy, Katie, Nadia Medina, and Sarah Stanbury, dirs. Writing on the Body : Female Embodiment and Feminist Theory. New York : Columbia University Press, 1997.

DeNobriga, Kathie. An interview with Martha Wilson and Ruby Lerner. Art Papers 19, 1995 : 8-14.

Drake, Nicolas. Shifting into Cyberburn : A Conversation with Martha Wilson. Art Papers 21, 2007 : 30-33.

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Jones, Amelia. Body Art : Performing the Subject. Minneapolis : University of Minnesota Press, 1998.

Lippard, Lucy. From the Center : Feminist Essays on Women’s Art. New York : Dutton, 1976.

Lippard, Lucy. Six Years : The Dematerialization of the Art Object from 1966 to 1972. New York : Praeger, 1973.

List, Larry. Disruptive Innovation : Marcel Duchamp + Andy Warhol = Martha Wilson. Manuscrit non publié. Halifax : Dalhousie Art Gallery, 2009.

Phelan, Peggy. Unmarked : The Politics of Performance. London; New York : Routledge, 1992.

Sant, Toni. Franklin Furnace and the Spirit of the Avant-Garde : A History of the Future. Bristol; Wilmington : Intellect Ltd., 2011.

Till-Landry, Kaitlin. Kaitlin Till-Landry Interviews Martha Wilson. C Magazine 105, 2010 : 22-5.

Roth, Moira, dir. The Amazing Decade : Women and Performance Art in America, 1970-1980. Los Angeles : Astro Artz, 1983.

Wark, Jayne. Conceptual Art and Feminism. Woman’s Art Journal, 22.1, 2001 : 44-50.

Wark, Jayne. Martha Wilson : Not Taking it at Face Value. Camera Obscura 45, 2001 : 1-33.

Warr, Tracey, dir. Le corps de l’artiste. Paris : Phaidon, 2005.

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