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SILVIA KOLBOWSKI
RIEN ET TOUT
Silvia Kolbowski, an inadequate history of conceptual art, 1998-1999. Image tirée de la vidéo.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
Silvia Kolbowski, After Hiroshima Mon Amour, 2008. Image tirée de la vidéo.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
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Incisive, engagée et particulièrement riche de sens, l’œuvre de Silvia Kolbowski se constitue en objet et en champ de résistance. Dans un dialogue avec l’artiste Walid Raad, Kolbowski affirme ne pouvoir évoluer en tant qu’artiste que dans le cadre d’une culture de résistance politique. Mais à quoi peut ressembler la contribution d’un artiste dans un tel contexte ?

[…] je crois que les artistes peuvent contribuer en utilisant des images, des mots, des sons, le corps de manière à ne pas instrumentaliser le pouvoir et le commerce, en créant des œuvres qui offrent une position de spectateur où sont mises en relief les structures de l’inconscient en rapport avec le domaine politique, et dans laquelle perdure un espace social et historique permettant d’expérimenter ces structures au sein d’un monde favorisant un présent éternel1.

Il est particulièrement difficile pour une artiste de suivre ce chemin exigeant, car l’instrumentalisation du pouvoir et du commerce s’immisce dans toutes les sphères de la vie, se manifestant de manières inattendues, de telle sorte qu’on y acquiesce et la nourrit à notre insu. Et le milieu de l’art en est une incidence particulièrement insidieuse. La mettre en échec est affaire de vigilance, de savoir, de stratégie et d’analyse critique. Silvia Kolbowski a su exercer cette vigilance avec acuité, tout au long d’une carrière débutée à la fin des années soixante-dix à New York, dans des œuvres photographiques, des interventions publiques et des installations ciblées qui ont interrogé sur différents registres les enjeux de la représentation avec une sensibilité toute particulière pour le climat sociopolitique dans lequel sa pratique évoluait. Le féminisme et la théorie psychanalytique ont été déterminants dans l’élaboration de son œuvre, et ce sont ces modes de pensée et d’analyse unis à un questionnement éthique quant au vocabulaire de l’art et de l’artiste, qui lui permirent de faire résistance avec son œuvre.

Cette exposition présente deux œuvres majeures réalisées à dix ans d’intervalle qui réfléchissent sur des questions d’actualité très différentes, d’une part la résurgence de l’art conceptuel (an inadequate history of conceptual art, 1998-1999), et d’autre part, les incursions militaires américaines en Iraq et la négligence criminelle qui en découle (After Hisroshima Mon Amour, 2008). Elles explorent subtilement et avec provocation la rencontre des voies de l’inconscient avec les structures sociales, politiques et historiques dans leur imbrication non seulement avec ces situations, mais aussi avec des manières de faire et de penser l’art, l’écriture et le cinéma qui ont bouleversé les formes établies. Ces œuvres, riches et complexes, font mieux connaître au visiteur les mécanismes de la pensée de Kolbowski et lui permettront de bien saisir la portée de ce travail.

– Michèle Thériault

1Between Artists: Silvia Kolbowski in conversation with Walid Raad (New York: A.R.T. Press, 2006), p. 70-71.

Produit avec l’appui du Frederick and Mary Kay Lowy Art Education Fund.

Commissaire : Michèle Thériault

Exposition produite par la Galerie Leonard & Bina Ellen avec l’appui du Conseil des Arts du Canada.

L’ARTISTE

Silvia Kolbowski

Silvia Kolbowski vit et travaille à New York. Son œuvre traite notamment de l’éthique de l’histoire, de la mémoire, de la sexualité et de l’inconscient. En 2008, Proximity to Power, American Style, un projet comprenant une suite de diapositives et un élément audio qui portait sur les aspects relationnels du pouvoir masculin a été publié intégralement par WhiteWalls et University of Chicago Press. Une nouvelle version de an inadequate history of conceptual art a été exposée en 2007 au Center for Contemporary Art à Varsovie. Son tout dernier projet intitulé After Hiroshima Mon Amour (2008) a été présenté pour la première fois à LA><ART à Los Angeles par le commissaire Christopher Bedford. Le travail de Kolbowski a fait l’objet d’une importante exposition individuelle à la Secession à Vienne en 2004. Elle a en outre exposé à la Whitney Biennial en 2000, au Walker Art Center et présentera une installation au Musée d’art moderne de Ljubljana. Elle fait partie du conseil consultatif de la revue October.

POUR DE PLUS AMPLES RENSEIGNEMENTS

silviakolbowski.com

Kolbowski, Silvia. Proximity to Power, American Style. Chicago : WhiteWalls, 2008.

Kolbowski, Silvia and Walid Raad. Silvia Kolbowski/Walid Raad: Between Artists. New York: A.R.T. Press, 2006.

Kolbowski, Silvia et al. Silvia Kolbowski, XI Projects. New York: Border Editions, 1992.

Secession. Silvia Kolbowski : inadequate . . . like . . . power. Cologne: Walther König, 2004.

Thériault, Michèle, ed. Silvia Kolbowski : Nothing and Everything / Rien et tout. Montréal : Galerie Leonard & Bina Ellen, 2009.

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LES ŒUVRES

an inadequate history of conceptual art, 1998-1999

Installation
Vidéo, en boucle, 55 min
Audio, en boucle, 110 min
Participants (en ordre alphabétique et non en ordre d’apparition) :
Vito Acconci, Dennis Adams, Mac Adams, Connie Beckley, Dara Birnbaum, Mel Bochner, Hans Haacke, Eileen Hickey-Hulme, Mary Kelly, Joyce Kozloff, Louise Lawler, Les Levine, Jonas Mekas, Alan McCollum, Howardena Pindell, Lucio Pozzi, Yvonne Rainer, Dorothea Rockburne, Al Ruppersberg, Carolee Schneemann, Lawrence Weiner, James Welling

Après quelques années à observer l’intérêt renouvelé envers l’art conceptuel en Europe, aux États-Unis et dans différentes parties de l’Asie et de l’Amérique latine, j’ai voulu réaliser un projet qui soulèverait certaines questions à propos de sa résurgence. Celle-ci a revêtu diverses formes : rétrospectives, carrières relancées, attention universitaire et médiatique, engouement commercial, création du terme néo-conceptualisme, et, plus récemment, production d’ouvrages. L’objectif de mon projet était de freiner la rapidité de ce retour, afin de pouvoir mieux analyser sa signification. J’ai pensé qu’en demandant à des artistes de faire appel à leur mémoire au sujet de projets conceptuels du passé, que leurs récits jumelleraient la pertinence d’un témoignage avec les erreurs de la mémoire humaine. Il m’a semblé que ces erreurs, les bégaiements de la mémoire, pour ainsi dire, pouvaient troubler la fluidité de la résurgence officielle.

En 1998, j’ai écrit à soixante artistes, leur demandant de participer à ce projet. Quarante d’entre eux ont accepté de réagir à l’énoncé suivant : « Décrivez brièvement une oeuvre d’art conceptuel, créée par une autre personne que vous au cours de la période allant de 1965 à 1975, dont vous avez personnellement fait l’expérience ou avez été témoin à l’époque. Aux fins de ce projet, la définition d’art conceptuel doit être suffisamment large pour inclure des phénomènes de cette époque, tels que des actions documentées par des dessins, des photographies, des films et des vidéos; des concepts matérialisés sous forme de dessins ou de photographies; des objets où le produit est avant tout la retombée documentaire d’un concept afférent, ainsi que des activités de performance qui visaient à remettre en question les formes établies de la danse et du théâtre. »

On demanda aux artistes de ne pas mentionner leurs noms, le nom des artistes qui avaient réalisé l’œuvre qu’ils décrivaient, ou le titre de celle-ci. Ils pouvaient mentionner la date de réalisation de l’œuvre et son lieu de présentation. En outre, leurs mains étaient captées en gros plan tandis que leurs témoignages étaient enregistrés. Il en est résulté une installation vidéo et audio dans laquelle les images projetées grand format de leurs mains sont présentées sans le son et de manière désynchronisée par rapport à l’élément audio comportant les voix des artistes.

EXPLOREZ

  • la gestuelle et le rôle qu’elle joue dans l’œuvre;
  • la défaillance, et plus spécifiquement celle de la mémoire, et la façon dont elle est illustrée dans cette œuvre;
  • les notions d’absence et de perte;
  • les différences ou nuances entre histoires officielle et non officielle, dans le cas présent celle de l’art conceptuel, et comment on pourrait les caractériser.

QUELQUES QUESTIONS

  • Comment fonctionne la séparation entre son et image dans cette œuvre ?
  • Pensez-vous que le genre joue un rôle dans an inadequate history of conceptual art ? Si oui, comment ?
  • Quelles sont les stratégies employées par Kolbowski pour étudier la question du regain d’intérêt pour l’art conceptuel ?

POUR DE PLUS AMPLES RENSEIGNEMENTS

Carson, Juli. Five Paragraphs on Sol Lewitt. ArtUS 8 (2005) : 29-37.

Kolbowski, Silvia. An Inadequate History of Conceptual Art. October 92 (2000) : 52-70.

Leung, Simon. Contemporary Returns to Conceptual Art : Renée Green, Silvia Kolbowski, and Stephen Prina. Art Journal 60.2 (2001): 54-71.

Nixon, Mignon. On the Couch. October 113 (2005) : 39-76.

Silvia Kolbowski : an inadequate history of conceptual art. Warsaw : Centre for Contemporary Art Ujazdowski Castle, 2007.

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After Hiroshima Mon Amour, 2008

Installation

A Film Will Be Shown Without the Sound (Hiroshima mon amour, 1959 Director: Alain Resnais; Script: Marguerite Duras), 2006.
Projection DVD, en boucle, 90 min

After Hiroshima Mon Amour, 2008.
Projection DVD, en boucle, 22 min
Vidéo et film 16 mm n+b
Réalisation : Silvia Kolbowski
Comédiens : Nuria Carapetian, Scott Cunningham, Sanjit De Silva, Tiffany Needham, Roslyn Ruff, Grace Savage, Sarah Tadloui, Dominik Tiefenthaler, Anar Vilas, Lana Yoo
Conception sonore et musicale : Maxim Kolbowski-Frampton
Montage vidéo : Maxim Kolbowski-Frampton
Production photographique : Jeff Barnett-Winsby
Éclairage : Jeff Barnett-Winsby
Vidéographie : Michael Crane, Erl Kimmich
Enregistrement sonore : James Wilkins
Ingénieur du son : Leslie Lavelanet

After Hiroshima Mon Amour, 2008.
Impression au jet d’encre sur Dibond
11 panneaux : 40 x 60 cm; 1 panneau : 40 x 27 cm

Conçu entre 2005 et 2008, After Hiroshima Mon Amour est né d’une volonté d’examiner les enjeux des incursions militaires américaines et de la négligence gouvernementale qui en a découlé par le truchement d’une relecture du film Hiroshima mon amour (1959) d’Alain Resnais, d’après un scénario de Marguerite Duras. Dans After Hiroshima Mon Amour, l’artiste a recours à diverses stratégies visuelles et orales pour décomposer et analyser des occurrences de violence et de traumatismes. Titres, silence, sons synchrones brefs et musique sont utilisés pour créer un nouveau récit à partir d’un ancien. Les rôles du couple allégorique du film de 1959 sont joués par dix acteurs qui se relancent, brouillant les définitions d’ethnicité, de race, de genre et sapant les catégories qui servent souvent à rationaliser la violence. Tout comme dans le film de Resnais et Duras, érotisme et violence sont entremêlés. Certaines scènes en noir et blanc sont fidèlement recréées à partir d’Hiroshima mon amour, des éléments contemporains téléchargés à partir d’Internet sont ajoutés, un remix de la musique du film et de la conception sonore de l’original devient un « personnage » dans la vidéo et la couleur apparaît à des moments inopportuns.

En utilisant un film ancien comme un palimpseste auquel des couches de signification sont ajoutées, l’accent contemporain mis sur l’Irak et la Nouvelle-Orléans, après l’ouragan Katrina, repose sur une incursion traumatique antérieure et sur les lieux d’une négligence criminelle.

EXPLOREZ

  • les façons dont le passé et le présent se rencontrent et s’entrecroisent;
  • le rapport entre le verbal et le visuel;
  • la notion de reconstitution et son importance dans l’œuvre;
  • les liens entre guerre, violence et amour, et les façons dont sont examinées, dans After Hiroshima Mon Amour, leur coexistence et leurs interactions les uns avec les autres.

 

QUELQUES QUESTIONS

  • Dans cette œuvre, quels sont les liens qui existent entre le corps et le récit ?
  • De quelle façon le son est-il utilisé dans l’œuvre ? A-t-il une importance ou une fonction particulière ?
  • Réfléchissez aux différences entre l’appropriation d’une œuvre et la création d’un remake. En quoi ces notions et les distinctions entre elles sont-elles un fil conducteur dans cette œuvre ?

POUR DE PLUS AMPLES RENSEIGNEMENTS

Bedford, Christopher. After and Before. Frieze 119 (November/December) : 180-183.

Cua Lim, Bliss. Remade in Silence: Silvia Kolbowski’s A Film Will Be Shown without the Sound. Art Journal 66.3 (2007) : 85-87.

Kolbowski, Silvia. After Hiroshima Mon Amour. Art Journal 66.3 (2007) : 80-84.

Kushner, Rachel. Allegorical Imperative. Art Forum (January 2009) : 190-195.

Leung, Simon. The Look of Law. Art Journal (2007) : 35-45.

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