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PARADE

Conçu par Meredith Carruthers (membre de Leisure Projects) ce projet occupera durant l’été la grande vitrine de la Galerie donnant sur l’atrium du pavillon McConnell. Inspiré du ballet Parade de Jean Cocteau, ce projet se déploiera en trois temps sous la forme d’un défilé d’oeuvres tirées de la collection permanente de la Galerie.

COMMENTAIRE DE LA COMMISSAIRE

Parade, ballet créé par Jean Cocteau en 1917, fait référence, comme son nom l’indique, à une exhibition exécutée dans une fête foraine dans le but d’attirer les spectateurs vers l’attraction principale. Pour Cocteau, la notion de parade offrait un contraste avec la conception généralement acceptée de l’expérience publique de l’art, où toute expérience « vraie » demeurait l’apanage d’une avant-garde éclairée. Pour son ballet Parade, Cocteau a travaillé avec un groupe de collaborateurs prometteurs qui projetaient de franchir cette frontière afin de créer un ballet réaliste alliant art et vie quotidienne.

Cet été, la Galerie Leonard & Bina Ellen sera le théâtre d’une interprétation inédite de la Parade de Cocteau. À titre de galerie d’art universitaire, l’endroit constitue un espace d’exposition particulier, minutieusement équilibré sur des axes contradictoires visibles. Concentrant ses activités sur le commissariat d’art contemporain, la Galerie possède aussi une petite collection dynamique qui est plus souvent montrée hors de ses murs que dans ses locaux.

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L’architecture singulière de l’endroit semble indiquer une séparation entre ses activités intérieures et son extérieur semi-public. Vue de la rue, la Galerie a l’apparence d’une obscure façade historique (l’immeuble abritait anciennement les appartements Royal George). L’entrée est située dans l’atrium intérieur du pavillon de la bibliothèque McConnell de l’Université Concordia, mélange postmoderne de couleurs pêche, menthe et fraise. Un mur de verre fait office de seuil séparant cette loggia universitaire de l’espace public de la Galerie. Toutefois, une grande cloison blanche empêche de voir à l’intérieur, et le visiteur se retrouve plutôt devant une étrange portion d’espace : un « cube blanc » de forme allongée ressemblant à un couloir, qui semble n’appartenir ni à la Galerie, ni à l’atrium. C’est dans cet « entre-deux » que la Galerie a choisi de présenter une nouvelle programmation pendant la période estivale.

Invitée à créer un projet exploratoire à l’intérieur de cet étrange espace au cours des mois d’été où la Galerie sera fermée, je me suis donné pour objectif de capter l’attention des passants. Serait-il possible de rejoindre les usagers quotidiens du bâtiment, le personnel de la bibliothèque et de la librairie, le personnel administratif de l’Université, les employés des restaurants Tim Hortons et Pizza Pizza et les gens qui empruntent essentiellement l’atrium à titre de raccourci pratique ? Simple structure empruntée à Jean Cocteau, l’idée de « parade » me permet cependant de faire un bond métaphorique et de créer une intervention dans l’espace de la vitrine à l’intention d’un public par ailleurs « accidentel ».

Le travail que j’ai réalisé récemment dans diverses galeries et musées a contribué à changer ma façon de voir les expositions (pour le meilleur et pour le pire !). Ce changement de perspective a été provoqué par une obsession pour les détails techniques : l’accrochage du matériel aux murs, la ponctuation des cartels, le positionnement des titres en vinyle, les césures et autres opérations marginales toutes plus inimaginables les unes que les autres. J’imagine la chorégraphie entière présidant à la mise en place d’une exposition, de la conception à la réalisation. Un simple coup d’œil dans une vitrine me fait penser aux discussions, actions, rêves et compromis qui interviennent lors de la conception et de l’exécution d’une exposition. C’est profondément habitée par cette fascination persistante pour les mécanismes de l’activité commissariale que j’ai proposé le projet Parade à la Galerie Leonard & Bina Ellen.

Parade a été exécutée à l’origine par les Ballets russes de Diaghilev, sur une ambitieuse chorégraphie de Léonide Massine ; les costumes en carton (qui limitaient les mouvements des danseurs) avaient été créés par Pablo Picasso, et la musique (ponctuée de bruits de coups de feu, de cornes de brume et de machines à écrire) était signée Erik Satie. Lors de la première, Parade a causé une « émeute de musique classique », mais l’œuvre a conservé sa pertinence en tant qu’intersection productive entre art d’avant-garde et divertissement public.

L’exposition Parade présentée à la Galerie Leonard & Bina Ellen a des objectifs similaires : faire à la fois œuvre de divertissement, de collaboration, d’exploration, d’invitation et peut-être même de provocation. Pour réaliser Parade, les techniciens de la Galerie devront circuler dans l’entre-deux de la vitrine, car une procession d’objets défilera tout au long des semaines que durera l’exposition. Les objets et les œuvres d’art ont été choisis individuellement pour leurs propriétés formelles et leurs caractéristiques, et n’entretiennent qu’un rapport indirect avec le scénario original de Cocteau. Chaque œuvre fait une brève apparition, pour disparaître aussitôt de l’espace de la vitrine. Grâce à cette Parade, je souhaite révéler quelques-unes des nombreuses agréables surprises que recèle la collection de la Galerie, tout en jetant un regard ludique sur les frontières éternellement floues entre l’art contemporain et l’« extérieur ».

– Meredith Carruthers
Traduction vers le français : Gabriel Chagnon

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Remerciements à Melinda Reinhart, Gheri Celin, Sihota Satwant et David Engelke.

Remerciements de la commissaire : Je souhaite remercier tout particulièrement mes amis et collaborateurs Susannah Wesley (Leisure Projects) et Douglas Moffat (Field Sound), pour l’aide qu’ils m’ont apportée dans l’exécution, l’enregistrement et les arrangements de la partition de Satie. Tous mes remerciements au personnel de la Galerie Leonard & Bina Ellen pour sa précieuse assistance dans le cadre de l’élaboration et de la mise en oeuvre du projet.

Produit avec l’appui du Frederick and Mary Kay Lowy Art Education Fund.

Commissaire : Meredith Carruthers
Conception sonore : Douglas Moffat
Percussions : Susannah Wesley

Exposition produite par la Galerie Leonard & Bina Ellen avec l’appui du Conseil des Arts du Canada.

L'Oeuvre

L'exposition comme espace de négotiation

Lors de l’organisation d’une exposition, la Galerie se heurte à de nouveaux enjeux et défis qui ouvrent un espace de négociation. Dans ce contexte, les discussions et les décisions doivent être collectives. Le personnel de la Galerie, les artistes et les commissaires concernés doivent percevoir les rapports de force, le statut des objets et l’utilisation de l’espace, entre autres exemples, d’une manière commune.

As Much as Possible Given the Time and Space Allotted 1, commissariée par Rebecca Duclos et David K. Ross, visait, entre autres, la démocratisation de la mise en œuvre d’une exposition. Ce projet se déroulait en trois temps. D’abord, des œuvres de la collection, choisies selon un système préétabli, étaient mises en espace par des techniciens jusqu’à ce que tous les murs, ainsi que quelques tables et socles, soient recouverts. Ensuite, elles étaient laissées en place durant quelques jours, puis retournées dans leur espace de rangement. La porte de la réserve était exceptionnellement ouverte durant ces activités. Outre le travail des techniciens, le public pouvait donc y voir les intervenants qui réalisaient des constats d’états. Ce projet plaçait la Galerie dans une position de vulnérabilité puisqu’il l’obligeait à exposer ses activités internes au public. En outre, il occasionnait une somme de travail qui obligeait la Galerie à assouplir ses normes de gestion et d’accrochage, et à accepter que des étudiants soient embauchés pour examiner et manipuler les œuvres de sa collection. La nature du projet requérait que les membres du personnel ajustent leurs tâches et, de ce fait, atteignait leur autonomie et remettait leur expertise en question. Ainsi, cette exposition signalait différents rapports de force qui existent entre le public, les commissaires et les institutions de diffusion.

Le projet pluridisciplinaire Out of Grace 2, conçu par Lynda Gaudreau, a donné lieu à la création d’une chorégraphie de mouvements corporels adaptés aux salles d’exposition de la Galerie. La commissaire a invité des interprètes à investir les lieux et à interagir avec les œuvres qu’elle avait commandées pour l’occasion. Durant les six semaines de l’exposition, il était prévu que le nombre d’interprètes diminue graduellement tandis que certaines œuvres se déployaient dans l’espace. Cette dynamique a soulevé la question de la perception des activités artistique et chorégraphique. Comment les disciplines s’imbriquaient-elles l’une dans l’autre ? Dans ce contexte, quel statut donner à l’œuvre d’art et au corps danseur ? Dispersées au sein d’espaces parfois sombres et occupés par de nombreux interprètes, risquaient-elles d’être envisagées comme des éléments scéniques ? La nature de ce projet était susceptible d’infléchir la production des artistes puisque les œuvres et la chorégraphie étaient élaborées en parallèle. La mise à risque de l’autonomie des œuvres, bien que certains artistes aujourd’hui ne revendiquent pas cette autonomie, devait être discutée entre les intervenants concernés.

Parade est une transposition contemporaine du ballet éponyme de Jean Cocteau dans le contexte d’une galerie. Pour ce projet, la commissaire Meredith Carruthers souhaitait qu’une scène décorée d’un rideau de velours rouge soit installée dans la vitrine de la Galerie qui fait face à l’atrium de l’édifice de la bibliothèque McConnell. Il était prévu que quatorze œuvres de la collection seraient présentées dans ce dispositif en fonction d’un horaire prédéfini qui prévoyait plusieurs remplacements et déplacements. Or l’exiguïté de l’espace compliquait la mise en œuvre du projet. Comment placer une scène dans cette vitrine et laisser le passage nécessaire pour les mouvements d’œuvres ? N’y avait-il pas une solution moins coûteuse que la production d’une structure suffisamment solide pour supporter le poids d’un technicien ? Et le plafond de cet espace pouvait-il soutenir le rideau souhaité ? L’utilisation de la vitrine présentait des défis techniques qu’il fallait résoudre collectivement. Comme toutes les expositions, l’organisation de Parade devait respecter un budget donné ; les solutions à privilégier devaient être efficaces et économiques.

En définitive, les expositions sont de véritables espaces de négociation qui se renouvellent à chaque plage horaire. Dans leur contexte d’organisation, il importe de se demander quelle est la nature du projet en préparation. Comporte-t-il un contenu politique susceptible d’offenser certains spectateurs ? Comment véhiculer l’information à transmettre en fonction des contraintes d’espace et de financement ? Quel type de relation y a-t-il entre un artiste, un commissaire et le personnel de l’institution ? La présentation des œuvres respecte-t-elle le dessein de leur concepteur ? Ces questionnements démontrent que les expositions sont beaucoup plus que ce qu’elles présentent au public.

– Mélanie Rainville,
Conservatrice Max Stern (Collection permanente, Galerie Leonard & Bina Ellen)

1 L’exposition As Much as Possible Given the Time and Space Allotted a été présentée à la Galerie du 11 mars au 17 avril 2009.
2L’exposition Out of Grace a été présentée à la Galerie du 3 novembre au 11 décembre 2010

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Parade ballet réaliste

Le Décor représente les maisons à Paris un Dimanche. Théâtre forain. Trois numéros de Music-Hall servent de Parade.

 

Prestidigitateur chinois.

Acrobates.

Petite fille américaine.

 

Trois managers organisent la réclame. Ils se communiquent dans leur langage terrible que la foule prend la parade pour le spectacle intérieur et cherchent grossièrement à le lui faire comprendre.

Personne n’entre.

 

Après le dernier numéro de la parade, les managers exténués s’écroulent les uns sur les autres.

Le Chinois, les acrobates et la petite fille sortent du théâtre vide. Voyant l’effort suprême et la chute des managers, ils essayent d’expliquer à leur tour que le spectacle se donne à l’intérieur.

– Jean Cocteau1

1Jean Cocteau, Œuvres complètes de Jean Cocteau, Volume VII, Genève, Éditions Marguerat, 1948, p. 303.

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Calendrier

Événements et activités

Choral

Prélude du rideau rouge
4 au 7 juillet
Prélude

I. Prestidigitateur chinois
8 au 24 juillet

II. Petite fille américaine
26 juillet au 1 août
Rag-time du paquebot

III. Acrobates
2 au 11 août

Final

Suite au Prélude du rideau rouge
12 août
Fin

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POUR DE PLUS AMPLES RENSEIGNEMENTS

Bibliographie

Pour obtenir de plus amples renseignements sur Jean Cocteau et sa pièce de théâtre Parade, visitez l’aire de lecture de la Bibliothèque Webster, à l’étage supérieur.

Leisure Projects, site internet officiel : www.leisuregallery.ca

Les Ballets russes de Diaghilev : Quand l’art danse avec la musique au Musée national des beaux-arts du Québec: www.mnba.qc.ca/expo_ballets_russes.aspx

Axsom, Richard H. 1979. Parade, Cubism as Theater. New York : Garland Publishing.

Calkins, Susan. 2010. Modernism in Music and Erik Satie’s Parade. International Review of the Aesthetics and Sociology of Music vol. 41, no. 1, p. 3-19.

Cocteau, Jean. 1948. Œuvres complètes de Jean Cocteau, v. 7. Genève : Éditions Marguerat.

Cocteau, Jean. 1956. The Journals of Jean Cocteau. New York : Criterion Books.

Cocteau, Jean. 1957. Théâtre. Paris : Grasset.

Cocteau, Jean. 2003. Théâtre complet. Paris : Éditions Gallimard.

Cooper, Douglas. 1968. Picasso Theatre. New York : H.N. Abrams.

Crosland, Margaret, dir. 1973. Cocteau’s World : An Anthology of Writings by Jean Cocteau. New York : Dodd, Mead, and Company.

Eynat-Confino, Irène. 2008. On the Uses of the Fantastic in Modern Theatre : Cocteau, Oedipus, and the Monster. New York: Palgrave Macmillan.

Klüver, Billy. 1997. A Day with Picasso : Twenty-four Photographs by Jean Cocteau. Cambridge, MA : MIT Press.

Laporte, Geneviève. 1973. Si tard le soir le soleil brille. Paris : Éditions Plon.

Oxenhandler, Neal. 1957. Scandal & Parade : The Theater of Jean Cocteau. New Brunswick, NJ : Rutgers University Press.

Ries, Frank W.D. 1986. The Dance Theatre of Jean Cocteau. Ann Arbor : UMI Research Press.

Rothschild, Deborah Menaker. 1991. Picasso’s Parade From Street to Stage : Ballet by Jean Cocteau, Score by Erik Satie, Choreography by Léonide Massine. New York : Sotheby’s Publications.

Satie, Erik. 1917. Parade : ballet réaliste, partition d’orchestre. Paris: Éditions Salabert.

Satie, Erik. 1917. Parade : ballet réaliste, réduction pour piano à quatre mains. Paris : Éditions Salabert.

Shattuck, Roger. 1969. The Banquet Years : The Origins of the Avant-Garde in France, 1885 to World War I. London : Cape.

Volta, Ornella, dir. 1996. A Mammal’s Notebook : Collected Writings of Erik Satie. London : Atlas Press.

Volta, Ornella, dir. 1989. Satie Seen Through His Letters. New York : M. Boyars.

Wilkins, Nigel, dir. 1980. The Writings of Erik Satie. London : Eulenburg Books.

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