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DANS LE VESTIBULE AVEC JEF CORNELIS
Daniel Buren, 1971, 16 mm transféré en vidéo, N&B, 5 min 40 s, néerlandais et français ; sous-titres anglais. © VRT, avec l'autorisation d'ARGOS (Bruxelles)
Vue d'hélicoptère, De langste dag (Le jour le plus long), 1986, Vidéo, couleur, 6 h 15 min 48 s, néerlandais, français, anglais, italien ; sous-titres anglais. © VRT, avec l'autorisation d'ARGOS (Bruxelles)
Inauguration de la Biennale de Paris, Biënnale van Parijs (Biennale de Paris), 1985, vidéo, couleur, 1 h 7 min 40 s, néerlandais, anglais, allemand, français, italien, espagnol ; sous-titres anglais. © VRT, avec l'autorisation d'ARGOS (Bruxelles)
Christian-Philipp Muller dans Een Openbar bad voor Munster (Un bain public pour Munster), 1987, vidéo, couleur, 40 min, néerlandais, anglais, allemand ; sous-titres anglais. © VRT, avec l'autorisation d'ARGOS (Bruxelles)
Richard Hamilton, 1971, 16 mm transféré en vidéo, N&B, 36 min 30 s, néerlandais et français ; sous-titres anglais. © VRT, avec l'autorisation d'ARGOS (Bruxelles)
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16 juin au 12 août 2016

Commissaire : Michèle Thériault

Émissions télévisuelles réalisées pour la chaîne de télévision belge (Belgische Radio en Televisie – BRT) des années 1960 aux années 1990

Présenté en collaboration avec ARGOS – Centre pour les arts et les médias (Bruxelles)

Cinq programmes diffusés dans le vestibule de la Galerie

Liste des programmes
Horaire de diffusion des programmes

Pistes de réflexion

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Jef Cornelis et le médium de la télévision

Le réalisateur belge Jef Cornelis est l’auteur d’un nombre impressionnant de films et d’émissions réalisés pour la chaîne flamande de la Radio-Télévision Belge (la BRT ‒ aujourd’hui la VRT)1. De 1964 à 1996, il a créé plus d’une centaine de films sur un vaste éventail de sujets associés à l’art contemporain et à la culture, au paysage et à l’architecture des Flandres ainsi qu’à la littérature et à la musique. Si les réalisations de Cornelis fascinent tant aujourd’hui, c’est à cause de cette volonté d’expérimentation qu’elles laissent transparaître, sur le format, la technique et le style télévisuels, les sujets abordés, ainsi que la façon de présenter les débats et les conflits. On peut affirmer en effet que bon nombre sont le produit d’un esprit prescient. Fait étonnant, toutes furent réalisées par la télévision publique, plutôt que de manière indépendante, une chose impensable de nos jours.

Jef Cornelis a étudié à la Film Academy à Amsterdam, mais c’est surtout son expérience de vie loin d’Anvers, sa ville natale, et l’intérêt qu’il portait alors au cinéma français qui l’inciteront à s’orienter vers le travail filmique. À l’âge de 22 ans, il est recruté par la section des émissions artistiques et éducatives de la BRT à Bruxelles. Peu de temps après, on lui donne carte blanche pour le tournage d’un film sur l’Abbaye du Parc, située près de Louvain (Abdij van Park Heverlee, 1964). À l’instar d’autres œuvres primées du cinéaste, le film révèle une manière incisive et pénétrante d’utiliser la caméra pour se concentrer sur ce qui dépasse, échappe ou se situe en marge du sujet – une stratégie qui deviendra une signature. Cornelis était un grand admirateur d’Alexandre Astruc, à qui l’on doit l’expression caméra-stylo pour définir une théorie du cinéma d’auteur qui sera associée au cinéma de la Nouvelle Vague. Dans ce premier film, la caméra transforme les détails architecturaux, les volumes et les passages en protagonistes du film. Il adoptera le même procédé avec la présentation d’œuvres d’art et de contextes artistiques, conférant à ses sujets une autonomie qui se reporte sur le spectateur.

Cornelis était habité par une curiosité insatiable pour le médium de la télévision, ses propriétés communicatives et ses modes de présentation; il était avide de tout explorer. En témoigne la diversité de ses sujets : œuvres et événements d’art contemporain, patrimoine architectural, planification urbaine, culturisme, sentimentalisme, exotisme, culture des magazines, parapsychologie, associations musicales, politique culturelle, intoxication, musique de transe. Cornelis était fasciné par différentes formes de savoir et de construction sociale, et comment elles s’imbriquaient dans la culture et la société contemporaines. Il a expérimenté le cadre télévisuel pour mettre en scène des rencontres entre ces sphères, leur offrir un cadre ou leur donner libre cours dans une approche critique et bien souvent provocatrice. Son désir de susciter le débat, de capter l’essentiel d’une discussion et d’associer l’image et le lieu le conduisit, dans les années 1980, à réaliser en direct par liaison satellite des émissions dont la série Brise-glace (Ijsbreker, 1983-1984), notamment, ainsi qu’un film marathon de six heures, The Longest Day (De langste dag, 1986).

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Cornelis était singulièrement entêté dans sa volonté d’imposer sa méthode de travail et ses idées sur le traitement d’un thème ou d’un sujet, que le projet lui ait été imposé par la chaîne ou qu’il l’ait lui-même proposé2. Il négociait ferme pour obtenir ce qu’il considérait indispensable : des équipes de tournage mobiles que la BRT utilisait pour couvrir des événements sportifs; des tournages par hélicoptère; des liaisons satellites; la création de nouvelles formes de présentation; l’usage de différentes pellicules; la construction de décors insolites; le recours à un technicien, à un scénariste ou à un commentateur particulier. La réussite d’un projet reposait sur l’équipe qu’il parvenait à réunir et sur l’adhésion à son approche. Avec la constellation de collaborateurs avec lesquels il travaillait régulièrement, Cornelis tenait de riches échanges intellectuels, essentiels à la concrétisation d’idées complexes touchant la structure et le discours. Parmi ceux-ci, on compte Geert Bekaert, historien et critique de l’architecture, avec lequel il a produit des critiques sociales de l’espace urbain; l’auteur Georges Adé qui, dans nombre de ses films, a mené des entrevues incisives avec des artistes; le commissaire Chris Dercon, qui contribuait des scénarios et des angles d’analyse; et Bart Vershaffel, philosophe et polémiste, qui a coanimé avec l’historien de l’art Lieven de Cauter la controversée série Container, une émission-débat qui sera en peu de temps supprimée des ondes.

Cornelis n’a pas toujours réussi à concrétiser les projets qu’il avait en tête – les entrevues de Koen Brams et Dirk Pütlau le démontrent bien –, mais la BRT lui aura néanmoins aménagé pendant plus de trente ans, grâce à l’appui d’une poignée de superviseurs et de collègues, un espace bien à lui dans lequel il eut la possibilité de faire du médium télévisuel un important site d’expérimentation. Au moment de sa création au début des années 1960, la BRT épousait les valeurs utopistes qui circulaient alors parmi les diffuseurs publics, accordant une grande place à l’ouverture et à l’improvisation, dans une société traversée par une remise en question des institutions, des conventions sociales et du pouvoir colonial qui se prolongera jusque dans les années 1970. La place accordée à l’expérimentation critique s’amenuisa au fil des ans; Cornelis quitta la BRT après avoir réalisé son dernier film, Les couleurs de l’esprit (De Kleuren van de geest), en 1997.

Un certain nombre de critiques considère Jef Cornelis comme un essayiste télévisuel. Dans sa pratique il a activement travaillé les idées (chose rare chez les réalisateurs télé aujourd’hui). Il poursuivait une démarche engagée, prenant position à l’égard du spectateur, des conventions et des limites de son médium, ne craignant pas de laisser le conflit, l’irrésolution, voire l’échec, devenir des éléments constitutifs de son travail.

Depuis une dizaine d’années, les films de Cornelis sont diffusés et analysés dans la sphère de l’art contemporain (auquel, ironiquement, la télévision ne réserve aujourd’hui qu’une très petite place), dans des écoles d’art et des universités, des symposia et dans le cadre de grandes expositions : Inside the White Tube : Un regard rétrospectif sur le travail télévisuel de Jef Cornelis (ARGOS, 2016); In Focus : Jef Cornelis à la Biennale de Liverpool (2014); Barely There, Part 1 au Museum of Contemporary Art de Detroit (2011) et Are You Ready for TV? au Museu d’art contemporani de Barcelona, MACBA (2011). Un grand nombre des émissions du réalisateur portent en effet sur l’art contemporain, les artistes, les expositions, les politiques et les événements culturels et nous offrent une perspective éclairante sur l’organisation des expositions, l’éthos artistique et la dimension politique des événements. Ceci dit, cet aspect de son travail doit être appréhendé et étudié à la lumière de l’ensemble de sa production, particulièrement par les artistes, les commissaires, les universitaires et la grande communauté des travailleurs culturels, puisque Cornelis a su créer pour lui‑même et autrui un espace propice à une contre-pratique axée sur les technologies de communication de son époque.

  1. Le site d’ARGOS Centre for Art and Media (Bruxelles) renferme une abondante documentation sur Jef Cornelis ainsi que des analyses de son œuvre; on peut y visionner ses archives télévisuelles (argosarts.org). Voir Inside the White Tube : Un regard rétrospectif sur le travail télévisuel de Jef Cornelis, commissariée par Andrea Cinel (http://expo.argosarts.org/?lang=FR). Une autre source riche d’informations est le site sur Cornelis créé par Koen Brams : http://jefcornelis.be.
  1. Voir les entrevues réalisées par Koen Brams et Dirk Pültau : http://jefcornelis.be/interviews.php, notamment « No Question that Television Equals Politics », sur le combat mené par Cornelis pour réaliser la série Container: http://jefcornelis.be/interview_06.php.

L’intégralité de l’essai peut être téléchargée dans la section Textes et documents de ce site.

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