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SIGHTINGS 2022-2024
SEE FEVER

Inauguré en 2012 à l’occasion du 50e anniversaire de la collection permanente de la Galerie Leonard & Bina Ellen, le programme d’expositions satellites SIGHTINGS a été conçu comme une plateforme d’expérimentation et de réflexion critique afin de questionner les possibilités et les limites de l’espace du « cube blanc » moderniste. Ce programme est associé à un module de présentation cubique situé dans un espace public de l’université que des artistes et des commissaires sont invité·e·s à investir en proposant de nouvelles stratégies de monstration artistique.

Cet automne, la Galerie lance un cycle pluriannuel axé sur la thématique SEE FEVER. L’expression renvoie au désir fiévreux de « tout voir », à l’attrait pour les stratégies visant à voir « plus » ou « plus loin » et les contextes offrant un champ de vision élargi et déstabilisant nos mécanismes perceptifs. En écho à cette thématique, le cube SIGHTINGS est appréhendé comme une plateforme d’observation surélevée dont les quatre parois transparentes permettent une vue à angle de 360 degrés. Ainsi, les projets de la programmation s’intéresseront à l’expérience perceptive et psychique du sujet regardant qui dispose d’une vue à grand angle, à la quête de la vue panoramique et de l’horizon fuyant, et aux dispositifs et appareils d’optique permettant d’augmenter, d’améliorer et de désorienter la logique spatiale de la vision.

SIGHTINGS est situé au rez-de-chaussée du Pavillon Hall : 1455, boul. De Maisonneuve Ouest, et est accessible tous les jours de 7 h à 23 h. Le programme est élaboré par Julia Eilers Smith.

SIGHTINGS 37
Hôtel Atlas : collections de récits et de fragments
Kim Kielhofner, HÔTEL ATLAS : COLLECTIONS DE RÉCITS ET DE FRAGMENTS, 2023 Avec l’aimable concours de la Galerie Leonard & Bina Ellen. Photo: Jean-Michael Seminaro
Kim Kielhofner, HÔTEL ATLAS : COLLECTIONS DE RÉCITS ET DE FRAGMENTS, 2023 Avec l’aimable concours de la Galerie Leonard & Bina Ellen. Photo: Jean-Michael Seminaro
Kim Kielhofner, HÔTEL ATLAS : COLLECTIONS DE RÉCITS ET DE FRAGMENTS, 2023 Avec l’aimable concours de la Galerie Leonard & Bina Ellen. Photo: Jean-Michael Seminaro
Kim Kielhofner, HÔTEL ATLAS : COLLECTIONS DE RÉCITS ET DE FRAGMENTS, 2023 Avec l’aimable concours de la Galerie Leonard & Bina Ellen. Photo: Jean-Michael Seminaro
Kim Kielhofner, HÔTEL ATLAS : COLLECTIONS DE RÉCITS ET DE FRAGMENTS, 2023 Avec l’aimable concours de la Galerie Leonard & Bina Ellen. Photo: Jean-Michael Seminaro
Kim Kielhofner, HÔTEL ATLAS : COLLECTIONS DE RÉCITS ET DE FRAGMENTS, 2023 Avec l’aimable concours de la Galerie Leonard & Bina Ellen. Photo: Jean-Michael Seminaro
Kim Kielhofner, HÔTEL ATLAS : COLLECTIONS DE RÉCITS ET DE FRAGMENTS, 2023 Avec l’aimable concours de la Galerie Leonard & Bina Ellen. Photo: Jean-Michael Seminaro
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Du 23 janvier au 14 mai 2023

Un projet de Kim Kielhofner

Événement

Kim Kielhofner est une artiste qui travaille avec la vidéo, le dessin et le collage. Elle s’intéresse à la façon dont nous comprenons les récits et à comment nous nous isncrivons dans ceux-ci. Son travail a été présenté à Dazibao (Montréal, CA), LUX (Londres, UK), VOX (Montréal, CA), Kassel Dokfest, WRO Biennale et Oberhausen International Short Film Festival.

L’artiste aimerait remercier Julia Eilers Smith, Michèle Thériault, Samuel Garrigo Meza, Christine Boudreau, Brigitte Comeau, Material for the Arts NYC, ainsi que les bibliothécaires de la New York Public Library Picture Collection et les personnes qui soutiennent la collection.

Récits

1. Leaving School – XI
(Ann Quin)
2. Next Year or I Fly My Rounds, Tempestuous
(Lorine Niedecker)
3. Shadows Roses Shadow
(Ingeborg Bachmann) (Marianne Moore)
4. Hôtel Atlas
5. Le Field Museum
6. Géographies de toutes les lumières accessibles
(Barbara Payton) (Marilyn Monroe)

Fragments

7. « For More Than a Decade, No One Knew Where It Was »
(Adrian Nathan West)
8. « He Took the Shape of a Bowl in Order to Eat Out of It »
(Toby MacLennan)
9. Dimanche
(Ruth Novaczek)

Une correspondance entre Julia Eilers Smith et Kim Kielhofner

J : Ces temps-ci, je réfléchis aux panoramas – ces tableaux à 360 degrés grand format qui attiraient les foules au xixesiècle. Je suis intriguée par leur évolution en tant que dispositifs optiques et par leur influence sur l’essor d’un regard nouveau porté sur les territoires et paysages qui nous entourent. Je perçois une dimension « panoramique » dans ton travail. Tout d’abord, dans son ampleur : tu accumules une immense quantité d’images tirées de l’histoire et de la littérature, ainsi que de la culture populaire et du cinéma, qui traversent les siècles, les sujets et les genres. Mais je la vois aussi dans son caractère immersif et dans ta façon d’orchestrer le regard, brouillant la frontière entre la personne qui voit et l’objet regardé. Si le panorama peut être conçu comme une sorte de médium de masse de l’époque, ton travail interroge la culture de masse visuelle et réfléchit à la manière dont nous éprouvons ces images et les utilisons, et à leur manière de façonner notre regard en retour.

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K : Cela me fait penser à une révolution complète, à 360 degrés. Je me rappelle l’exemple que donne Louis Althusser de ce qu’il appelle l’interpellation, où un policier crie « hé, vous, là-bas ! ». En entendant cette interjection, l’individu se tourne, et « [p]ar cette simple conversion physique de 180 degrés, il devient sujet[1] ». Je me suis demandé, suivant cet exemple, ce qui adviendrait d’un retournement de 360 degrés.

Je me rappelle avoir lu un passage, je ne sais plus trop où, décrivant une femme qui, en sortant d’elle-même, en est venue à se comprendre. Le mouvement qu’elle a décrit s’apparentait à une spirale à reculons qui repassait par une série de petits objets ayant jalonné sa vie. Ce n’était pas linéaire, il y avait des sauts temporels. Au fil du processus, la mécanique interne des objets était révélée, et ceux-ci se voyaient conférer de nouvelles fonctions. Dans le même ordre d’idées, cela me fait penser à un passage de Clarice Lispector, dont le personnage, une femme à la recherche d’une illumination quelconque, en vient à explorer une pièce et à se retrouver elle-même dans son rapport avec les objets qui l’entourent. Sa façon de prendre possession d’elle-même, c’était de faire entrer ces objets dans la langue, dans une sorte d’extension, de délimitation et de dissolution des frontières de sa subjectivité. Tous ces exemples emploient l’image du tournoiement pour décrire le processus du devenir et du dé-devenir du sujet.

Dans L’espace littéraire, Maurice Blanchot écrit :

 

[L]’espace intérieur « traduit les choses ». Il les fait passer d’un langage dans un autre, du langage étranger, extérieur, dans un langage tout intérieur et même le dedans du langage, quand celui-ci nomme en silence et par le silence et fait du nom une réalité silencieuse. « L’espace » [qui] nous dépasse et [qui] traduit est donc le transfigurateur, le traducteur par excellence[2].

 

Je conçois la rotation à 360 degrés comme un geste de création. Peut-être qu’il s’agit aussi d’un « espace [qui] nous dépasse ».

J : Dans le mouvement physique du tourbillonnement, celui de tourner encore et encore sur soi-même, il y a la répétition, une forme de retour, une obstination, une insistance. Je pense à ce qui est perdu et gagné dans le mouvement circulaire. Ce n’est pas la même chose que de penser à une seule rotation de 180 degrés, ou à une seule rotation de 360 degrés (comme tu le mentionnais). Celles-ci évoquent davantage un changement de direction et supposent un état de vigilance. Comme un « point tournant », qui implique une transformation, une sorte de revirement. En lisant tes notes sur la rotation de 360 degrés et sur l’anéantissement de la subjectivité ou la sortie de soi, je pense à Technology/Transformation: Wonder Woman, 1978-79, de Dara Birnbaum, où Diana Prince se métamorphose de citoyenne en héroïne, et vice-versa, en tourbillonnant sur elle-même. La plupart des superhéros se transforment en tourbillonnant, comme si ce mouvement perturbait le continuum spatio-temporel (et créait peut-être, comme tu le suggères, un espace qui nous dépasse ?). Dans son travail, Birnbaum souligne le caractère spectaculaire de cette métamorphose, suggérant que loin de relever de la volonté ou de l’agentivité des personnages, celle-ci cible plutôt l’industrie télévisuelle et son public.

K : Technology/Transformation: Wonder Woman de Dara Birnbaum est un excellent exemple du genre de transformation/rotation/révolution qui m’intéresse. La répétition du mouvement – le geste de tourner sur soi-même –, ce mouvement-là se rapproche du type de sortie de soi auquel je réfléchis.

J : J’aimerais aborder le rôle de la gestuelle dans ton travail, et sa fonction en tant que mode d’enquête. Le langage corporel et les gestes des mains sont au cœur de la structure de tes vidéos. Une énergie cinétique en émane. Les mains mettent activement en scène des séquences cinématographiques et nous guident à travers le flot de conscience sinueux de la narratrice. Elles l’orientent.

K : En faisant le montage, je choisis souvent une séquence de mouvement ou encore un instant où l’on sent la présence de la caméra. Il est important pour moi qu’il y ait une sorte de guide qui permette de circuler dans l’œuvre. C’est-à-dire qui donne l’impression de prendre part à une visite guidée, mais sans se faire instruire – d’avoir l’autonomie nécessaire pour créer ses propres associations.

J : Quand je faisais mes recherches sur l’histoire des panoramas, je me rappelle avoir lu que ceux-ci ont fini par devenir un outil pour enseigner à voir. Ils offraient une nouvelle expérience de la vision ou du regard : une perspective différente, une vue dégagée en rond-point qui permettait de tout embrasser d’un coup d’œil. Les panoramas sont devenus un lieu d’observation où l’on pouvait revenir s’exercer à cette sensibilité inédite. Mais les vues panoramiques demeuraient des visions aménagées, des mises en scène.

K : S’exercer ou s’entraîner est essentiel à ce projet – notamment dans la répétition ou l’aménagement des objets et des images pour en faire des expériences visuelles. Les objets que j’emploie sont courants et souvent jetables, mais ici, ils remplissent davantage que leur fonction première. De même, les images que j’assemble sont tirées d’encyclopédies, de manuels d’instruction, de guides beauté, de catalogues – des imprimés considérés comme désuets d’une manière ou d’une autre. Il s’agit également d’un exercice pour moi, d’une sorte de retour sur ma propre démarche. J’ai choisi un certain nombre d’éléments vers lesquels je n’ai cessé de retourner – ou que je n’ai cessé de retourner dans mon esprit – au fil des années. Les récits rassemblés ici se sont construits en arrière-plan de mes autres projets. Quant aux autres, les fragments, ils représentent des liens que je n’avais pas encore eu l’occasion d’explorer en profondeur. Hôtel Atlas : collections de récits et de fragments est une porte ouverte sur toutes ces choses.

 

[1] Louis Althusser, « Idéologie et appareils idéologiques d’État », Positions, Paris, Les Éditions sociales, 1976, p. 113-114.

[2] Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Paris, Gallimard, 1988, p. 145.

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Kim Kielhofner est une artiste qui travaille avec la vidéo, le dessin et le collage. Elle s’intéresse à la façon dont nous comprenons les récits et à comment nous nous isncrivons dans ceux-ci. Son travail a été présenté à Dazibao (Montréal, CA), LUX (Londres, UK), VOX (Montréal, CA), Kassel Dokfest, WRO Biennale et Oberhausen International Short Film Festival.

L’artiste aimerait remercier Julia Eilers Smith, Michèle Thériault, Samuel Garrigo Meza, Christine Boudreau, Brigitte Comeau, Material for the Arts NYC, ainsi que les bibliothécaires de la New York Public Library Picture Collection et les personnes qui soutiennent la collection.