Traduction : André Lamarre
Produit avec l’appui du Frederick and Mary Kay Lowy Art Education Fund.
Constituant une contre-archive tentaculaire, les éléments de Blues Klair sont rassemblés par Meessen afin de répondre à la question : quelle est la couleur de l’histoire ? Il en résulte une constellation dense de récits et de documents qui se recoupent. Installé au cœur de l’effervescence politique et culturelle de la fin des années 1960 et du début des années 1970, ce réseau s’appuie sur trois protagonistes : les poètes Gylan Kain et Patrick Straram, ainsi que les étudiant.e.s qui furent les meneurs.euses des manifestations à l’Université Sir George Williams (devenue l’Université Concordia). Refusant la linéarité, l’histoire selon Meessen est orientée par une sensibilité pour la rébellion et la critique qui s’exprime à travers ses références.
Voici une liste de concepts clés qui ont émergé de la recherche sous-tendant cette exposition et qui l’ont guidée. Chacun suscite de nouvelles questions : vous pouvez les combiner à votre gré, les appliquer simultanément aux œuvres présentées ou les faire dialoguer avec vos propres associations.
Lire la suiteBLEU
On peut identifier plusieurs nuances de bleu sous le titre Blues Klair. Il y a la pièce Blues clair de Django Reinhardt, l’émission de radio du même titre animée par Straram et un roman expérimental resté à l’état de projet. Il y a l’album novateur de Gylan Kain, Blue Guerilla, et la tradition musicale du blues avec l’intensité de son témoignage sur la vie sociale des Noir.e.s, qui chantent et expriment la douleur, la vulnérabilité et la maîtrise de soi. Il y a le bleu des océans Atlantique et Indien, qui ont balisé le trafic des esclaves et qui ont mis en rapport la production et l’expédition des pigments, entre autres choses. Dans Ultramarine, Kain commente une photographie du XIXe siècle représentant un groupe d’hommes, des Bengalis, travaillant dans une cuve d’indigo sur le bord de laquelle un Britannique est perché : « Il (parlant de ce Britannique) voit du vert de Prusse, dans son voyage vers le bleu indigo […]. Moi, je vois quatorze Bengalis en train de s’oxyder. » Analysant le point de vue de cet Anglais et celui de la caméra, Kain identifie le point de contradiction de l’image. Finalement, le bleu évoque une lentille teintée à travers laquelle on peut voir l’histoire et dévoiler sa discontinuité et ses illusions. Elle est faite de bleus contrastés.
EXIL
Faut-il rester en place ou s’exiler ? L’exil est-il forcé par la loi ou motivé par un acte de refus ? Peut-on comprendre l’exil, tel qu’il est fondamentalement, comme une ruine, une privation et un appauvrissement ? Ou constitue-t-il une mesure de la pauvreté dans le monde tel qu’il est ? Il est évident que l’exil ne peut se vivre que comme une perte irrévocable et douloureuse, une séparation du foyer, de la communauté et de la famille, une résignation à l’insécurité et à la mobilité.
Le critique culturel Edward W. Said soulève les contradictions de la figure moderne de l’exilé.e solitaire, de l’émigré.e ou de l’expatrié.e. Il se pose la question suivante : qu’est-ce que l’histoire de l’individu privé de ses droits apporte de plus, face au désespoir de masse, presque anonyme, des réfugié.e.s du monde actuel ? Les observations de Said comportent deux éléments essentiels dont il faut tenir compte si l’on veut réfléchir aux rôles que jouent Kain et Straram en tant qu’exilés dans Blues Klair. Premièrement, il y a l’idée que l’exil produit une « subjectivité scrupuleuse », une analyse critique détaillée de la vie quotidienne. Deuxièmement, si on garde à l’esprit le jeu de percussion de Gyselinck, l’exil est pensé comme « contrapuntique », offrant des points de vue alternatifs, de nouveaux rythmes et de nouveaux chemins à travers des réalités opposées. Les mesures punitives, incluant l’emprisonnement et la déportation, infligées aux étudiant.e.s protestataires caribéen.ne.s de l’Université Sir George Williams, montrent que le recours à l’exil constitue une arme de l’État et de ses diverses institutions.
K
Un embrayeur est un mot ou un élément du langage dont la signification est dépendante de son contexte. Les pronoms personnels comme « je » et « tu » sont des embrayeurs. Ils ont un rôle symbolique provisoire, car ils se déplacent en identifiant un sujet parlant particulier, un lieu ou un temps.
Blues Klair énonce un embrayeur courant qui le ponctue – le k. K pour Gylan Kain, K comme fondement raciste de l’AmeriKKKa et du KKKanada, K pour Kébèk, K qui se trouve dans la logorrhée de Straram répondant à sa propre question : Pourquoi s’appelle-t-il K. ? En français, clair définit une nuance légère comme dans bleu clair en même temps que la clarté, qu’il s’agisse de quelque chose de physiquement transparent ou d’une idée, d’une affirmation formulée avec précision – qui s’avère cristalline. Alors, délogeant le c dans le mot clair, le k corrompt, craque et connecte les documents et les histoires qui font partie de l’exposition.
MÉMOIRE EN MOUVEMENT
Dans Ultramarine agit une mémoire en mouvement, quelque part entre l’anglais et le français, entre « moving » (en mouvement) tel qu’énoncé par Kain et « (é)mouvante » tel que lu dans les sous-titres. Dire « moving » peut se résumer à ceci : une mémoire à travers le souffle, gardée à l’esprit, dans le corps, ravivée à partir de documents, en circulation et en ébullition. À la lecture, l’expression la mémoire émouvante signifie une mémoire qui touche, accompagnée et faite d’émotion ou, plus simplement : une mémoire qui émeut.
Pensez comment les mots peuvent être recouverts dans la voix et le texte, comment cette réception simultanée, lue en contrepoint, active de multiples éléments essentiels. Pensez à la relation entre une image et sa légende ou son cadre. Pensez aussi à la voix du traducteur et artiste : qu’est-ce qui est en jeu lorsqu’on travaille entre parenthèses ? Est-ce que cela procure un accompagnement, dans un sens plus musical, au dialogue de Kain et de Gyselinck ? Est-ce que cela permet de se joindre aux errances de Straram ? Ou de se soulever comme témoin pour manifester à l’Université Sir George Williams ?
SITUATION
S’opposant à la routine de la vie quotidienne sous le capitalisme dans l’Europe de l’après-guerre, les membres de l’Internationale situationniste ont cherché des stratégies dans le but de créer des « situations » qui pourraient redonner une quelconque autonomie à une vie par ailleurs surdéterminée et réifiée. Une de ces stratégies était la «dérive » : une approche réflexive critique pour s’immerger dans l’environnement urbain en gardant à l’œil les déterminations culturelles et environnementales inconscientes. Une autre stratégie, le « détournement », proposait l’appropriation, la réutilisation et la destruction de matériaux anciens comme une attaque de la propriété privée, une désacralisation de la valeur et une méthode pour créer de nouveaux liens. Travailler avec du matériel récupéré ouvre la porte au jeu avec le souvenir et le familier. Par conséquent, les deux stratégies visaient une désorientation qui rendrait visibles les forces répressives en jeu derrière les apparences quotidiennes.
À divers moments de sa pratique, Meessen a raconté des histoires mineures de l’Internationale situationniste, en particulier celles situées à l’extérieur de l’Europe de l’Ouest. Dans Blues Klair, nous trouvons le situationniste et militant syndical jamaïcain George Myers, aka Joseph Edwards, aka Fundi, et Patrick Straram, qui ne fut jamais membre mais qui consacra sa vie et son travail à la pensée situationniste. À travers cette lentille, les actions posées à l’Université Sir George Williams peuvent être pensées comme des « situations » modèles, aussi concrètes, perturbantes et sensorielles que celles qu’auraient pu imaginer les Situationnistes.
SPECTRE
À la lumière de Blues Klair, que peut-on affirmer, à travers les blues de l’histoire tels que présentés ci-haut ? Jusqu’où mène ce spectre du bleu, conçu comme un double spectre de couleur et de son ? Si la spectrographie est le processus par lequel une image est tracée à partir du son, pouvons-nous penser Blues Klair comme un dispositif qui rend perceptible ce qui n’est pas vu mais ressenti ?
Entre les références, à travers des récits disparates, des expériences et des lieux, un spectre ou des spectres peuvent apparaître. Alors qu’on croyait les avoir laissés derrière soi, les spectres de l’inachèvement, du recouvrement, de la disparition, de la catastrophe et de la difficulté de tout nommer continuent de hanter et leur retour brouille les récits linéaires de l’histoire.
Pour Meessen, le spectral désigne le passé apparemment porté par le « post » de postcolonial et de postracial, il est également présent dans le renouvellement pervers du néolibéralisme. De même que le « k » furtif dans l’article ci-haut, le spectral évoque des temps, des lieux et des sujets multiples et simultanés. Lorsque, dans Ultramarine, Kain dit : « Ce qui m’échappe » (What eludes me), on comprend cette phrase comme une question adressée à un destinataire : « ce qui m’échappe, mon négro » ? Il s’agit peut-être aussi d’une question à laquelle il répond, d’un inventaire de la création : « ce qui m’échappe : Bleu indigo ».
TRAME, CADRE, SCÉNARIO
Le mot français « trame » couvre un vaste champ, il renvoie à la fabrication textile, aux procédés d’impression, au récit littéraire, dramatique et historique, pour ne nommer que quelques-uns de ses usages. Il n’y a aucun équivalent anglais qui ait la même étendue : le mot « weave » est probablement celui qui s’en approche le plus. Dans le tissage, le « fil de trame » (weft, en anglais) est le fil qu’on entrelace à travers les fils de la chaîne fixe. C’est ce fil qui active le motif du tissu par de minutieuses insertions qui créent la tension essentielle au maintien de la structure. Dans le domaine de l’imprimerie, la « trame » (halftone, en anglais) signifie la distribution de points qui produisent une image par leurs variations en gradation, en orientation et en couleur. En littérature, la trame est l’intrigue (the plot, en anglais). Au théâtre, la trame correspond au mot italien canovaccio, un résumé rudimentaire ayant pour fonction de guider l’improvisation.
La trame apparaît donc dans Blues Klair et on y accède à la fois par une matière tangible – telle que les textiles –, dans les documents à lire écrits ou présentés par Meessen, et en parcourant l’espace de l’exposition. Ainsi que ses multiples définitions le suggèrent, la trame est créatrice de correspondances, quelque chose que l’on découvre en cours de réalisation, parfois par hasard, plutôt que dans un assortiment d’objets ou de récits discrets.
FermerArtiste
Né à Baltimore en 1971, Vincent Meessen vit à Bruxelles. Il a représenté la Belgique à la 56e Biennale de Venise en 2015 avec le projet Personne et les autres, une exposition collective regroupant une dizaine d’artistes de quatre continents. Son travail a fait l’objet des expositions solo suivantes : Ultramarine, Printemps de Septembre, Toulouse, 2018; Omar en Mai, Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris, 2018; Patterns for (Re)cognition dont diverses itérations ont été présentées à BOZAR, Bruxelles, 2017, Kunsthalle Basel, 2015, et KIOSK, Gand, 2013; Sire, je suis de l’ôtre pays, WIELS, Bruxelles, 2016, et Mi ultima vida, An African Grammar After Roland Barthes, MUAC, Mexico, 2013-2014.
Meessen a également participé aux expositions collectives suivantes : 50 Years after 50 Years of the Bauhaus 1968, Württembergischer, Kunstverein Stuttgart, 2018; et Gestures and Archives of the Present, Genealogies of the Future, Biennale de Taipei, 2016. Ces films ont été présentés dans des institutions muséales telles que Kiasma, Helsinki; MUMOK, Vienne; Museo Reina Sofia, Madrid; Lincoln Center, New York et dans les festivals IFFR, Rotterdam; IDFA, Amsterdam; Image Forum Festival, Tokyo et FESPACO, Ouagadougou. Vincent Meessen est membre fondateur de Jubilee, plateforme de recherche et production artistiques. Blues Klair est sa première exposition solo au Canada et aux États-Unis.
FermerOeuvres
K-Variable, 2018
Lettrage en vinyle, police Belgika.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
Amerikkkkk…kkkkanada est une inscription visible de l’extérieur de l’exposition, comme une sorte de préface à son expérience. Cette « lettre valise » est une variable qui peut déployer sa taille pour s’adapter à son contexte mural; « politiKe » devient « poétiKe », et vice et versa. Une variable dans l’exposition ou l’exposition comme variable. K comme une identité changeante, en transformation. K pour Kain, KTP, Amerika, Ku Klux Klan, Kanata, MoKum, Kandinsky, Kafka, Klossowski, Kiff, Kowass, Blues Klair, Monsieur K, Koderre.
FermerUltramarine, 2018
Installation filmique avec textiles et son.
42 min 46 s.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
En bousculant la logique européocentrée de l’historiographie et celle des classifications muséales, Ultramarine remet en mouvement une constellation d’objets et les enjoint à colorer l’Histoire. L’expérience immersive de la couleur, substance vivante, texturée, spectrale et polymorphe, est rendue indissociable de sa trouble composante politique et du cinéma comme pratique magique. Le film est conçu comme une « exposition mise en intrigue » mettant en scène Kain the Poet (KTP), le performeur et poète afro-américain, qui dans le sillage du Black Arts Movement, signa en 1970 l’album mythique Blue Guerilla. Kain colore l’histoire dans une performance spoken word du blues de son exil à Amsterdam, tandis que, tout au long, le batteur Lander Gyselinck improvise.
Fermer21st Century, 2018
Impression numérique à jet d’encre sur papier dos bleu.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
Discordia, 2018
Impressions numériques à jet d’encre sur papier d’archive et photographique, tracts.
Avec l’aimable concours de l’artiste
Le poète, dramaturge militant afro-américain LeRoi Jones/Amiri Baraka, auteur du livre Le peuple du blues : la musique noire dans l’Amérique blanche (1963) et l’un des fondateurs du Black Arts Movement ainsi que le jeune poète et performeur Gylan Kain ont chacun proposé des réponses artistiques aux luttes pour la reconnaissance civile des Noir.e.s du milieu à la fin des années 1960, en intégrant à leur œuvre le langage affirmé, politiquement engagé et sans compromis du Black Power.
À Montréal en 1968, six étudiants caribéens qui furent la cible de discrimination raciale à la Sir George Williams University (aujourd’hui Université Concordia) ont déclenché un soulèvement et une occupation qui se sont terminés dans la violence. Les mouvements d’émancipation et les discours provenant des Caraïbes et des États-Unis ont défini leurs revendications et leurs actions.
Les images subsistent et circulent. Un paysage abstrait se dessine pour occuper notre imaginaire, pour construire un souvenir partiel, changeant et silencieux de l’événement. Des centaines de cartes perforées et de papiers ont virevolté des fenêtres du centre informatique du neuvième étage, flottant dans le ciel, recouvrant les lampadaires transformant la rue en un paysage blanc contrastant avec les décombres intérieurs et les amas des chaises renversées servant de barricades. La police et les gens qui se massent, se tiennent debout, observent, attendent, passent, marchent, protestent. Les vestiges d’actions collectives et de gestes individuels sontsaux prises avec un horizon futur.
FermerNew Canadians, 2018
Carte de « None Shall Escape. Radical Perspectives in the Caribbean by Fundi, Caribbean Situationist », 1973, réédité en 1984.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
Suite à l’occupation du centre informatique, l’arrestation et la longue détention des participant.e.s noir.e.s, des protestations ont eu lieu dans certains états caribéens d’où plusieurs étudiant.e.s étaient originaires. Une carte répertoriant les divers incidents de rébellions et leurs causes ayant eu lieu du milieu des années 1960 au début des années 1970 a été dessinée en 1973 par Fundi (Joseph Edwards né Georges Myers), un militant syndical jamaïcain. L’événement qui se déroula à la Sir George Williams University y est mentionné comme un moment de solidarité envers les Antillais.e.s. Les intérêts miniers et bancaires du Canada étaient importants dans les Caraïbes anglaises particulièrement en Guyane qui détenait une grande réserve de bauxite.
Fundi était situationniste. Accompagnant la carte, une affiche reproduit des extraits de « Subjectivité radicale » tiré du livre Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (1967) de Raoul Vaneigem ainsi que des extraits de la thèse 90 de Guy Debord tirée du chapitre « Le prolétariat comme sujet et comme représentation » de La société du spectacle (1967). Fundi forme une constellation transnationale avec Patrick Straram, un pré-situationniste exilé à Montréal depuis 1958 qui a publié en 1960 Cahier pour un paysage inventé, une tentative d’introduction des pratiques situationnistes au Québec.
FermerPostface, 2018
Impressions numériques à jet d’encre sur papier d’archive.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
Index, 2018
Vingt-six impressions numériques à jet d’encre sur papier d’archive.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
Postface est une ellipse théâtrale dans laquelle trois personnages abstraits « Personne », « et », « les autres » mettent en intrigue Index, une constellation d’images présentée à proximité. Cette courte pièce, écrite spécialement pour l’exposition Blues Klair, doit son nom à un texte de 1960 intitulé « Préface à l’unité scénique “Personne et les autres” », paru dans l’Internationale Situationniste no 5 dont le tapuscrit original a été retrouvé par l’artiste dans les archives de Patrick Straram à Montréal. Signée par le situationniste belge André Frankin, cette préface avait donné son nom au projet Personne et les autres conçu par l’artiste pour la Biennale de Venise en 2015. Le catalogue de l’exposition était accompagné d’une première « Postface à l’unité scénique » dans laquelle les trois personnages spéculent sur des histoires oubliées ou occultées.
FermerStaram’s Trama, 2018
Dessin imprimé sur vinyle.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
Un dessin imprimé en bleu trouvé dans les archives de Patrick Straram et réalisé pendant sa jeunesse, est le motif qui occupe deux grandes surfaces des murs faisant écho à la dense trame des textiles entourant Ultramarine. Son jeu de carrés pleins et vides, d’ouvertures et de fermetures, suggère des obstructions, des absences et des flux de passage. Trama comme une surface de spéculation projective à partir de laquelle les personnages de Postface tissent des histoires et des correspondances qui trouvent un écho dans la série d’images Index. Trama comme tissu de citations qui génère de nouvelles lignes de fuite vers le présent.
FermerSans issue, 2018
Photographie imprimée sur vinyle.
Avec l’aimable concours de l’artiste.
Un graffiti tracé sur une porte fermée observé par l’artiste lors de son trajet quotidien vers la Bibliothèque nationale pour travailler sur les archives de Patrick Straram révèle la présence du triple K qui hante nos cultures occidentales aujourd’hui.
FermerPROFILS
Gylan Kain, aussi connu sous le nom de scène de Kain The Poet, est un poète, dramaturge et comédien né à Harlem, et vivant à Amsterdam. Sa pratique du spoken word, en prise tant avec la culture beat qu’avec la rhétorique du Black Power, en fait l’un des précurseurs du hip-hop. Il fut en effet l’un des membres fondateurs des Original Last Poets créé à New York en mai 1968. Il figura avec ses collègues David Nelson et Felipe Luciano dans le film Right On! (1970) de Herbert Danska dans lequel ils performent leur poésie revendicative sur les toits de Harlem. La même année, Kain réalisa l’album solo Blue Guerilla dans lequel il déclame des paroles incendiaires sur un fond de jazz libre. Au cours des années 70, Kain fut associé au East Wind Cultural Center de Harlem et écrivit des pièces de théatre, notamment Epitaph to a Coagulated Trinity et The Urination of Gylan Kain. Au début des années 80 il quitte les États-Unis pour l’Europe. Là-bas, il collabore entre autres, avec le percussionniste Z’ev et la formation musicale Electric Barbarians. Bien qu’il soit demeuré dans l’ombre, les performances scéniques et le phrasé de Kain ainsi que la radicalité de ses paroles ont marqué de nombreux artistes. Le groupe The Prodigy a « samplé » sa voix sur le succès mondial Voodoo People.
FermerNé en 1987, ce jeune musicien et compositeur belge a fait ses premiers pas dans le hip hop avant de marquer la scène du jazz expérimental. Il est non seulement un batteur prodigieux et inventif jouant pour d’autres mais aussi un compositeur au sein de diverses formations dont STUFF, un quintet mêlant hip hop, jazz et funk, le duo BeraadGeslagen, le LABtrio et le Ragini Trio, Sandy, le groupe new-yorkais Howard Peach, Sinister Sister ou encore un projet solo nommé Known Alone. Gyselinck a remporté de nombreux prix notamment trois Music Industry Awards (2015, 2016 et 2017), le Toots Thielemans Jazz Award (2010) et le Prix flamand de la Culture pour la Musique (2015). Il est doctorant au Conservatoire royal / Académie des Beaux-Arts de Gand (KASK), ville où il réside.
FermerEn avril 1968, six étudiants caribéens – Kennedy Frederick, Allan Brown, Wendell K. Goodin, Douglas Mossop, Terrence Ballantyne et Rodney James – déposèrent au Doyen des affaires étudiantes de l’Université Sir George Williams (aujourd’hui une composante de l’Université Concordia) une accusation de pratiques discriminatoires contre le professeur de biologie Perry Anderson. Puisque leur plainte restait sans réponse de la part de l’administration, la frustration des étudiants face à cette apparente fin de non-recevoir se transforma en indignation. Un mouvement de protestation en résulta au cours de l’année suivante, alors qu’ils se mobilisèrent, avec l’appui de nombreux Blanc.he.s, et il culmina dans l’occupation et la destruction du centre informatique de l’université. Cet événement devint un des plus importants incidents de conflit racial sur un campus universitaire au Canada et ses répercussions s’étendirent jusque dans les Caraïbes.
Les manifestations organisées par les étudiant.e.s s’inspirèrent du discours de libération et d’affirmation accompagnant les luttes émancipatoires qui avaient pris forme au cours des décennies précédentes. Elles firent également écho au mouvement américain du Black Power et au panafricanisme. Il est notoire que la détermination des étudiant.e.s fut alimentée par le Congrès des écrivains noirs: Vers la seconde émancipation dynamique de la libération, tenu à l’Université McGill du 11 au 14 octobre 1968 et organisé par Rosie Douglas (un activiste dominicain renommé impliqué dans l’occupation à l’Université Sir George Williams) et Elder Thebaud. Parmi les conférenciers se trouvaient les importants penseurs caribéens C.L.R James et Walter Rodney, de même que Stokely Carmichael, figure charismatique des Black Panthers. Cet événement fut suivi par la Conférence hémisphérique pour mettre fin à la guerre du Vietnam, qui eut lieu à Montréal du 29 novembre au 1er décembre de la même année, accueillant des représentant.e.s des Black Panthers, du FLN vietnamien, de Cuba, d’Amérique latine et du Front de libération populaire (FLP) québécois.
Les tentatives de l’Université de résoudre le conflit par des mémos internes, des réunions derrière des portes closes et un comité sans cesse recomposé – dont la partialité fut chaque fois dénoncée par les étudiant.e.s – ne firent que démontrer à quel point l’administration faisait preuve d’un manque de préparation, de confusion et, en fin de compte, d’une absence de volonté de s’attaquer au racisme systémique. Mille trois cents étudiant.e.s assistèrent à une première audience le 27 janvier 1969 mais, à ce moment-là, les relations entre les plaignants et l’administration étaient au point mort. Lors d’une seconde audience tenue dans l’amphithéâtre du pavillon Henry H.F. Hall le 29 janvier, deux cents étudiant.e.s en colère décidèrent d’occuper le centre informatique situé au neuvième étage de l’édifice et par la suite le salon des professeur.e.s au septième étage. Cette occupation demeura paisible pendant deux semaines alors que des négociations avaient cours avec l’administration par l’intermédiaire de leur avocat. Dans la nuit du 10 février, les négociations furent rompues abruptement. On appela l’escouade antiémeute, un incendie se déclara dans le centre et les ordinateurs furent détruits. Plus de quatre-vingt-dix étudiant.e.s furent arrêté.e.s, parmi lesquel.le.s quarante Noir.e.s majoritairement caribéen.n.es et, dans certains cas, non-résident.e.s du Canada. Certain.e.s reçurent des sentences d’emprisonnement allant de quelques mois à un an et demi; d’autres furent renvoyé.e.s aux Caraïbes sans avoir pu compléter leurs études. Après l’occupation, l’Université procéda à une enquête qui se conclut en faveur du professeur Anderson, qui continua à enseigner à l’Université tout au long des années 1970. Cependant, dans la foulée de l’émeute, l’Université mit sur pied un Bureau de l’ombudsman et établit de nouvelles procédures pour traiter des problèmes d’inégalité et de discrimination.
Le combat des étudiant.e.s caribéen.ne.s contre l’administration fut soutenu par des étudiant.e.s de l’Université Sir George Williams autant que de McGill, particulièrement par leurs associations respectives d’étudiant.e.s noir.e.s ainsi que par les journaux étudiants The Georgian et The McGill Daily. À la suite des arrestations, un comité de défense fut formé afin de fournir de l’aide pour la caution et les longs processus judiciaires. L’Union générale des étudiants du Québec, associée à d’autres groupes québécois de travailleur.se.s, offrit aussi son soutien. Montréal était au milieu de son propre combat pour l’émancipation des francophones et cet activisme ne lui était pas étranger. L’année 1968, fut marquée par un grand nombre de manifestations de masse notamment la grève lancée par les étudiant.e.s des cégeps réclamant l’accès aux études supérieures, l’occupation de l’École des beaux-arts, où des étudiant.e.s défièrent la police pendant des semaines, et un sit-in tenu par des étudiant.e.s francophones de McGill dénonçant des pratiques discriminatoires. Toutefois, l’ensemble de la population montréalaise désapprouva les actions des étudiant.e.s de l’Université Sir George Williams et les membres de la communauté noire se montrèrent divisés à ce sujet, critiquant la violence, craignant un choc en retour dans leur vie quotidienne et pressentant que l’acceptation et l’intégration acquises au prix de nombreux efforts pourraient être menacées.
L’émeute du centre informatique ou la Sir George Williams Affair, ainsi qu’on l’a surnommée, demeure étonnamment absente ou sous-estimée dans les récits officiels de l’émancipation au Canada. Chez les Caribéen.ne.s anglophones, particulièrement ceux et celles de Trinidad-et-Tobago, de Jamaïque et du Guyana, la nouvelle de l’émeute ainsi que le sort des étudiant.e.s arrêté.e.s entraînèrent des manifestations. L’intensité de l’occupation, la radicalité de l’engagement des étudiant.e.s ainsi que la violence qu’ils.elles durent affronter constituèrent un rappel dérangeant de la réalité des inégalités raciales et de la longue histoire de l’oppression des Noir.e.s dans un pays qui s’en considérait exempt. Au Québec, le nationalisme francophone infléchit la réception de l’événement. Son courant plus radical empreint de partialité ethnique, ne tenait pas compte, comme il aurait dû le faire, de la pluralité croissante de la société québécoise.
FermerNé en France, Patrick Straram était écrivain, poète, critique, amateur de jazz, cinéphile et animateur radio. Ayant quitté sa famille à l’âge de quatorze ans pour vivre avec des moyens de fortune au cœur de la bohême parisienne, il développa un attachement indéfectible pour le jazz américain et l’avant-garde littéraire et se lia d’amitié avec plusieurs figures de la contre-culture naissante, parmi lesquelles Ivan Chtcheglov et Guy Debord, ce dernier étant, en 1957, un des fondateurs de l’Internationale situationniste (IS). Sans jamais être membre de l’IS, Straram resta néanmoins fidèle à sa philosophie, en particulier à la nécessité de mettre l’accent sur la vie quotidienne comme moyen révolutionnaire pour libérer l’individu de l’aliénation sociale et politique. Toute sa vie se déroula sous le signe de l’errance. Au milieu des années 1950, il quitta la France, s’installant d’abord en Colombie-Britannique, puis à Montréal en 1958 et en Californie en 1968. De retour à Montréal en 1970, il mena une vie sans compromis jusqu’à sa mort en 1988, ravagé et indigent.
Au moment de son arrivée, Montréal était au bord d’une explosion culturelle liée à la modernisation de la société québécoise et à une ouverture aux mouvements sociaux et politiques de libération de gauche, qui furent des facteurs déterminants de la période qu’on appelle aujourd’hui la Révolution tranquille. Au milieu des années 1960, la littérature, le cinéma et les arts à Montréal subissaient une radicale redéfinition devant la consommation d’une classe moyenne montante, qui exacerbait un sentiment d’aliénation et annonçait de nouvelles formes de réification. Straram profita des possibilités que cet état de société lui offrait. Dans la marge du centre que Montréal représentait sans doute à l’époque, là où de nouvelles formes et processus devaient toutefois se coaliser, cette situation offrit un potentiel sans précédent pour un personnage à la fois fasciné par l’avant-garde et résolument engagé à faire de sa vie une expérience des limites.
Il ne fallut qu’un an à Straram pour occuper sa place sur la scène culturelle et se lier à une longue liste de poètes, de cinéastes et d’artistes. Plus proches de lui étaient le cinéaste Gilles Groulx, le poète Gaston Miron et le théoricien marxiste Jean-Marc Piotte. Straram commença à publier des textes dans des périodiques de gauche et contreculturels, dont Parti pris, Hobo–Québec, Stratégie et Chroniques (dont il fut cofondateur), autant que dans des médias populaires comme TV Hebdo et MacLean’s. En 1960, il cofonda le Centre d’art de l’Élysée, la première salle consacrée au nouveau cinéma et plus tard, en 1974, le Centre d’essai Le Conventum, un centre multidisciplinaire et expérimental pour les arts. À Radio-Canada, il anima des émissions radiophoniques commentant le cinéma et la littérature, présentant des penseur.se.s, des cinéastes, des comédien.ne.s et de la musique de jazz (l’émission Blues Clair occupa les ondes de 1978 à 1979). Il entretint des relations avec des intellectuel.le.s français.es, entre autres Guy Debord, Jean-Luc Godard, Gilles Deleuze, Marguerite Duras et l’équipe des Cahiers du cinéma.
Habitué des bars et des tavernes du Quartier Latin, Straram fut une figure publique incontournable de la vie culturelle montréalaise. Son engagement marxiste et anarchiste sans compromis fit de lui un personnage controversé. Son allergie radicale à tout dogmatisme l’amena plusieurs fois à tourner le dos à des périodiques et à des organisations qui le faisaient vivre. Vers 1968, alors sans emploi, il quitta Montréal pour la Californie. Il y fut témoin de l’occupation d’Alcatraz par le Red Power Movement et de la montée du militantisme des Black Panthers avec les figures emblématiques de George Jackson et Angela Davis. En 1970, Straram revint avec un pseudonyme, le Bison ravi, adopté par solidarité avec les luttes territoriales des Autochtones (Bison ravi est aussi l’anagramme de Boris Vian). Adoptant le rôle de porte-parole de la contreculture, Straram poursuivit sa critique sans relâche de la vie par une pratique critique qui est la vie elle-même.
Straram publia plus d’une douzaine de livres dans un genre hybride unique qui comportait un collage de citations, d’énumérations et de répétitions à la première personne, produisant un mélange d’épanchements poétiques et de critique politique. À la radio, il intervint avec la même intensité, improvisant ses commentaires, entrecroisant événements privés et références à des ami.e.s et à des penseur.se.s pour lui fondamentaux. À partir de 1980, tous ses écrits parurent sous le titre Blues Clair. Inséparable de sa façon de vivre, la pratique d’écriture de Straram était utopique et, sous de nombreux aspects, révolutionnaire dans son exigence d’authenticité et de liberté enracinée dans l’existence quotidienne de l’individu. En ce sens, il resta jusqu’à la fin attaché aux concepts initiaux et plus artistiques du situationnisme, soit la construction des situations, la dérive urbaine et le détournement, toutes formes d’action qui cherchaient à produire les conditions favorables à la réalisation de désirs vrais et authentiques à travers la fusion du public et du privé, en rendant à l’individu le contrôle sur sa vie.
FermerRessources complémentaires
Austin, David. Nègres noirs, nègres blancs : race, sexe et politique dans les années 1960 à Montréal. Traduit par Colette St-Hilaire et Véronique Dassas. Montréal : Lux Éditeur, 2015.
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Demos, T.J. Return to the Postcolony: Specters of Colonialism in Contemporary Art. Berlin : Sternberg Press, 2013.
Derrida, Jacques. Spectres de Marx : l’état de la dette, le travail du deuil et la nouvelle Internationale. Paris : Éditions Galilée, 2013.
Eber, Dorothy. The Computer Centre Party: Canada meets Black Power. Montreal : Tundra Books, 1969.
Forsythe, Dennis, ed. Let the Niggers Burn! The Sir George Williams University Affair and its Caribbean Aftermath. Montréal : Black Rose Books, 1971.
Gilroy, Paul. L’Atlantique noir : modernité et double conscience. Traduit par Charlotte Nordmann. Paris : Éditions Amsterdam, 2017.
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Mills, Sean. Contester l’empire : pensée postcoloniale et militantisme politique à Montréal, 1963-1972. Montréal : Hurtubise, 2011.
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Project Blues Clair : « Revisiter les pratiques d’écriture de Patrick Straram ». http://projetbluesclair.com/
Saïd, Edward W. Réflexions sur l’exil et autres essais. Traduit par Charlotte Woillez. Arles : Actes Sud, 2008.
Santini, Sylvano. « La « bâtardise » de Patrick Straram. La gauche culturelle au Québec dans les années 1970 et ses suites ». Globe. Revue international d’études Québécoises 14, no 1 (2011) : 53-75.
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« Nationalité ? Domicile ? ». Parti pris 2, no 10-11 (Juin-Juillet 1965) : 52-79.
One + One : Cinémarx et Rolling Stones. Montréal : Les Herbes rouges, 1971.
Avec Jean-Marc Piotte. Gilles cinéma Groulx, le Lynx inquiet 1971. Montréal : Cinémathèque québécoise / Éditions québécoises, 1972.
Irish coffees au no name bar et vin rouge valley of the moon; graffiti/folk-rocks. Montréal : l’Hexagone/l’Obscène nyctalope, 1972.
4 x 4. Montréal : Les Herbes rouges, 1974.
Questionnement socra/cri/tique. Montréal : Éditions de l’Aurore, 1974.
La faim de l’énigme. Montréal : Éditions de l’Aurore, 1975.
Avec Jean-Marc Piotte et Madeline Gagnon. Portraits du voyage. Montréal : Éditions de l’Aurore, 1975.
Bribes 1 : Pré-textes et lectures. Montréal : Éditions de l’Aurore, 1975.
Bribes 2 : Le bison ravi fend la bise. Montréal : Éditions de l’Aurore, 1976.
Tea for one/no more tea. Montréal : Les Herbes rouges, 1983.
Avec Francine Simonin. Blues clair : Quatre quatuors en trains qu’amour advienne. Saint-Laurent, QC : Éditions de Noroît, 1984.
Les bouteilles se couchent. Paris : Allia, 2006.
Lettre à Guy Debord. Paris : Sens & Tonka, 2006.
La veuve blanche et noire un peu détournée. Paris : Sens & Tonka, 2006.
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