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Carnet de Voyage de la Triennale de Setouchi
Teshima Art Museum, Teshima – Setouchi Triennale 2025. Photo: Xinyue Zhang
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1er au 31 juillet 2025

Xinyue Zhang

Traduction par André Lamarre

1. La Triennale de Setouchi

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« La Triennale de Setouchi est un festival d’art contemporain de renommée internationale qui se tient tous les trois ans dans dix-sept îles et villes côtières de la mer intérieure de Seto, au Japon. Cette année, du 18 avril au 9 novembre, elle se déroule sur trois saisons — printemps, été, automne —, ce qui permet aux visiteurs d’expérimenter la diversité des paysages et des cultures de la région. Sous le thème « Restoration of the Sea » (Revitaliser la mer), le festival se donne pour but de réanimer les communautés locales au moyen d’œuvres d’art in situ créées en harmonie avec l’environnement naturel et l’héritage culturel de chaque lieu. Les sites importants incluent Naoshima, Teshima et Shodoshima, où sont présentées des installations réalisées par des artistes japonais et internationaux. La Triennale propose un voyage unique où art, nature et vie quotidienne concourent à favoriser des échanges significatifs entre les artistes, les résidents et les visiteurs. »

Description de la Triennale de Setouchi, adaptée du site web par Xinyue Zhang. Pour plus d’information, consultez la page https://setouchi-artfest.jp/en/about/mission-and-history/

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2. Shinro Ohtake, MECON, 2013

Megijima – Triennale de Setouchi 2025

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Photo : Xinyue Zhang

Entrer dans MECON de Shinro Ohtake, c’est comme tomber sur le rêve d’une jungle oubliée, où la nature sauvage et les vestiges industriels s’assemblent dans un désordre extatique. Retiré à côté d’une école abandonnée, sur l’île de Megijima, ce jardin de sculptures constitue un collage compact de vie et de matière : mosaïques de tuiles de céramique, pièces de bateau rouillées, fragments de tubes de néon, autour d’un immense palmier qui a grandi sur l’île.

Ce qui m’a le plus touchée était la totale vitalité du lieu. Des plantes tropicales croissent vigoureusement dans des cages de métal, s’enroulant sur les structures mécaniques comme pour les reconquérir. Les feuilles surgissent à travers les espaces libres avec une énergie audacieuse, transformant le confinement en puissance d’expression. L’œuvre vibre d’une force brute et indomptable — un jardin secret où le chaos devient sacré.

La signature de Ohtake apparaît partout, sans jamais s’imposer. MECON ne demande pas une compréhension linéaire, mais invite la sensibilité à s’y créer un parcours, à observer les textures, les contrastes, ainsi que la délicate tension qui existe entre notre imaginaire et la persistance de la nature.


Photo : Xinyue Zhang


Photo : Xinyue Zhang


Photo : Xinyue Zhang


Photo : Xinyue Zhang

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3. Nicolas Darrot, Navigation Room [Salle de navigation], 2022

Megijima – Triennale de Setouchi 2025

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Vidéo : Xinyue Zhang

Dans Navigation Room, Nicolas Darrot construit un cosmos miniature — un planétarium cinétique où le temps, la marée et les rythmes célestes se déploient dans une chorégraphie d’éléments mobiles. En son centre est une boîte à musique qui joue des compositions adaptées à chaque mois de l’année, synchronisées avec une carte de navigation fragile, faite de coquillages et de brindilles. Cette carte faite à la main, inspirée par les cartes à bâtonnets micronésiennes, évoque une astronomie ancienne mais spéculative, retraçant la lumière déclinante du soleil et la pulsation invisible des étoiles.

En 2025, une nouvelle couche a été ajoutée : un calendrier lunaire harmonisé avec les phases de l’astre nocturne, approfondissant les relations de l’œuvre avec les cycles du temps et de l’intuition.

En entrant dans cette pièce, je me suis sentie submergée de la plus belle des manières. Chaque mécanisme était en action — subtil, complexe, vivant. Il devenait impossible de recueillir chaque événement à la fois. J’y suis restée plus longtemps que je ne le pensais, regardant, regardant à nouveau, laissant mon attention dériver d’un dispositif à l’autre. Cet espace nous invite à y revenir et à en faire une nouvelle expérience. Navigation Room porte moins sur l’observation que sur la gravitation — nous attirant dans la lenteur de son rythme planétaire.

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4. The Cabin Company, Mekochan: Old School Bookstore [Mekochan. La librairie de la vieille école], 2025

Megijima – Triennale de Setouchi 2025

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Photo : Xinyue Zhang

Sur l’île de Megijima, repliée à l’intérieur d’une école reconvertie, Mekochan: Old School Bookstore transforme une salle de classe en un monde de livres illustrés fantaisiste — et plutôt troublant. Créée par Kentaro Abe et Saki Yoshioka, le duo d’artistes de The Cabin Company, cette installation introduit à un univers narratif élaboré par des couleurs vibrantes, des personnages audacieux et un sens enfantin de l’émerveillement, empreint de surréalisme.

Au centre de la pièce est assis le personnage de Mekochan, une immense poupée aux grands yeux et au lourd sac à dos. Ma première impression fut le sentiment d’une discrète étrangeté — car sa présence, rassurante comme celle d’une poupée, devenait ensorcelante. Mais, alors que je demeurais plus longtemps dans cet espace, mon impression s’est modifiée. Immergée dans le langage visuel de la pièce, j’ai commencé à voir à travers son regard. Je me suis imaginée en Mekochan, me baladant dans la magie de cette minuscule librairie, entourée d’histoires et de textures qui repoussaient les limites de la mémoire et de l’imagination.

Old School Bookstore est plus qu’une installation — c’est une porte qui s’ouvre sur un autre soi, une autre enfance, une autre façon de voir.

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5. Eros Nakazato, Yoga Class – Meditating Swing, Rolling Scenery [Classe de yoga – Balançoire de méditation, paysage mobile], 2025

Megijima – Triennale de Setouchi 2025

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Vidéo : Xinyue Zhang

Faisant partie de la série Little Shops on the Island (Petites boutiques sur l’île), l’œuvre Yoga Class – Meditating Swing, Rolling Scenery de Eros Nakazato repense le bien-être pour en faire une expérience artistique immersive. Elle nous offre plus qu’un simple espace où se déplacer — il s’agit d’un site où le corps, la lumière et le paysage s’harmonisent avec délicatesse. En face du mont Yashima, de l’autre côté de la mer intérieure de Seto, une balançoire est suspendue au centre de la pièce, une invitation nous est faite à respirer, à nous balancer et à contempler.

Cette installation devint rapidement une de mes favorites. Nakazato y associe un charme rétro à un cyberfuturisme, ayant recours à des structures mécaniques complexes et à des sphères fantaisistes et cristallines dans le but de créer un espace de yoga qui paraisse simultanément ancré dans la terre et appartenant à un autre monde. Assise sur la balançoire, j’ai regardé par la fenêtre le scintillement de la mer et, pour un moment, je me sentais déambuler dans un Peach Blossom Spring contemporain (La Source aux fleurs de pêcher de Tao Yuanming). Le temps a ralenti, et la ligne de séparation entre la vie de tous les jours et le rêve s’est effacée lentement.

Yoga Class est plus qu’une métaphore de l’équilibre — c’est l’incorporation de la vitalité tranquille de l’île et de l’imaginaire qu’elle inspire.


Photo : Xinyue Zhang


Photo : Xinyue Zhang


Photo : Xinyue Zhang


Photo : Xinyue Zhang

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6. Emilie Faif, Our Island [Notre île], 2025

Ogijima – Triennale de Setouchi 2025

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Photo : Xinyue Zhang

Our Island d’Emilie Faif n’est pas qu’une sculpture — c’est une carte de la mémoire, tressée avec les textures de la vie quotidienne à Ogijima. Empruntant la forme de l’île elle-même, la pièce est construite de pièces d’étoffes teintées d’indigo, incluant les styles traditionnels kuruma-ori et shijira-ori, auxquels s’ajoutent des vêtements recyclés et des tissus donnés par les résidents. Comptant moins de deux cents habitants, c’est la communauté presque entière de l’île qui contribue à l’œuvre — fil par fil, vie par vie.

Le trajet jusqu’à l’installation est lent et bien pensé. Une suite de seuils — la route, le corridor extérieur, le passage intérieur, les portes de verre — retardent la rencontre immédiate et entretiennent l’anticipation. Lorsque je suis entrée, j’ai constaté que l’espace tenait moins d’une galerie d’art que d’un lieu de rassemblement. Il s’apparentait à une salle d’activités pour personnes âgées, conservant encore les traces de la vie quotidienne : une bouilloire au repos, une télévision dans un coin, un jeu de go abandonné à mi-partie et un chat enroulé de contentement sur un fauteuil, attendant peut-être une prochaine visite et une salutation gentille.

À ce moment, j’ai compris quelque chose d’essentiel : Our Island ne sépare pas l’art de la vie — elle affirme leur équivalence. De cette sculpture, nichée au cœur d’un espace vivant, ne se dégage aucune impression de monumentalité, mais plutôt une familiarité diffuse. Il s’agit d’une célébration de la communauté, de la mémoire et de la splendeur calme des choses ordinaires.

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7. Keisuke Yamaguchi, Walking Ark [Arche qui marche], 2013

Ogijima – Triennale de Setouchi 2025

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Photo : Xinyue Zhang

Perchée au sommet d’une digue, Walking Ark de Keisuke Yamaguchi propose une vision fantaisiste de la vie — un vaisseau à quatre paires de pattes inspiré par l’Arche de Noé, destiné à avancer hardiment, à grands pas dans la mer intérieure de Seto. Peintes d’un blanc impeccable et en bleu océan, ses quatre « coques » pointues ressemblent à des voiles ou à des crêtes de montagne, donnant l’impression que cette arche ne fait pas que marcher, mais qu’elle emporte le paysage avec elle.

Un charme irrésistible habite cette œuvre. Aussitôt que je l’ai vue, je n’ai pu m’empêcher de poser avec elle, redoublant sa marche confiante vers la mer. Son rythme et sa composition évoquent une bande de marins amoureux de la mer, prêts à embarquer dans la prochaine grande aventure. L’œuvre invite au jeu, au mouvement, ainsi qu’à une part d’imagination enfantine.

Walking Ark ne reste pas assise comme un monument — elle avance à grands pas, emportant nos fantaisies de voyage, de communauté, puis l’immense océan qui nous attend.

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8. Yayoi Kusama, Red Pumpkin [Citrouille rouge], 2006

Naoshima – Triennale de Setouchi 2025

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Photo : Xinyue Zhang

Pour la majorité des gens, la Citrouille rouge de Yayoi Kusama représente leur première rencontre avec l’art à Naoshima — se dressant fièrement dans le port de Miyanoura, elle accueille chaque traversier à son arrivée comme un phare surréaliste. Selon la conception de l’artiste, un rayon de soleil rouge est venu des confins de l’univers, dans l’unique but de se métamorphoser en cette sculpture audacieuse et couverte de pois installée dans la mer de Seto.

Je l’ai d’abord vue du pont du traversier et, même à distance, sa présence magnétique irradiait. Mais, après avoir marché vers elle, j’ai été surprise — la sculpture est plus grande qu’il n’y paraît à première vue, elle est ludique bien que monumentale. Sa surface rouge et éclatante produit un contraste considérable avec la douceur des bleus et des verts de la mer et de la montagne comme si, venue d’un autre monde, elle avait été jetée dans le paysage.

Son plus grand charme est son interactivité. Kusama ne s’est pas bornée à créer une sculpture pour qu’on la regarde — elle a créé un espace où il est possible d’entrer. Après avoir rampé à l’intérieur de la citrouille, en train d’observer le monde du dehors à travers ses fenêtres circulaires, je me suis aperçue que je souriais. Vue de l’intérieur, la mer m’apparaissait différente : encadrée, filtrée et légèrement surréelle. Un bref moment de joie et un nouveau regard.

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9. Tadao Ando, Musée Benesse House, 1992

Naoshima – Triennale de Setouchi 2025

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Photo : Xinyue Zhang

Calmement installée sur les pentes de Naoshima, le Musée Benesse House constitue autant une œuvre d’art que les chefs-d’œuvre qu’il héberge. Conçu par Tadao Ando et inauguré en 1992, l’édifice se fond harmonieusement avec son environnement côtier — ses murs lisses de béton nichés parmi les arbres, ancrés devant le vaste arrière-plan du ciel et de la mer.

L’exposition de 2025 présente des artistes occidentaux emblématiques, dont Frank Stella, mais, bien avant d’entrer dans les galeries, on éprouve la gravité de l’architecture de Ando.

En ce qui me concerne, c’est le musée lui-même qui me procura la plus forte expérience. Sa géométrie simple et grise ne domine pas le paysage, elle lui fait plutôt écho. Les murs, coulés en béton apparent, s’élèvent avec une calme assurance — solides, immobiles et en dialogue profond avec l’environnement. Marchant le long de ses passages qui offrent des vues inattendues sur l’océan ou des taches filtrées de la lumière du jour, je me suis sentie enveloppée par une présence à la fois monumentale et bienveillante.

Benesse House nous rappelle que l’espace architectural, à son plus haut niveau, ne se contente pas de contenir les objets d’art — il contribue à l’expérience affective et esthétique.


Photo : Xinyue Zhang


Photo : Xinyue Zhang


Photo : Xinyue Zhang

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Tout au long du mois de juillet, la Galerie vous invite à découvrir le carnet de voyage de Xinyue Zhang, récipiendaire du Prix Ann Duncan 2025. Suivez son parcours sur notre compte Instagram, où nous partagerons les moments forts de son voyage à la Triennale de Setouchi au Japon. En parallèle, la Galerie présentera les écrits de Zhang dans leur intégralité ainsi qu’un plus grand nombre d’images sur son site Web.

Xinyue Zhang est étudiante en histoire de l’art à l’Université Concordia et lauréate de la bourse de voyage Ann Duncan 2025. Du 7 au 11 mai 2025, elle s’est rendue au Japon pour explorer la Triennale de Setouchi, visitant des installations in situ à travers les îles. Son voyage s’est concentré sur l’expérience de l’art contemporain en dialogue avec le paysage, la mémoire et la communauté.

Le Prix Ann Duncan est une bourse de voyage qui défraie également les frais d’inscription des étudiant·e·s de premier cycle. Elle est décernée tous les deux ans et s’adresse en alternance aux étudiant·e·s en histoire de l’art et en arts pratiques (Studio Arts). En 2025, la bourse de voyage et de scolarité a été décernée à un étudiant de premier cycle inscrit à temps plein en histoire de l’art.