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SIGHTINGS
FICTION

Inauguré en 2012 à l’occasion du 50e anniversaire de la collection permanente de la Galerie Leonard & Bina Ellen, le programme d’expositions satellites SIGHTINGS a été conçu comme une plateforme d’expérimentation et de réflexion critique afin de questionner les possibilités et les limites de l’espace du « cube blanc » moderniste. Ce programme est associé à un module de présentation cubique situé dans un espace public de l’université, que des artistes et des commissaires sont invité·e·s à investir en proposant de nouvelles stratégies de monstration artistique.

Les projets de l’édition 2021-2022 de SIGHTINGS explorent le thème de la fiction comme lieu de réalité en devenir. À l’instar des efforts pour démanteler les fictions pétrifiées en monuments, statues et lieux de mémoire (et pour briser, du même coup, le statu quo qu’elles perpétuent), le programme soulève des questions de mémoire collective, de fidélité de représentation et de validité des faits. Il examinera, plus particulièrement, comment ces questions se déclinent dans l’espace public et l’environnement bâti. Prenant place à l’intérieur et à proximité du cube, les interventions s’intéressent à la façon dont les fictions sont construites et occupent l’espace; aux modèles de vérité et d’oubli qu’elles véhiculent; et à comment elles produisent ce que nous prenons pour réalité.

SIGHTINGS est situé au rez-de-chaussée du Pavillon Hall : 1455, boul. De Maisonneuve Ouest, et est accessible tous les jours de 7 h à 23 h. Le programme est élaboré par Julia Eilers Smith.

SIGHTINGS 35
PEDESTRIANS
Vue d’installation de Sightings 35, Pedestrians, un projet de Elly Reitman, 2022. Photo : Jean Michael Seminaro
Vue d’installation de Sightings 35, Pedestrians, un projet de Elly Reitman, 2022. Photo : Jean Michael Seminaro
Vue d’installation de Sightings 35, Pedestrians, un projet de Elly Reitman, 2022. Photo : Jean Michael Seminaro
Vue d’installation de Sightings 35, Pedestrians, un projet de Elly Reitman, 2022. Photo : Jean Michael Seminaro
Elly Reitman, Sketch for Pedestrians, 2022. Avec l'aimable concours de l'artiste.
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23 mai — 11 septembre 2022

Un projet d’Elly Reitman

Événements

Elly Reitman (né·e en 1990) vit en tant qu’invité·e en territoire autochtone non cédé à Tioh’tià:ke / Montréal. Titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts de la Cooper Union (BFA) et d’une maîtrise de la Milton Avery Graduate School of the Arts, Bard College, iel étudie actuellement l’acupression et la naturopathie en MTC à l’École Setsuko. Ses projets récents ont été présentés dans des expositions à Baba Yaga, CAVES, Gern en Regalia, 321 Gallery et Baader-Meinhof, et ses performances ont été présentées à Bard College, PAM, 99 Scott, Sculpture Center et au Rialto Theatre.

Les formes itératives de Pedestrians explorent les façons dont la signalisation, l’iconographie et les symboles nous façonnent sur le plan tant physique que psychologique. Les pictogrammes représentant un piéton et une main levée, aux intersections, nous intiment d’AVANCER ou d’ARRÊTER. L’alternance entre les formes rouge orangé et blanc givré rythme le temps comme un métronome, nous imposant une cadence à suivre tandis que nous circulons dans les rues. Nos espaces publics comme numériques sont ponctués et ornés d’infographies et d’images vectorielles chargées d’entretenir et de perpétuer les objectifs à atteindre.

Comment donnons-nous du sens aux choses, et comment le renforçons-nous ? Comment puis-je conserver mes œillères et voir les choses de façon claire et objective, alors qu’elles sont tout sauf simples ? La main rouge signifie ARRÊT, mais elle peut aussi évoquer le toucher, la culpabilité liée au fait d’avoir « du sang sur les mains », la main d’un corps allergique ou vascularisé, le gant rouge perdu appartenant à un ensemble élégant, etc., etc.

« If you see me walkin’ down the street
And I start to cry, each time we meet
Walk on by
Walk on by »

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Le vaste déploiement de mon travail n’est pas moins poétique ou fantasque que ne l’est la signalisation omniprésente ; les choses sont toujours plus complexes qu’il n’y paraît. Si ces pictogrammes prétendument « démocratiques » et « équitables » exigent que je joue le jeu, de mon côté, je leur en demande davantage en retour. Mon appropriation de ces symboles et les libertés artistiques que je m’accorde sont pour moi une manière de poser des questions plus générales sur le sens et le potentiel, de ralentir pour approfondir mes liens avec ces formes. Leur symbolisme peut être queer et complexe, et renfermer une multitude de détails, comme les fruits d’une nature morte hollandaise du xviie siècle, regorgeant de récits, d’affects et de subjectivités. Je tente de déceler l’émotion dans leur formalisme.

Tout en « restant informé·e », en faisant défiler sans fin le fil des actualités atroces, en gardant un pied dans le monde, je rencontre des formes et des graphiques esthétisés qui me résument des contenus à la teneur explosive. Il y a un immense fossé entre ces modélisations et l’expérience somatique qui résulte de l’interaction avec ce qu’elles signifient. Je me demande si nos symboles sophistiqués ont dépassé nos limites physiologiques, car cette forte densité iconographique sature nos champs de vision, et nos corps, qui doivent maintenir le rythme et décortiquer le tout, sont laissés à eux-mêmes. D’une certaine façon, je pense que les êtres humains trouvent désormais leur compte dans ces exercices cognitifs, qui rappellent l’interprétation de taches d’encre. La silhouette qui nous signale de traverser m’apparaît à présent épuisée, son échine légèrement courbée sous le poids des responsabilités liées à la circulation.

« I just can’t get over losin’ you
And so if I seem, broken and blue
Walk on by
Walk on by »

Les gestes qui sous-tendent cette œuvre n’expriment pas d’antagonisme envers les symboles modernes et leur disposition, même si – bien littéralement – je me les approprie, les décompose, y perce des trous et les réimagine. Je satisfais ainsi mon désir de complexifier le statu quo qu’elles reconduisent, et d’ouvrir une marge de manœuvre pour convertir les ordres impérieux en une série de propositions. Dans Pedestrians, les composantes interagissent entre elles pour déployer des références toutes simples en une installation plus vaste, activée par des éléments se trouvant dans le cube SIGHTINGS et à l’extérieur de celui-ci. Entre les murs de plexiglas, les figures incarnent des personnages et des accessoires, dans une disposition de type théâtre d’arène. Quatre lampes suspendues au plafond représentent des têtes, tout en jetant un éclairage scénique sur l’espace. Des décalques en vinyle dépeignant quatre différents motifs inspirés par la forme d’une main sont apposés aux fenêtres séparant les visiteur·euse·s des sculptures. À la manière d’un index, elles se prêtent à différentes interprétations esthétiques et conceptuelles. Les ouvertures incrustées de verre dans les figures proposent des façons de contempler les œuvres et de regarder à travers celles-ci, tandis que les corps circulant de chaque côté du cube reproduisent le théâtre des passages piétonniers.

En obéissant aux directives émises par le piéton et par la main, je fais appel à la fois au mouvement et à l’affect, et je m’accorde au rythme de la circulation.

« Walk on by (don’t stop)
Walk on by (don’t stop)
Walk on by (don’t stop)
Walk on[1]… »

La chanson « Walk On By » de Dionne Warwick résonne dans mon esprit tandis que je zigue-zague au sein des infrastructures. Selon les jours, je suis tantôt mélancolique, tantôt heureux·se, tantôt engourdi·e. Je m’efforce à être dans le monde.

[1] « Walk On By » est une chanson composée par Burt Bacharach, avec des paroles de Hal David, pour la chanteuse Dionne Warwick, en 1963.

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Elly Reitman (né·e en 1990) vit en tant qu’invité·e en territoire autochtone non cédé à Tioh’tià:ke / Montréal. Titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts de la Cooper Union (BFA) et d’une maîtrise de la Milton Avery Graduate School of the Arts, Bard College, iel étudie actuellement l’acupression et la naturopathie en MTC à l’École Setsuko. Ses projets récents ont été présentés dans des expositions à Baba Yaga, CAVES, Gern en Regalia, 321 Gallery et Baader-Meinhof, et ses performances ont été présentées à Bard College, PAM, 99 Scott, Sculpture Center et au Rialto Theatre.

L’artiste tient à remercier Connor Olthuis, Woobie Bogus, Max Guy, Julia Eilers Smith, Michèle Thériault, Hugues Dugas et la Galerie Leonard & Bina Ellen pour leur contribution et leur soutien au développement de ce projet.