IGNITION est une exposition annuelle mettant en valeur le travail d’étudiant·e·s terminant leur maîtrise en Studio Arts et au doctorat en Humanities à l’Université Concordia. Cette manifestation est une occasion pour une génération d’artistes en devenir de présenter des œuvres ambitieuses et interdisciplinaires dans le contexte professionnel d’une galerie au profil national et international. Ces étudiant·e·s travaillent en collaboration avec l’équipe de la Galerie afin de produire une exposition qui rassemble des œuvres qui ont une dimension critique, innovatrice et expérimentale menant à une réflexion sur les médias et les pratiques artistiques. IGNITION est d’intérêt pour tous les étudiant·e·s et leurs enseignant·e·s, la communauté artistique et le grand public.
1er mai – 1er juin 2024
Ifeoma U. Anyaeji, Colin Canary, Armando Cuspinera, Zahra Hosseini, Ayodele Mzilikazi, Elisabeth Perrault, Rebecca Ramsey, Andrés Salas et Nina Vroemen
Projets sélectionnés par Mojeanne Behzadi, conservatrice au Musée d’art contemporain de Montréal et Julia Eilers Smith, conservatrice de recherche Max Stern, GLBE.
Vernissage 1er mai 2024, 17 h 30 à 19 h 30
Rencontre avec les artistes de 16 h à 17 h 30 avant le vernissage
Événement
Communiqué de presse
Pistes de réflexion
Plan d’exposition
La 19e édition du programme d’exposition IGNITION présente neuf artistes inscrit·e·s aux cycles supérieurs en arts plastiques et en lettres et sciences humaines à l’Université Concordia, et dont les œuvres portent l’empreinte d’un vécu et expriment des émotions liées à la perte et au désir teinté de regret. Puisant dans des souvenirs intimes comme collectifs, ces artistes explorent et documentent les liens qui les rattachent à leur environnement à travers des démarches complexes et des récits multiformes.
L’un des groupes d’œuvres examine de façon oblique des expériences viscérales et incarnées grâce à des formes hybrides, abstraites et fragmentaires. Les cyanotypes de Zahra Hosseini déconstruisent et réinventent le corps de l’artiste à l’aide de la figure fractale, et témoignent ainsi de son quotidien en tant que personne vivant avec un handicap. Sa série Goddess Figures (2023-2024), qu’elle a créée en imprimant sa peau enduite d’huile directement sur le papier, met en scène des êtres éthérés aux jambes et aux bras distendus, rattachés uniquement par le fond bleu foncé du tirage. Quant aux tableaux de Colin Canary, réalisés à l’aide de couches d’acrylique et de différentes techniques d’impression, ils interrogent la nature vaporeuse de la mémoire. L’artiste transfère sur la toile des archives familiales, des photographies granuleuses qu’il a prises avec un appareil photo numérique ainsi que des images trouvées, donnant lieu à des motifs abstraits répétitifs et vaguement familiers. L’atmosphère inquiétante de ses œuvres évoque une présence mélancolique qui transparaît sous une surface trouble. Tout aussi évocatrice, l’installation céramique Ces géants qui se nourrissent de soleil (2023-2024), d’Elisabeth Perrault, est composée de cinq tournesols de taille imposante. Ces fleurs, généralement reconnues pour leur robustesse et leurs proportions majestueuses, sont ici fanées et flétries. Rompus et dépouillés de leur force, les tournesols fragilisés de Perrault expriment le caractère essentiel de la vulnérabilité, de l’impermanence et de la régénération.
Nina Vroemen, Rebecca Ramsey et Andrés Salas offrent une réflexion sur la porosité et la perméabilité des corps, des systèmes et des paysages. Dans son installation en techniques mixtes Lessen in Time (2023), Vroemen s’attaque à l’univers troublant de la gestion des déchets nucléaires en s’inspirant de son histoire personnelle, de la fiction et des recherches et enquêtes matérielles qu’iel a menées. Avec des contenants façonnés en porcelaine poreuse cuite à basse température, l’artiste expérimente avec l’iode, une substance essentielle à la santé de la thyroïde et qui, consommée au moment d’une catastrophe nucléaire, peut temporairement protéger contre l’irradiation. Ramsey réfléchit pour sa part à l’histoire de l’utilisation de la céramique dans les installations sanitaires et les espaces voués à l’hygiène et à l’approvisionnement en eau, ainsi qu’aux manières dont nous interagissons quotidiennement avec de tels environnements. Ses sculptures dressent des parallèles entre les systèmes de recyclage et de gestion des déchets dans les immeubles comme dans nos corps. Brouillant les frontières entre intérieur et extérieur, entre contenant et contenu, l’artiste nous rappelle le caractère poreux et perméable de notre enveloppe corporelle. Silenciosa, Silenciada [Silencieuse, silenciée] (2023) est un essai vidéo et une installation de Salas, qui documente la transition de sa ferme familiale, à Cachipay, en Colombie, de la caféiculture vers la monoculture florale, moins vulnérable aux insectes ravageurs. L’artiste entremêle dans son récit l’histoire de son grand-père qui a succombé à la maladie de Chagas, une infection transmise par un parasite connu en anglais sous le nom de « kissing bug », ou « punaise du baiser ». Salas fait le récit des perturbations environnementales dont il a été témoin de son vivant dans la région, et dresse le portrait des victimes de première ligne : les travailleur·euse·s de la terre.
Dans Exploring the HEIGHTS (2016-), Ayodele Mzilikazi attire lui aussi l’attention sur les bouleversements qui se sont produits dans le quartier où il a grandi et où il vit encore aujourd’hui. Sa série photographique en cours documente la vie à LaSalle Heights, au sud-ouest de l’île de Montréal. Cette zone résidentielle est historiquement reconnue pour sa population immigrante diversifiée, ses vastes espaces verts, sa communauté tissée serrée et ses logements sociaux abordables. Tentant de saisir les singularités de cet endroit avant qu’il ne soit entièrement transformé par l’embourgeoisement, Mzilikazi met en scène les moments du quotidien – avec ses joies et ses loisirs – qui forment son tissu social.
S’inspirant des techniques ancestrales de tissage et de tressage propres à l’Afrique de l’Ouest, Ifeoma U. Anyaeji emploie des fils fabriqués à partir de sacs de plastique et d’autres matériaux recyclés pour fabriquer des sculptures bigarrées honorant ses origines ethniques igbo. Sa dernière œuvre réinterprète la cérémonie du masque Ijele telle que pratiquée en Igboland, un rite traditionnellement masculin qu’elle dote d’un savoir-faire artisanal associé à la féminité ainsi que d’une conscience écologique. Rappelant les gargouilles qui ornent les cathédrales, les Diablitos (2024), petits diablotins figurant sur chacune des cent tuiles recouvertes d’une glaçure de cendres volcaniques réalisées par Armando Cuspinera, témoignent d’une réflexion sur la diffusion d’images religieuses ou païennes dans différentes cultures et sur des territoires variés. En les alignant côte à côte sur le mur dans un motif rappelant celui d’une mosaïque, Cuspinera met l’accent sur l’érosion graduelle de l’importance culturelle et symbolique de la figure du diable au fil de ses déplacements et des fonctions nouvelles qu’on lui confère.
Profondément introspectives, les œuvres rassemblées dans cette exposition se penchent sur le moment actuel tout en parcourant différentes strates temporelles, historiques et culturelles. Les artistes réinventent le monde, tout en se confrontant aux émotions complexes du deuil et de la perte, et en privilégiant des matériaux malléables et éphémères qui leur permettent de se frayer un chemin dans des terrains souvent hostiles.
– Mojeanne Behzadi et Julia Eilers Smith
La 19e édition du programme d’exposition IGNITION présente neuf artistes inscrit·e·s aux cycles supérieurs en arts plastiques et en lettres et sciences humaines à l’Université Concordia, et dont les œuvres portent l’empreinte d’un vécu et expriment des émotions liées à la perte et au désir teinté de regret. Puisant dans des souvenirs intimes comme collectifs, ces artistes explorent et documentent les liens qui les rattachent à leur environnement à travers des démarches complexes et des récits multiformes.
L’un des groupes d’œuvres examine de façon oblique des expériences viscérales et incarnées grâce à des formes hybrides, abstraites et fragmentaires. Les cyanotypes de Zahra Hosseini déconstruisent et réinventent le corps de l’artiste à l’aide de la figure fractale, et témoignent ainsi de son quotidien en tant que personne vivant avec un handicap. Sa série Goddess Figures (2023-2024), qu’elle a créée en imprimant sa peau enduite d’huile directement sur le papier, met en scène des êtres éthérés aux jambes et aux bras distendus, rattachés uniquement par le fond bleu foncé du tirage. Quant aux tableaux de Colin Canary, réalisés à l’aide de couches d’acrylique et de différentes techniques d’impression, ils interrogent la nature vaporeuse de la mémoire. L’artiste transfère sur la toile des archives familiales, des photographies granuleuses qu’il a prises avec un appareil photo numérique ainsi que des images trouvées, donnant lieu à des motifs abstraits répétitifs et vaguement familiers. L’atmosphère inquiétante de ses œuvres évoque une présence mélancolique qui transparaît sous une surface trouble. Tout aussi évocatrice, l’installation céramique Ces géants qui se nourrissent de soleil (2023-2024), d’Elisabeth Perrault, est composée de cinq tournesols de taille imposante. Ces fleurs, généralement reconnues pour leur robustesse et leurs proportions majestueuses, sont ici fanées et flétries. Rompus et dépouillés de leur force, les tournesols fragilisés de Perrault expriment le caractère essentiel de la vulnérabilité, de l’impermanence et de la régénération.
Nina Vroemen, Rebecca Ramsey et Andrés Salas offrent une réflexion sur la porosité et la perméabilité des corps, des systèmes et des paysages. Dans son installation en techniques mixtes Lessen in Time (2023), Vroemen s’attaque à l’univers troublant de la gestion des déchets nucléaires en s’inspirant de son histoire personnelle, de la fiction et des recherches et enquêtes matérielles qu’iel a menées. Avec des contenants façonnés en porcelaine poreuse cuite à basse température, l’artiste expérimente avec l’iode, une substance essentielle à la santé de la thyroïde et qui, consommée au moment d’une catastrophe nucléaire, peut temporairement protéger contre l’irradiation. Ramsey réfléchit pour sa part à l’histoire de l’utilisation de la céramique dans les installations sanitaires et les espaces voués à l’hygiène et à l’approvisionnement en eau, ainsi qu’aux manières dont nous interagissons quotidiennement avec de tels environnements. Ses sculptures dressent des parallèles entre les systèmes de recyclage et de gestion des déchets dans les immeubles comme dans nos corps. Brouillant les frontières entre intérieur et extérieur, entre contenant et contenu, l’artiste nous rappelle le caractère poreux et perméable de notre enveloppe corporelle. Silenciosa, Silenciada [Silencieuse, silenciée] (2023) est un essai vidéo et une installation de Salas, qui documente la transition de sa ferme familiale, à Cachipay, en Colombie, de la caféiculture vers la monoculture florale, moins vulnérable aux insectes ravageurs. L’artiste entremêle dans son récit l’histoire de son grand-père qui a succombé à la maladie de Chagas, une infection transmise par un parasite connu en anglais sous le nom de « kissing bug », ou « punaise du baiser ». Salas fait le récit des perturbations environnementales dont il a été témoin de son vivant dans la région, et dresse le portrait des victimes de première ligne : les travailleur·euse·s de la terre.
Dans Exploring the HEIGHTS (2016-), Ayodele Mzilikazi attire lui aussi l’attention sur les bouleversements qui se sont produits dans le quartier où il a grandi et où il vit encore aujourd’hui. Sa série photographique en cours documente la vie à LaSalle Heights, au sud-ouest de l’île de Montréal. Cette zone résidentielle est historiquement reconnue pour sa population immigrante diversifiée, ses vastes espaces verts, sa communauté tissée serrée et ses logements sociaux abordables. Tentant de saisir les singularités de cet endroit avant qu’il ne soit entièrement transformé par l’embourgeoisement, Mzilikazi met en scène les moments du quotidien – avec ses joies et ses loisirs – qui forment son tissu social.
S’inspirant des techniques ancestrales de tissage et de tressage propres à l’Afrique de l’Ouest, Ifeoma U. Anyaeji emploie des fils fabriqués à partir de sacs de plastique et d’autres matériaux recyclés pour fabriquer des sculptures bigarrées honorant ses origines ethniques igbo. Sa dernière œuvre réinterprète la cérémonie du masque Ijele telle que pratiquée en Igboland, un rite traditionnellement masculin qu’elle dote d’un savoir-faire artisanal associé à la féminité ainsi que d’une conscience écologique. Rappelant les gargouilles qui ornent les cathédrales, les Diablitos (2024), petits diablotins figurant sur chacune des cent tuiles recouvertes d’une glaçure de cendres volcaniques réalisées par Armando Cuspinera, témoignent d’une réflexion sur la diffusion d’images religieuses ou païennes dans différentes cultures et sur des territoires variés. En les alignant côte à côte sur le mur dans un motif rappelant celui d’une mosaïque, Cuspinera met l’accent sur l’érosion graduelle de l’importance culturelle et symbolique de la figure du diable au fil de ses déplacements et des fonctions nouvelles qu’on lui confère.
Profondément introspectives, les œuvres rassemblées dans cette exposition se penchent sur le moment actuel tout en parcourant différentes strates temporelles, historiques et culturelles. Les artistes réinventent le monde, tout en se confrontant aux émotions complexes du deuil et de la perte, et en privilégiant des matériaux malléables et éphémères qui leur permettent de se frayer un chemin dans des terrains souvent hostiles.
– Mojeanne Behzadi et Julia Eilers Smith