Inauguré en 2012 à l’occasion du 50e anniversaire de la collection permanente de la Galerie Leonard & Bina Ellen, le programme d’expositions satellites SIGHTINGS a été conçu comme une plateforme d’expérimentation et de réflexion critique afin de questionner les possibilités et les limites de l’espace du « cube blanc » moderniste. Ce programme est associé à un module de présentation cubique situé dans un espace public de l’université, que des artistes et des commissaires sont invité.e.s à investir en proposant de nouvelles stratégies de monstration artistique.
Après s’être penchée sur le travail et la pédagogie, la programmation thématique de SIGHTINGS pour l’année 2017-2018, conçue par la commissaire Katrie Chagnon, explore le domaine des psychopathologies en scrutant les processus qui troublent la psyché contemporaine, individuelle aussi bien que collective. Pouvant fonctionner comme un dispositif expérimental, une salle d’observation ou une métaphore de l’espace mental – « boite noire » devenue transparente –, le cube SIGHTINGS sera investi par différents projets qui interrogent les limites entre le normal et le pathologique, le soi et l’autre, l’intériorité et l’extériorité, ainsi que les structures (névrotiques, psychotiques, dépressives, anxieuses, etc.) qui conditionnent nos existences.
SIGHTINGS est situé au rez-de-chaussée du Pavillon Hall au 1455 boul. De Maisonneuve Ouest et est accessible tous les jours, y compris les fins de semaine, de 7 h à 23 h.
25 janvier au 6 mai 2018
Un projet d’Alexandre Bérubé
Événement
Présentation de l’artiste
Jeudi 22 mars 2018 à 18 h
La table comme surface et les doubles incorporels : retour sur quelques conceptions qui ont orienté l’élaboration du projet L’épreuve de la table de travail
Lors de cette présentation, l’artiste Alexandre Bérubé abordait les différents « récits de travail » ayant accompagné la réalisation de son projet. Il partageait notamment ses réflexions autour des architectures de verre, du mobilier figé, de l’espace d’installation, des rapports à la surface et des effets de présence.
Lieu : Cube SIGHTINGS
1455 boul. De Maisonneuve Ouest, Pavillon Hall
Rez-de-chaussée
Pour SIGHTINGS, je poursuis un cycle de projets sur la table de travail en tenant compte du contexte particulier d’exposition du cube, ainsi que des possibilités et des contraintes propres à la transparence de ses murs. Les murs transparents, donnant à voir simultanément l’intérieur et l’extérieur du cube, mais à travers des expériences distinctes du regard, reconfigurent de façon singulière les rapports entre expérience visuelle, expérience corporelle et expérience mentale. Tandis qu’à l’extérieur du cube, les jeux du regard et du point de vue (la position du corps, l’emplacement du regard) s’équivalent, l’intérieur du cube les disjoint — cet espace étant accessible au regard, mais inaccessible au corps, qui est physiquement exclu par le dispositif d’exposition. Cette disjonction, induite par la transparence des murs, est l’occasion d’étudier l’autonomie possible du regard et sa capacité à se projeter dans un espace clos, même à s’y construire un corps propre.
J’imagine une personne, debout, près de cette table, dans un espace restreint. Cette personne imaginée, auprès d’une table, dans un espace imaginaire est ce que j’appelle une figure.
Lire la suiteÀ l’intérieur du cube, je présente une installation dont le motif principal est la table de travail, objet central à la pratique des arts visuels en contexte universitaire. Comme dans un environnement privé, des objets mobiliers et des photographies sont mis en espace et reprennent, par la présentation ou la représentation, ce motif de la table. S’il ne peut être habité concrètement par les regardeurs et les universitaires qui fréquentent le bâtiment, cet environnement intérieur au cube est destiné à des figures projetées par l’intermédiaire du regard et de ses constructions mentales. L’un des enjeux de cette installation est de générer des effets de présence auprès des objets mobiliers disposés à l’intérieur du cube, voire d’y permettre l’apparition de figures singulières. Cette partie du projet s’appuie sur deux hypothèses conjointes, soit, d’une part, que les effets de présence sont rendus possibles, grâce aux projections imaginaires du regard, par la superposition d’un espace mental et d’un espace physique et, d’autre part, que l’espace mental est le milieu de vie des figures mentionnées.
Sur une des surfaces redoublant les parois extérieures du cube, je présente un texte pseudo-théorique qui peut être conçu comme l’amorce d’une étude de cas psychologique portant sur l’espace d’installation. Ce texte explore des hypothèses de recherche sur le problème de l’espace en psychopathologie1, basées sur la relation corporelle et psychique que j’entretiens avec mon propre espace de travail. L’une de ces hypothèses est que la perte ou l’épuisement de soi, qui caractérise entre autres l’état mélancolique associé à l’artiste et à l’érudit, est un problème spatial. Abordant la dissolution du sujet dans l’espace, je suppose que nous vivons généralement comme des figures imaginaires, projetées par le regard d’autrui, qui ne se distinguent pas de l’environnement mental dans lequel elles évoluent.
Alexandre Bérubé
- Référence au titre d’une conférence de Ludwig Binswanger, Das Raumproblem in der Psychopathologie (traduit en français par Le problème de l’espace en psychopathologie), prononcée en 1932 et originalement publiée en 1933.
L’artiste tient à remercier, pour leur contribution significative à ce projet, Katrie Chagnon, Hugues Dugas, Michèle Thériault, Jo-Anne Balcaen, Simon Brown, Anne-Renée Hotte, Caroline Mauxion, Gilles Rivard et Danny Glaude.
Alexandre Bérubé étudie actuellement à la maîtrise en arts visuels et médiatiques à l’Université du Québec à Montréal. Il est titulaire d’une bourse de recherche à la maîtrise du Fonds de recherche du Québec – société et culture (FRQSC). Ses projets récents en installation sont élaborés à partir d’objets mobiliers utilisés pour la pratique des arts visuels en contexte universitaire. Il mène une recherche sur les rapports entre la table de travail et le corps attablé, en observant les gestes, postures et orientations qu’impliquent un usage régulier du mobilier institutionnel. Pour étudier les phénomènes d’imitation et de stéréotypie propres à ce contexte, il distingue les corps biologique et symbolique. En janvier 2017, il a exposé le premier volet de sa recherche sur la table de travail à l’Œil de poisson, à Québec.